samedi 30 novembre 2019

Destruction : "The antichrist"

1999 : le redéploiement de Destruction avec un album solide ("All hell breaks loose"), le retour de Schmier et à une formule power trio appropriée.
2001 : la confirmation du bien fondé de tout cela. Elle a pour nom "The antichrist". Un paléontologue de la musique, si ce métier existait, trouverait que tous les signes sont déjà réunis sur la pochette : le crâne qui explose emprunté à "Infernal overkill" (premier album studio), le boucher fou qui pose en chair et en os avec les membres du groupe. 
Enveloppant élégamment la première édition de "The antichrist", on mentionnera aussi l'étui cartonné marron et fluorescent, autant pour l’esthétique que pour la confiance du label Nuclear Blast dans le haut potentiel de cette nouvelle phase dans la carrière de Destruction... Et, comme si le groupe avait carte blanche pour maximiser l'impact de son nouvel album, le CD lui-même contient un gimmick amusant : 66 pistes, soit les 11 pistes audio des 11 nouvelles compositions, suivies de 54 pistes vides de quelques secondes chacune, débouchant sur la soixante-sixième (un "ghost track", comme on dit, et qui n'est autre que le réenregistrement de "Curse the gods", titre phare de l'album "Eternal devastation" de 1986, et "Thrash anthem" avant l'heure). 
La suite est encore plus anecdotique, et rend décidément ce pressage CD tout à fait collector (à se demander si le groupe ne l'aurait pas fait exprès...). Toujours est-il que l'ordre des morceaux qui nous est fourni ici (aussi bien sur l'étui cartonné qu'au dos du boitier cristal) est partiellement faux : après l'introduction instrumentale "Days of confusion" (dont les quelques notes en arpèges son clair donnent l'impression de franchir le seuil d'un cirque dégénéré), c'est "Dictators of cruelty" qui ouvre le bal, suivi de "Thrash 'til death" (au riff d'ouverture rappelant un peu le "Suffer the children" de Napalm Death), puis le blasphématoire "Nailed to the cross" (ensuite, les autres titres sont correctement listés). Amusant, mais surtout de peu d'importance puisque "Dictators of cruelty", "Thrash 'til death" et "Nailed to the cross" sont chacun des blockbusters potentiels...
Après cet accueil tonitruant et fort réussi, on saluera également "Bullets for hell" pour sa nette accélération speed linéaire sur le refrain, renvoyant un peu au proto thrash à l'ancienne (genre Exciter). 
Un peu plus loin, "Creations of the underworld" rappelle les bonnes impressions générées par le trio de tête (vous savez, les fameux morceaux qui semblent avoir une vie propre et se jouent du track listing). Puis, "Meet your destiny" (riff assez orientalisant) et "Let your mind rot" se chargent de marquer le pas, et de marquer des points dans le lourd, lourd, lourd (rassurez-vous, ils ne sont pas dénués d'accélérations,  aussi bien l'un que l'autre). Les harmonies de "Let your mind rot" (cette manière de laisser respirer certains accords) sont belles, presque atmosphériques : bravo Monsieur Mike Sifringer, dont les riffs complètement "crooked" atteignent des sommets sur le rapide et final "The heretic". 
Entre temps, on aura aussi traversé le feeling très sombre (on pense un peu à Slayer) et moderne (voix parfois trafiquées, inquiétantes) du fort efficace "Godfathers of slander".
Belle pièce du boucher, cet album. Destruction, vraiment très en forme, déploie tous ses artifices sur une production d'ailleurs mieux maîtrisée et plus naturelle que sur "All hell breaks loose" : guitares intelligibles (moins surchargées), basse audible et batterie non triggée (mais attention, du coup, au son creux de certains éléments, qui peut devenir légèrement agaçant au fil de l'écoute).

Etui cartonné marron et fluorescent (première édition CD de "The antichrist").






dimanche 24 novembre 2019

Megadeth : "United abominations"

Après l'épisode "Risk" (méritant, mais trop éloigné des standards du groupe), le recentrage un peu désespéré de "The world needs a hero", la séparation pure et dure, le retour avec un "The system has failed" musicalement prometteur mais basé par ailleurs sur trop de malentendus (line up, maison de disques, projet solo ou pas...), "United abominations" est perçu, dès sa sortie, comme l'album mettant fin à une période très tourmentée, pendant laquelle le groupe a plusieurs fois joué son destin. 
Seul maître à bord et dernier membre original après cette décennie de tempête, Dave Mustaine truffe ce onzième album de pépites thrash, et ce dès l'ouverture. "Sleepwalker", "Washington is next", "Never walk alone...", "United abominations" abattent un boulot phénoménal, renvoyant les écarts de "Risk" loin, très loin... Le son lui-même est sec et mordant : une vraie fontaine de jouvence. 
A l'instar des Vic Rattlehead new look ornant les différents visuels de l'album (dessinés par des fans, et sélectionnés après un concours organisé sur DeviantArt), Glen Drover, guitariste pour lequel ce sera malheureusement l'unique participation studio à l'aventure Megadeth, parvient à pousser Dave Mustaine dans ses retranchements et à se transfigurer. Témoignages de cette saine émulation, les incroyables duels de six-cordes sur "Play for blood" et "Burnt ice", qui n'auraient pas pu voir le jour sans une vraie soif de mordre, et un équipier qui aiguillonne comme il faut... Quant à la chanson "Gears of war", elle intègre le groupe dans la course de son époque en s'invitant dans la bande-son du jeu éponyme, sorti chez Microsoft !
Alors, bien sûr, les auditeurs adhéreront ou non au discours très politisé qui structure la plupart des textes, et émerge carrément dans certains titres ("Washington is next", "United abominations" et son flash spécial en français s'il vous plaît, "Amerikhastan"). On admettra objectivement que ces paroles souvent dures et réalistes accompagnent vraiment bien le propos musical ultra heavy et stylé à la fois de Megadeth (petit clin d’œil, au passage, à "Peace sells...").
Quant à la destinée de cet "album de la renaissance" (formule écrite entre guillemets car, encore une fois, le prédécesseur "The system has failed" mérite lui-aussi sa part du butin), elle n'est pas très heureuse, le groupe semblant avoir renié cet héritage. Quasiment absentes des set lists et des compiles, les chansons de "United abominations" sombrent peu à peu dans l'oubli... La faute au retour de Dave Ellefson (bassiste co-fondateur), mais aussi, peut-être, à la présence assez incongrue de "A tout le monde", une auto-reprise réenregistrée avec un tempo plus soutenu, ainsi que la présence de Cristina Scabbia, chanteuse du groupe de métal gothique italien Lacuna Coil. Musicalement, rien de bien croustillant, à vrai dire, par rapport à l'originale, mais bien suffisant hélas pour éveiller la méfiance de certains fans, prompts à accuser le groupe de remplissage et de racolage... Dommage, sachant que pour Megadave, il s'agissait juste, à travers ce classique revisité, de démontrer qu'il avait bel et bien retrouvé le nord magnétique.


mercredi 6 novembre 2019

Nashville Pussy : "Let them eat pussy"

... de bruit et de fureur...
Pour ce tout premier manifeste, à peine 27 minutes d'un rock sale, énergique, saturé, vite expédié... Les morceaux s'enchaînent sans temps mort : la plupart ne franchissent même pas la barre des deux minutes... A peine le temps de s'habituer, et c'est la chanson suivante qui jaillit, précédée par un torrent de larsens et autres bruits blancs. Les niveaux sont too much, les amplis sur 11 ou 12, largement de quoi lutter avec la voix gouailleuse et mal poncée de Blaine Cartwright, le chanteur / guitariste.
De l'écoute de "Let them eat pussy", il ressort tout d'abord une atmosphère générale, et l'impression diffuse de tenir entre ses mains une sacrée pépite, et en même temps un artefact particulièrement dangereux. Lorsque le grand Lemmy a écouté et vu cet album (cf. la pochette), il ne s'est d'ailleurs pas trompé : ce groupe était plus que prometteur, et le rock n' roll - le vrai - pouvait dormir sur ses deux oreilles quant à sa pérennité et sa réputation sulfureuse.
Headbanging en rythme sur le tempo le plus souvent frénétique des chansons : impossible de résister. Seule "Fried chicken and coffee" marque un peu le pas : vitesse mesurée mais sournoiserie renforcée.
De cet amas vicieux, quelques flèches encore plus empoisonnées que les autres : le bombastique "Go motherfucker go" et le truculent "I'm the man", futurs hymnes indécrottables des set lists du groupe ; "Johnny hotrod", remarquable pour son côté boogie dégénéré, un peu comme si ZZ Top faisait la première partie des Sex Pistols ; la reprise "First I look at the purse" qui n'a forcément plus rien à voir avec le R&B original de ses géniteurs (The Contours), ni même avec le rock assez cool typé 70's de J. Geils Band, qui avait pourtant déjà en son temps amené le morceau vers une autre dimension, à base de guitares et non de cuivres.
Et pour finir sur une note au moins aussi ouvertement sexuelle que ce disque, un desiderata difficile à obtenir mais apte à faire rêver : "Lap dance from Corey !". Comprendra qui pourra...

vendredi 1 novembre 2019

Mortician : "Chainsaw dismemberment"

Mortician... La terreur des systèmes de sonorisation, l'enfer des haut parleurs, le génocide des amplis... Un son tellement compressé et gavé d'infra basses que l'on pourrait presque douter de son origine humaine. 
Prenons comme références, dans le petit monde du death, "Tomb of the mutilated" de Cannibal Corpse ou encore "Effigy of the forgotten" de Suffocation : deux exemples de productions tellement compactes et étouffantes que l'on aurait pu se croire bien tranquilles (en gros, impossible d'aller plus loin sous peine de ne plus rien entendre du tout). Pourtant, Mortician l'a fait, s'approchant encore plus près du point de non retour. Chez eux, le bassiste / chanteur growle tellement bas qu'on a parfois l'impression de le perdre dans le mix. Les chants coagulés de Chris Barnes et de Frank Mullen semblent vraiment légers en comparaison. Quant à la basse, justement, elle se réduit, lorsque l'on a la chance de l'entendre, à un gros grésillement. Pour la batterie, c'est encore plus simple : il s'agit d'un logiciel très avancé, avec ses avantages (l'accès à des BPM inhumains, la programmation au cordeau) et ses inconvénients (la rigueur excessive des structures, le côté chimique du son).
Ce décor déjà apocalyptique, qui forcément conduit Mortician à voyager aux confins du death metal vers les frontières du grind (28 morceaux pour 50 minutes de musique : oui, c'est cohérent), ne serait pas complet sans une petite spécialité maison : le recours à des samples tirés de films d'horreur / gore. Cette pratique ne s'applique pas à l'ensemble des chansons ; disons qu'environ un bon tiers bénéficie de ce type d'intro (voire outro dans le cas du dernier titre), ce qui confère à "Chainsaw dismemberment", en sus des abominations évoquées dans les textes et dessinées sur la pochette, une terrifiante atmosphère à couper au couteau. La barbarie de la musique n'en est que sublimée...
Et l'auditeur dans tout ça ? Dans quel état récupère-t-on le pékin qui s'est enfilé d'une traite la totalité de ce monstrueux deuxième album ? Eh bien, s'il est honnête et surtout attentif, il pourra déclarer que le death de Mortician n'est quand même pas un "tout à fond" permanent, ce que l'on pourrait redouter au premier abord. Entre "Fleshripper" (moins d'une minute de blast psychotique avec une vague mosh part), "Decayed" (une grosse touche de groove dans un monde de brute) et la lenteur poisseuse de "Camp blood", il y a diverses passerelles qui sont déployées. Mieux, un même morceau peut proposer plusieurs saveurs, comme ce "Silent night, bloody night" qui se paie le luxe de démarrer de manière très lourde, en se calant astucieusement sur la B.O du sample qui l'introduit, pour ensuite évoluer vers le blast puis des parties mid tempo. Certes, ce serait mentir de dire que les riffs sont aussi mémorisables qu'originaux : dans une telle mixture, c'est presque impossible. Non, ce qui fait surtout l'attrait de "Chainsaw dismemberment" c'est son extrémisme dans l'extrême, et pour cela le groupe fait tout simplement partie des meilleurs.