samedi 30 mai 2020

Highland Queen

Highland Queen était un groupe de métal basé près de Lille (nord de la France). 
Ils ont été très actifs de 1983 à 1985 : nombreux concerts, dont des premières parties prestigieuses (Twisted Sister, Sortilège, Tokyo Blade, Stocks) ; quelques enregistrements (un par an, pour résumer).
Une carrière prometteuse, mais éclair, comme de nombreuses formations françaises de cette époque, oeuvrant dans le même style. Du talent, de la volonté, un concept et une orientation musicale, dans un pays malheureusement pas assez réceptif... Manque de promotion, manque de soutien... On connaît.
Merci donc à No Remorse Records pour cette belle réédition, parue en 2018. Comme d'habitude, le label grec (aidé par Christophe Bailet, grand collectionneur de hard français) a fait un gros travail d'archéologie, de mémoire et de réhabilitation. 
Highland Queen, ou comment célébrer ceux qui, d'une certaine manière et bien des années avant, ont ouvert la voie à une formation telle que Blackrain.
Au fil de ce CD compilation, on découvre l'évolution du groupe Lillois : entre le premier 45T encore balbutiant (surtout au niveau du son) de 1983, où les influences Judas Priest et NWOBHM semblent assez évidentes, jusqu'au mini LP très abouti de 1985 dans lequel on sent une orientation plus américaine et plus "festive" (style Van Halen, Mötley Crüe, Twisted Sister ; même si le speedé "Get out" peut aussi faire penser à Accept ou aux titres rapides du Priest). Entre ces deux jalons, on a droit à la démo convaincante de 1984, à l'approche forcément "transitionnelle" ou encore préparatoire. Par contre, "Live wire" (reprise de Mötley Crüe) et "Highway to the top", enregistrés live à Wattrelos en 1985, ne font hélas pas partie de la liste, alors qu'ils apparaissaient sur une précédente réédition (qui ne comportait pas la démo de 1984...). 
Malgré ses titres et ses textes en anglais assez "basiques", le mini LP aurait dû être une porte d'entrée vers un succès croissant et d'autres parutions. La musique n'est pas d'une grande originalité, mais tout est calé, pensé, en place. L'interprétation et l'enregistrement sont de qualité professionnelle. Le chanteur, Patrick Zamparini, a trouvé sa voix, délaissant majoritairement le timbre aigu pour aller vers quelque chose de plus "middle", en injectant exactement ce qu'il faut de classe, de fun et d'agressivité.  
Le sort, on l'a déjà évoqué, en a décidé autrement, précipitant Highland Queen vers le split abrupt et définitif. 
Aujourd'hui, à travers ces enregistrements redevenus disponibles, ils sont en quelque sorte "back from the past", alors profitons-en, aussi bien pour rafraîchir nos souvenirs que pour rattraper notre retard.

vendredi 29 mai 2020

Memoriam : "The silent vigil"

A peine un an après sa première carte de visite ("For the fallen"), Memoriam remet le couvert avec "The silent vigil". Bon dieu, douze années sans sortir d'album ont vraiment dû donner faim à Karl Willetts, rescapé du défunt Bolt Thrower (et pour Andy Whale, batteur historique qui a quitté BT en 1994, juste après l'enregistrement de l'album "For victory...", n'en parlons même pas...).
Bref, avec ce "The silent vigil", le "jeune" groupe assoit bel et bien ses principes fondateurs. Tout d'abord, visuellement, à travers une superbe pochette, apocalyptique, et toujours signée Dan Seagrave, cette fois-ci dans des tons roses du plus bel effet. 
Musicalement, porté par une production qui semble plus sèche et plus compressée que pour "For the fallen", Memoriam déploie à nouveau son death metal qui reste majoritairement mid tempo (on frôle parfois le blast, comme sur "As bridges burn", par exemple, mais sans jamais l'atteindre tout à fait) et fonctionne à grands coups de breaks vertigineux, de chorus de guitares jumelles et de riffs très heavy. Rien que sur le "Soulless parasite" d'ouverture, tous les ingrédients sont déjà réunis, et il est d'ailleurs intéressant de noter que, dans ce titre comme dans certains autres, les harmonies tissées par les guitares jouent plutôt dans les graves. D'autres fois, ces harmonies visent plutôt la tierce vers les aigus : c'est le cas de "From the flames", et surtout du morceau-titre "The silent vigil" qui, très court et principalement basé là-dessus, se pose comme le digne successeur de "Memoriam" sur le premier album. Sinon, les notes associées peuvent être aussi tellement crooked ("Weaponised fear") que l'on se croirait presque en présence des riffs inhumains et malsains créés par Trey Azagthoth en personne (Morbid Angel), ou encore les gars d'Immolation.
Mais, dans tous les cas, il faut surtout reconnaître le côté majestueux (et finalement mélodique) atteint par cette manière de concevoir le death : "Bleed the same" (menaçant, plus chargé qu'un 15 tonnes et pourtant superbe, presque mélancolique), et que dire du passage transitoire central de "No known grave", véritable petite symphonie en distorsion, si ce n'est que l'on a rarement entendu quelque chose d'aussi somptueux dans ce genre musical. 
Même le titre bonus "Dronestrike V3" est très bon, offrant au passage des sensations un chouia plus immédiates, légèrement moins travaillées, que ses copains de track listing.
Franchement, méfiez-vous de cet album : il risque, lorsque vous l'aurez bien ingéré, de vous (re)faire plonger pour toujours dans le chaudron du death.



samedi 23 mai 2020

Marduk : "Panzer division Marduk"

Un défi... Un pari un peu fou...
En 1999, les black métalleux de Marduk ont le vent en poupe et décident d'enregistrer le disque le plus violent, le plus jusqu'au boutiste possible. 
Choisissant "Reign in blood" de Slayer comme mètre étalon, le groupe suédois l'égale en durée (30 minutes et quelques secondes) mais le dépasse carrément en intensité. Sur "Panzer division Marduk", il n'y a pas de "Postmortem" ou de "Raining blood" pour souffler un peu ou varier les plaisirs... Ici, c'est la guerre totale et définitive. Les musiciens se sont transformés en soldats, en servants de canons, et leurs instruments font corps avec les nombreux samples de machines de guerre. Tout s'amalgame pour former une incroyable et impitoyable bande son des champs de bataille de la deuxième guerre mondiale.
On peut bien sûr considérer ce disque comme un exercice de style et se l'avaler d'un coup, sans respirer. Pourquoi pas ?
Dans une approche plus musicale, on remarque évidemment qu'il s'agit de notes, de rythmes, d'un gros travail de composition et d'assemblage. Malgré l'aspect très linéaire, rapide et monolithique de l'ensemble, il y a bien quelques variations. 
Par exemple, une mini mosh part dans "Baptism by fire" et "Fistfucking god's planet" pour introduire un riff transitionnel, ou encore un court passage un peu plus lent au coeur de "502" (à cette occasion, on entend même le groove de la basse). 
On peut aussi classer les morceaux : ceux qui sont très directs (genre séquences d'accords hyper speed) comme "Panzer division Marduk", ou ceux qui développent davantage les riffs typiques et assez mélodiques du black métal (on pense à la mélopée qui porte "Kaziklu bey", sur l'album "Nightwing", lorsque l'on écoute "Christraping black metal", "Fistfucking god's planet" ou encore "Blooddawn").
Des refrains ? N'allons pas jusque là... Des mots scandés et hurlés, qui ressortent un peu mieux sur certaines chansons : "Baptism by fire", "Fistfucking god's planet", et surtout "Christraping black metal" (le plus remarquable).
Un disque unique, à écouter au moins une fois dans sa vie et, qui sait, à apprécier peut-être, tant le pouvoir évocateur de cette musique est énorme (sans compter la qualité irréprochable et bluffante de l'interprétation). 

dimanche 10 mai 2020

Iron Maiden : "The X factor"

Difficile de trouver un consensus, une unanimité, un avis commun fiable sur cet album...  Au fil des chroniques, on l'adore, on le déteste, on le trouve moyen, on encense certains titres que d'autres descendent en flèche... Impossible, je vous dis... Difficile...
Enfin, si : il y a bien quelques certitudes qui émanent de cette oeuvre. D'abord, le feeling sombre qui enveloppe le tout, de la pochette jusqu'à la musique, en passant par les paroles, ainsi, bien sûr, que la voix assez "dark" du nouveau chanteur, Blaze Bailey. Et puis, il y a la période, les circonstances, déstabilisantes : remplacer un vocaliste emblématique mais démissionnaire (Bruce Dickinson), constater que le style de prédilection du groupe, le heavy metal, n'a pas vraiment la cote en 1995, année de sortie de "The X factor". Bref, Iron Maiden entre dans le pire creux de vague qu'il ait jamais affronté...
Il y a encore quelques jours, je ne connaissais pas "The X factor" : le seul album de Maiden manquant à ma collection... Achat effectué, écoutes attentives : je découvre tous les titres avec une oreille toute neuve, à l'exception de "Sign of the cross", présent sur le live "Rock in Rio". Bonne chanson, longue, épique : elle explose en concert ; elle est beaucoup plus terne dans sa version studio, sans être non plus catastrophique... Bizarrement placée en ouverture de "The X factor" car démarrant lentement et posément, on est particulièrement attentif aux premières mesures chantées par Blaze Bailey, d'abord surpris de n'entendre ni Paul Di'Anno ni Bruce Dickinson dans ce contexte musical très caractéristique. Mais on oublie vite, signe que Blaze fait le job très correctement. Il ne déméritera vraiment pas tout au long de cet album, mais on sent vite qu'il manque légèrement de flamboyance, de théâtralité... L'univers Maiden n'est pas totalement fait pour lui.
Ensuite, "Lord of the flies" (bon riff à la "For those about to rock") et le speedé "Man on the edge" (intro style "The evil that men do") se chargent de faire bouger ce début d'album. Ok pour la dynamique, mais honnêtement les refrains sont taillés assez grossièrement. Ils existent néanmoins, on les retient.
Avec "Fortunes of war", "Look for the truth" et "The aftermath","The X factor" s'embourbe dans le mid-tempo invasif. Dommage, car l'intro de "Fortunes of war" est belle, un peu dans la veine de "Infinite dreams" (mais le refrain est simpliste au possible, une vraie purge), tandis que "The aftermath" dégage un feeling plutôt moderne (on pense à Queensrÿche) et présente des lignes vocales réussies. Pas grand chose à tirer, par contre, de "Look for the truth" : un rythme saccadé que l'on pourrait qualifier de "folklorique" ; à creuser quand même puisqu'il aboutira 2 albums plus tard à un futur hymne nommé "Blood brothers" ! En revanche, l'ennui s'installant, on remarque que la production écrase les guitares (on n'a vraiment pas l'impression qu'il y en ait deux) au bénéfice de tout le reste, avec, il faut bien le dire, une mise en avant très claire de la basse de Steve Harris (les contre pouvoirs Dickinson et Smith sont partis, ça se sent)... Si "Sign of the cross" pète en concert mais pas sur ce disque, il ne faut pas chercher plus loin la raison : la puissance des guitares est sacrément mise à mal par ce mix bancal.
Passons à "Judgement of heaven" qui ouvre, à mon sens, la partie la plus intéressante de l'album. Bonne chanson, bien rythmée et assez épique, avec un petit penchant atmosphérique pas désagréable. Intéressante mise en jambes, avant d'aborder "Blood on the world's hand", dont le rendu réussi résulte d'un cas fortuit : suite aux choix de production évoqués plus haut, les nappes de claviers présentes sur ce titre relèguent les guitares très loin derrière, ce qui génère un effet planant totalement inédit chez Maiden (là, je commence à entrevoir pourquoi certains fans aiment tant "The X factor")... En plus, le refrain est bien conçu, et le chant de Blaze convaincant, et même assez vindicatif. 
Album sombre disait-on vers l'entame de cette chronique, et ce ne sont ni l'intro ni la fin de "The edge of darkness" qui pourront démentir cela : quelle mélancolie, quelle tristesse se dégagent de ces harmonies que l'on croyait réservées à la frange la plus extrême du métal. Les lignes vocales sont superbes, poignantes... Dommage, par contre, que le corps de ce titre soit aussi stéréotypé, fonctionnant selon des schémas Maiden déjà vus et revus.
On termine en beauté et en originalité avec "2 A.M." et "The unbeliever". Un peu comme "The aftermath", les deux titres lorgnent vers une approche moderne à la Queensrÿche. Lorsque les guitares passent en son clair, l'impression devient une évidence : ces harmonies ont le son, les inflexions d'une certaine avant-garde du métal. En prime, ceux qui reprochent à Blaze Bailey un manque de puissance peuvent écouter le superbe refrain de "2 A.M." pour constater que ce n'est vraiment pas le cas. Quant à "The unbeliever", on peut dire que cette chanson interpelle via sa construction alambiquée : incroyable riff de basse en intro et outre, mesures complexes, passages calmes, relances... Très bon titre. 
Terminons de manière subjective : le fait est que j'ai adoré voyager dans les méandres de ce disque. Ce n'est pas le meilleur d'Iron Maiden, ce n'est pas non plus le pire, loin de là. Il est définitivement à part et a beaucoup à offrir.