samedi 3 novembre 2018

Lucifer : "Lucifer 2"

Un deuxième album pour Lucifer ? C'est Johanna Sadonis qui a dû pousser un gros soupir de soulagement en voyant pour de vrai cet opus dans les bacs. Après le départ de Linnéa Olsson qui avait causé la fin prématurée de The Oath, le souhait soudain du guitariste Garry Jennings de quitter Lucifer, dans la foulée d'un premier album pourtant fort réussi, a dû donner de bien vilaines sueurs froides à la chanteuse. Il faut rappeler que Jennings avait sérieusement mis la main à la pâte lors du processus de composition de "Lucifer 1" : autant dire qu'il partait en emportant une bonne partie des meubles et des clés... 
Pas de souci : Nicke Andersson, embauché comme batteur, possède plus d'un tour dans son sac. Cet ex-Entombed et The Hellacopters est également guitariste et producteur ; alors, équipé de toutes ces casquettes (c'est le cas de le dire), il redéfinit le cadre musical de Lucifer. Exit le doom occulte de "Lucifer 1"  (on n'en retrouvera  quelques traces sur "Faux pharaoh" ou encore "Eyes in the sky") ; place à un hard rock psychédélique et fortement vintage. A certains moments, on frôle le stoner ("California son", les riffs introductifs de "Phoenix", "Reaper on your heels", "Before the sun", "Aton") mais c'est globalement une impression "soul" qui prédomine, notamment au niveau des refrains de la plupart des chansons. Sur "Dancing with Mr. D" (reprise des Rolling Stones) et "Before the sun" c'est carrément évident : Lucifer se rapproche de groupes tels que Purson ou Blues Pills. "Dreamer", élégante et légèrement malsaine à la fois, constituerait bien une sorte de pont idéal entre l'univers de "Lucifer 1" et celui des combos mentionnés ci-dessus...
Pas grand chose à dire ni sur le fond ni sur la forme : "Lucifer 2" est un disque réussi et la voix de Johanna caresse à merveille ces influences supplémentaires. Il n'y a pas vraiment de cassure nette ou illogique entre les deux albums, juste un enclenchement d'aiguillage possible mais un peu inattendu, qui pourra peut-être désarçonner certains fans, tout en poussant les autres à saluer la démarche du groupe, car elle est de qualité.



vendredi 2 novembre 2018

Conan : "Existential void guardian"

Le dernier album en date, "Revengeance", était âpre, tortueux ; un ovni musical massif et qui se méritait... 
Alors, ce qui étonne avec ce "Existential void guardian" tout neuf, c'est que l'on y pénètre et que l'on y trace sa route sans trop de réflexion ni de difficulté. Difficile d'affirmer que Conan a vraiment simplifié ses riffs : chez ces chantres du doom guerrier, ils n'ont jamais été d'une très grande complexité, notamment du fait de l'accordage exceptionnellement bas de la guitare (peut-être même aussi de la basse) ainsi que de l'épaisse couche de fuzz qui les recouvre. Ce nouvel opus ne sera pas non plus l'album des pires excès de lenteur : "Revengeance" est déjà passé par là, avec ces véritables marécages musicaux qu'étaient certains passages de "Thunderhoof", "Wrath gauntlet" ou encore "Every man is an enemy". Non, finalement ce qui constitue l'attrait de "Existential void guardian", c'est une certaine concision dans le propos, un "je-ne-sais-quoi" rendant l'ascension plus directe du monolithe appelé Conan. Bon, l'easy listening est encore très loin, les néophytes continueront à gémir et les programmateurs à ignorer le phénomène, mais il est clair que le groupe a décidé d'aérer un peu. 
Mention spéciale pour le track listing, particulièrement bien étudié et permettant de varier les plaisirs d'un morceau à l'autre... Il faut dire que la pente est vertigineuse, de la lourdeur traditionnelle de "Prosper in the path" jusqu'aux quarante-cinq secondes furieusement grind de "Paincantation" (le "You suffer" de Conan). Entre temps, "Volt thrower" réussit son placement de titre court, enlevé et facile à lire (radiophonique à sa manière), tandis que sur certains passages de "Eye to eye to eye" le groupe convoque l'énergie du hardcore. On notera aussi quelques moments calmes sur "Eternal silent legend" : démarrage plutôt discret pour mieux t'aplatir mon enfant... Quant à "Vexxagon", c'est vrai - en y réfléchissant bien - qu'il est bâti sur des riffs plutôt simplistes (l'un d'entre eux, vers la fin, est même une relecture lente de celui de "Volt thrower"), mais il faut bien tout écouter : les patterns de batterie, les lignes de chant sont là pour maintenir l'attention des plus endurcis.
Petite mise en perspective finale : 4 titres live captés en 2018 à Manchester feront le lien sans à-coups entre hier et maintenant.