samedi 23 janvier 2016

'77 (Seventy Seven) : "Nothing's gonna stop us" review

Je voudrais envoyer cette chronique au mensuel Rock Hard, qui m'a bien mis l'eau à la bouche en plaçant '77 sur son sampler de novembre 2015, mais n'a pas publié de chronique pour "Nothing's gonna stop us", le dernier opus en date...

Quatrième album pour les Barcelonais de '77, qui s'offrent une dimension sans frontières en rappelant sur la pochette qu'ils s'appellent "Seventy Seven" (et non pas "Soixante-dix-sept" ou encore "Setenta y siete"). Rappelons que ce groupe est surtout connu, dans l'inconscient collectif, pour être un clone d'AC/DC : riffs binaires, voix "BonScottienne", guitares Gretsch et Gibson SG mêlées, basse, batterie. Nés au moment où Airbourne a connu son ascension (ce qui n'a pas vraiment contribué à leur crédibilité), ces rockeurs ont surtout essuyé des critiques, et beaucoup ont vu en "21st Century Rock" (leur premier opus) un "one shot" sans lendemain. 
Oui mais voilà : ils sont toujours là ! Alors, bien sûr, l'héritage d'AC/DC est encore bien présent dans le propos de '77, mais déjà le groupe a su peu à peu convaincre de sa réelle capacité à composer et à envoyer des riffs dans cet esprit-là (impression pas désagréable d'écouter des inédits de la bande à Angus : le réalisme est saisissant !). Au fil des albums, les phrases musicales s'étoffent, gagnent en maturité, en variété, en audace, et nous voilà donc sur le point de glisser ce "Nothing's gonna stop us" tout neuf dans la platine... 
Dès le premier titre, l'hymne festif "It's alright", on entend bien que l'influence des antipodes n'a pas disparu du tout. C'est simple (voire simpliste), ça s'absorbe immédiatement : pas de révolution musicale pour l'instant. Avec "Tonight", la paire de gratteux pond un vrai bon riff (dont la dynamique pourrait renvoyer à une sorte de "Back in black" up tempo). Un bel effort musical, complété par un break efficace qui va casser des nuques en concert. Bref, ce "Tonight", au titre pas original pour un sou, est très plaisant(mais toujours sous la même perfusion qu'avant).
Avec le délicat "Come & join us", la perspective change. Au-delà de la complémentarité idéale entre le son de la Gretsch et celui de la Gibson SG (très bien exploitée sur ce titre), ce sont surtout les lignes vocales qui font vivre cette chanson. C'est particulièrement mélodique : voilà un peu de nouveauté ! Sur "Street dogs", même orientation, avec une progression d'accords élaborée (baroque, voire très légèrement néo-classique dans son approche, tout en restant typiquement binaire). Surprenant à la première écoute, mais diablement entraînant. Finalement, le sommet de ce lyrisme nouveau sera atteint un peu plus tard sur "No one like you", un titre radiophonique que l'on pourrait presque qualifier de pop song passée à la moulinette hard rock. Pour tout dire, la voix d'Armand Valeta s'en retrouve modifiée et quasi méconnaissable par moments : on sent beaucoup d'application, mais l'ensemble sonne de façon assez maladroite. '77 a-t-il voulu faire un clin d’œil à Poison ? Au hard FM ou à Kiss ? Mystère.
Il est par contre une influence nouvelle qui ne fait aucun doute : c'est celle de Thin Lizzy. Sur "Nothing's gonna stop us" et sur "Still waiting" (avec sa drôle de batterie funky en intro), il est clair que les frères Valeta ont ressorti leurs vinyles de Phil Lynott. Quelques guitares jumelles, mais surtout les enchaînements d'accords enrichis, emblématiques du groupe irlandais, sont au programme de ces deux chansons. Sur le morceau-titre, c'est particulièrement réussi. Dommage que cela soit à la mode ces temps-ci (cf. Black Star Riders, Dead Lord, Audrey Horne, Black Trip), car cela n'empêchera pas les ronchons de continuer à taxer '77 d'opportunisme...
A ce stade, les fans et amis de la première heure se demanderont peut-être ce qu'il en est des autres compositions présentes sur cette galette ? Eh bien, qu'ils se rassurent : mis à part le boogie "We want more rock n' roll" qui lorgne agréablement du côté de Rose Tattoo (période "Nice boys"), c'est toujours AC/DC qui est en ligne de mire. Mais, là encore, petite nouveauté : après avoir longtemps stationné du côté de "High Voltage" et de "Powerage", c'est vers une période plus récente que '77 semble avoir posé son vaisseau (et ce n'est pas la pochette, dont l'illustration rappelle les graphismes de "Black ice", qui dira le contraire). Toujours est-il que les riffs en arpèges de "GMDF" ont des airs de "Hard as a rock", le très efficace "Tightrope" pourra être considéré comme le "Beating around the bush" du groupe, tandis que "She makes me" (dynamique et doté d'un bon refrain) cousine de temps à autres avec "Shot down in flames". Aucun clonage avéré en ce qui concerne "Too young to die" (quelques mesures d'intro dans l'esprit de "For those about to rock") : bonne structure et phases variées, du riff calme au franchement martelé, pour un feeling assez héroïque. 
Pour finir, 2 bonus tracks sans surprise : "Raving mad" pourrait être une chute de l'album "Highway to hell" ; "I'm crying", très sautillant, propose des chœurs viriles en guise de refrain.
Au final, le bilan est plutôt bon : ces espagnols riffent bien (soulignons que c'est un bon groupe de scène) et ne rechignent pas à se diversifier. Leur "Nothing's gonna stop us" sera le compagnon musical de tout amateur de sons roots efficaces... si on lui laisse sa chance et que l'on ne recherche pas l'originalité à tout prix.