jeudi 27 août 2020

Idol Rich : "Working girls"

Qui se souvient des bandes rayées d'Idol Rich ? Pas grand monde, hélas... 
La bio incluse dans le livret de cette compilation nous explique pourtant que l'EP "Working girls" s'était très bien vendu dans les magasins spécialisés de Londres. Nous étions en 1985, après la NWOBHM donc... 
Bien des années plus tard, le label No Remorse nous offre les 4 titres de "Working girls", agrémentés de 3 autres enregistrés dans la foulée (fin 1985), et 2 autres datant de 1987, avec un line up remanié (la dernière mouture avant l'extinction des feux). Trois sessions différentes, mais l'ensemble s'articule vraiment très bien (surtout au niveau de la production que l'on pourrait qualifier de "professionnelle") pour former, de façon inespérée et inédite, un véritable album longue durée.
Groupe britannique, Idol Rich présente une "anomalie" qui pourrait induire en erreur un auditeur interrogé sur la provenance de la formation : hormis le système "so British" à deux guitares, cette musique sonne très U.S métal (à chacun de décider si c'est glam ou pas...). Détail amusant : sur les deux titres de 1987, le chanteur d'origine (Lee Silver) est remplacé par Snake, le vocaliste de Tobruk, autre groupe anglais lorgnant fortement vers le rêve Américain...
Les quatre chansons de l'EP original sont vraiment enthousiasmantes : tout particulièrement "Dirty dreams" (l'hymne du groupe, sans aucun doute) et "City streets" (plus fonceuse et revendicatrice, presque "juvénile"). Pour donner un ordre d'idée, ce serait la carrière solo d'Ozzy Osbourne qui pourrait se trouver dans la ligne de mire musicale d'Idol Rich (les premiers albums, en particulier ceux avec Jake E. Lee). 
Ensuite, au niveau des titres inédits, ça change un peu.
Quelques effluves de Van Halen par ci par là : la power ballade "All for your love" et son riff staccato classe à la "Ain't talking about love", ainsi que "Just when I thought" pour sa façade entertainment fraîchement repeinte. Avec "One step", on pense à Europe, les claviers en moins. Pas de feeling particulier concernant "Fire fire", si ce n'est que l'on remarque le plan électro au séquenceur qui démarre la chanson. Le cas le plus étrange reste "Into the sky" : ici, Idol Rich se frotte à une sorte de speed métal mélodique. C'est vraiment très bien fait, mais ce n'est pas trop raccord avec le reste et, pour le coup, le groupe s'éloigne des côtes Américaines le temps d'un morceau, pour se rapprocher d'un Helloween bien Européen.
Peu importe : rappelons-nous que toutes ces chansons n'ont pas été conçues, à la base, pour se retrouver sur le même support. On y croise donc, forcément, des titres de travail, des ébauches d'orientations futures... Mais, malgré des influences variées, le tout reste cohérent, et surtout abouti. Détail amusant : on remarque à peine le changement de chanteur sur les 2 dernières chansons, leurs timbres étant vraiment très proches. Si ça aussi ce n'était pas de la cohérence...



mercredi 19 août 2020

Q5 : "Steel the light"

Pour faire court, Q5 est un groupe originaire de Seattle, dont l'un des membres éminents est le fameux guitariste Floyd Rose (l'inventeur du vibrato flottant qui autorise tous les excès), et ce premier album a été enregistré en 1984.
Avec Q5, autant être clair dès le départ : il ne faut pas trop se fier aux éléments qui peuvent renvoyer une image "futuriste". Mettons d'emblée de côté le dessin de la pochette (superbe), le look des musiciens (ridicule), mais aussi l'incroyable morceau-titre (épique) avec ses synthétiseurs spectraux et son rythme lent et galopant (paradoxal mais vrai). En vérité, tout cela ne reflète guère le reste de l'album. Q5 n'est pas aventureux comme Queensrÿche (son voisin de Seattle) et pas non plus progressif comme Asia (auquel le visuel fait quand même fortement penser). Ses racines sont plutôt simples : AC/DC (cf. la chanson "Rock on", dont le refrain ressemble d'ailleurs à "Bedlam in Belgium"), The Who, The Angels, Deep Purple... Sauf que le groupe a su habiller ça avec une production chromée et millimétrée. Lorsque l'on ajoute des choeurs bien calibrés ("Ain't no way to treat a lady", "In the night"), le constat s'impose : Q5 chasse sur les terres de Def Leppard. On nuancera juste ce propos en disant que le groupe sait aussi sonner de façon plus heavy ("Missing in action", "Pull the trigger"), ou plus mièvre façon AOR ("Lonely lady"). 
Le dénominateur commun de tout cela, c'est malheureusement que Q5 n'a pas un talent de composition démesuré. "Steel the light" a connu son petit succès (mérité) à l'époque, mais n'est pas devenu un classique.
Profitons néanmoins de l'occasion offerte par No Remorse Records de redécouvrir ce hard n' heavy bodybuildé, un peu FM sur les bords, un peu daté. La réédition est superbe, puisqu'elle comprend un deuxième CD avec du matériel rare ou inédit. La démo de 1984 sonne super bien : on y croise des morceaux qui auraient mérité leur place sur "Steel the light" ("She's a dancer", par exemple) et d'autres qui ont atterri sur l'album mais que l'on peut déguster avec une production plus légère (plus naturelle). Le morceau "Your love is the best love" (démo inédite datant de 1983) est amusant car le son est encore plus roots et la musique rappelle Pat Benatar ! Il y a aussi quelques titres live : "Steel the light" passe très bien l'épreuve de la scène ; par contre, "That's alright with you" (présent 2 fois, et servant de jam pour nommer les musiciens) dilue longuement des riffs basiques qui n'en valent pas trop la peine.


lundi 10 août 2020

Thynn Ice

Le cas de Thynn Ice, groupe de heavy / power métal basé en Californie, est absolument étonnant, totalement anecdotique... 
Ici, le label No Remorse ne met pas sur le marché, comme souvent, une compilation regroupant un single ou un E.P suivi de quelques titres tirés de démos et autres enregistrements d'archive captés en répétition ou en live. Non, "Thynn ice" est un véritable album, totalement professionnel, mixé et abouti, mais qui n'a jamais édité, hormis les 20 copies de "test pressing" ! Incroyable n'est-ce pas ? Surtout lorsque l'on entend la qualité du produit...
Tout est particulièrement affuté sur ce disque datant de 1992 : l'instrumentation, la cohérence, l'interprétation, avec une certaine urgence qui jaillit des enceintes, et ce chanteur incarnant le maître de cérémonie parfait, avec sa voix virile et lyrique à la fois (on pense un peu à Sammy Hagar). 
Au niveau des compositions, on peut souvent ressentir l'influence de Maiden : du "Wrathchild" dans la manière saccadée dont s'articulent les riffs ("Victim of the fall", "Midnite strangler", "One more last time"), une pointe de "2 minutes to midnight" ("Thynn ice"), un peu de "Children of the damned" (la power ballade "Life and death"). Ensuite, ce sera plutôt le drive de Judas Priest ("Runnin' mean"), le côté épique de Dio ("Lies" et son superbe riff qui aurait pu faire chanter les stadiums), et même une approche plus froide et moderne à la Megadeth (la flèche solo de "The sound of mind", l'intro et le développement de "Society's child"). 
Mais nous étions au début des années 90 et le heavy n'était plus très à la mode... La suite, nous la connaissons, et elle a visiblement frappé Thynn Ice de plein fouet.
Alors, cet album éponyme est-il vraiment, comme on nous le dit, le graal du métal U.S ? Un disque absolument underground à diffuser (enfin !) et réhabiliter : oui, ça c'est sûr. D'écoute fort agréable, il ravira tous les fans de heavy, surtout ceux qui recherchent une vibe sortie tout droit des années 80. C'est bel et bien un trésor enfoui. 
Après, il faut relativiser un peu : ce n'est pas un "Killers", un "Holy diver" ou un "British steel" bis. Il y a bien sûr quelques riffs marquants ("Lies", "Society's child") et des refrains qui accrochent bien ("Lies", "One more last time", "Runnin' mean", les lignes vocales agréables de "Life and death), mais ce n'est pas totalement suffisant. 
Finalement, en savourant "Thynn ice", on pense un peu à Grim Reaper : un élève doué, même surdoué, mais qui ne dispose pas du stock d'hymnes lui permettant d'accéder en première division.



jeudi 6 août 2020

Voie de Fait : "Ange ou démon"

Attentat Rock, Fisc, Trust, et ici Voie de Fait : amusants ces noms de groupes français avec une connotation juridique ou capitaliste. Droit pénal, droit des affaires, droit financier... : on le sait, les travers de la société étaient déjà une source d'inspiration dans les années 80.
Fort de son unique album "Ange ou démon", Voie de Fait n'a donc pas dérogé à certaines règles ancrées dans le hard frenchy de l'époque... Avec d'ailleurs un talent certain. 
Il paraît qu'à sa fondation, le groupe était fortement influencé par Ted Nugent. C'est vrai que l'on peut entendre quelques traces de l'écoute prolongée de l'Oncle Ted dans le fameux titre d'ouverture "Pas plus de seize ans", celui-là même que le groupe a interprété fièrement à la télévision française (vidéo disponible sur YouTube). Mais lorsque l'on parcourt cet "Ange ou démon", on peut aussi entendre du jeune Maiden ("Non coupable", et surtout le superbe morceau-titre, avec toute sa théâtralité, sa rupture tragique), du Judas Priest ("Paris Business", "Amnésie" avec son break / solo très caractéristique) et... du Trust. C'est d'autant plus vrai que Voie de Fait produit des textes sociaux assez vindicatifs. Alors, lorsque la musique se fait un peu plus hard rock ("Préjugés", "Images", "Qu'est-ce que je fous là" et son riff / lick lorgnant vers "Antisocial" ou encore "Mr Comédie"), on pense immanquablement à la bande à Bernie et Nono. 
Cela n'empêche pas "Ange ou démon" d'être un classique du genre, bien peu ridé pour un disque datant de 1982. D'ailleurs, Voie de Fait sonnera, quoi qu'il arrive, différemment et toujours plus heavy qu'un Trust, notamment du fait de la voix de son chanteur : le sujet qui fâche (ou qui peut fâcher)... A l'époque, pour espérer sonner métal, il fallait un vocaliste puissant et montant aisément dans les aigus. Le moins que l'on puisse dire est que Voie de Fait avait recruté le bon candidat en la personne de Lounas Ourrad ! Cahier des charges presque trop rempli, les performances de Lounas étant quasiment excessives, au point de rendre la diction périlleuse (certains mots, certaines phrases deviennent méconnaissables, ce qui peut plaire à ceux qui n'aiment pas trop les textes en français). Question de goût : on n'aimera ou on rejettera ce timbre très haut perché ; on le trouvera beau ou carrément agaçant... Reste à admettre que, en plus de l'excellent travail des deux guitaristes et de la qualité des compositions, Lounas Ourrad a fortement (et forcément) participé à forger la personnalité de Voie de Fait.
Merci à No Remorse pour cette réédition : le bon son du vieux métal français à portée de toutes les oreilles et toutes les bourses.