samedi 28 juillet 2018

Rory Gallagher : "Irish tour '74" (D'Head Banger magazine)

La chronique signée Pierre Watremez, dans D'Head Banger magazine n°1 (mai 1990) - Les 100 meilleurs albums du hard 1968 - 1990.

La page complète sur laquelle se trouve la chronique...



vendredi 27 juillet 2018

Lucifer : "Lucifer 1"

Plaquée par sa complice guitariste et co-auteur Linnéa Olsson, la chanteuse Johanna Sadonis a décidé que le projet "The Oath" serait sans lendemain. De cet épisode, il restera donc un album éponyme de qualité et, pour ceux qui souhaiteraient que Johanna les envoûte encore un peu plus, un nouveau véhicule musical nommé Lucifer est né.
Lorsque l'on apprend que le copilote se nomme Garry Jennings, guitariste de feu Cathedral, forcément ça motive pour découvrir l'après "The Oath"... Et, comme prévu, pas de mauvaise surprise : l'ambiance est vraiment occulte, le son se répand lourdement, comme provenant d'une entité musicale des années 70, et une voix de prêtresse sensuelle (merci Johanna) survole le tout avec majesté. A cet ensemble fort prometteur, Garry Jennings a ajouté la force de composition que l'on était en droit d'attendre d'un tel vétéran. 
"Abracdabra", "Purple pyramid", "Izrael" sont des sans-faute mid-tempo en ouverture d'album, auxquels on ajoutera, un peu plus loin, "White mountain" et "A grave for each one of us" fonctionnant de la même manière. Les clés de cette réussite exemplaire sont à chercher du côté de la qualité des riffs et des lignes vocales employés, mais aussi via des structures changeantes et aérées au sein d'un même morceau : sons clairs, changements de tempo, breaks... La liste de ces astuces pourrait être fastidieuse, aussi se focalisera-t-on sur l'arme secrète déployée par Lucifer sur ce disque : les arpèges... Pratiquement présents dans chaque titre, tour à tour inquiétants, aériens ou misérables, ils sont le sel de "Lucifer 1" (mention spéciale, au passage, pour les harmonies envoûtantes créées par ceux de "White mountain"). Quant aux riffs, ce sont ceux de "Izrael" (ce refrain...) et "Abracadabra" qui, majestueux autant qu'intelligents, dominent l'ensemble.
Sans créer de scission au sein de l'album, les autres titres ("Sabbath", "Morning star", "Total eclipse") en appellent à un doom métal de tradition. "Sabbath" est une assez longue pièce monolithique, lente et incantatoire, tandis que "Morning star" et "Total eclipse" (introduit par des arpèges squelettiques) fonctionnent sur le schéma progressif de "Black sabbath" (la chanson). 
Belle carte de visite...

lundi 23 juillet 2018

'77 (Seventy Seven) : "Bright gloom"

Il se pourrait bien que la jeune nonne qui orne la pochette de ce disque participe quelque peu à la rédemption de nos rockeurs espagnols de Seventy Seven. Ses cheveux s'échappent symboliquement de sa coiffe, de la même manière que, sans doute frappée par la révélation inattendue du rock n' roll, elle semble échapper à un destin inéluctable et impitoyablement balisé. 
Seventy Seven, dont le pêché a été de s'approcher un peu trop près de l'orbite d'AC/DC pendant ses trois premiers albums, a choisi la dualité (et la prise de risques) plutôt que l’enfermement dans une formule musicale monolithique autant que restrictive. 
Cette dualité a donc pour titre "Bright gloom", avec une face "gloom" (les ténèbres) et une face "bright" (lumineuse) ; concept amusant qui rappelle par exemple l'album "Black metal" de Venom, que ses géniteurs avaient doté d'une face "black" et d'une face "metal". On ne remerciera d'ailleurs jamais assez Seventy Seven de faire, via cette histoire de faces, la promotion du vinyle ainsi que du son analogique...
Nous avions découvert les velléités d'émancipation de '77 sur l'album précédent, "Nothing's gonna stop us", via quelques regards appuyés vers Thin Lizzy, Rose Tattoo ou même Kiss. Avec "Bright gloom", d'autres métamorphoses, bien plus inattendues, sont au programme. 
La face "gloom" est bel et bien assez sombre, ouverte par un "Bread & circus" d'obédience hard rock, au riff plaintif et traînant. Sans trahir son ADN, le groupe ne nous avait jamais convié à quelque chose d'aussi poisseux. Il faut dire que le reste de cette face (soit quatre chansons) est une invitation à visiter l'univers de Black Sabbath et de ses suppôts ! Quelques ingrédients clés : les changements de tempo ("Hands up" et "Who's fighting who"), la voix incantatoire ("Be crucified"). Le break de "Hand up" est même tellement caractéristique que l'on pense carrément au riffing de Witchfinder General... Que dire ? Chacun se fera sa propre opinion, si ce n'est que l'on se doit de reconnaître un talent d'écriture certain, de même qu'une manière "bluesy" de faire sonner ces riffs (si Black Sabbath avait interprété les premières mesures de "Who's fighting who", nul doute que le résultat aurait été cent fois plus heavy). Dernier détail : cette face "gloom" s'achève avec "Where have they gone ?" qui lorgne légèrement (très légèrement) du côté de "War pigs", mais a le mérite de jeter un pont entre ce nouvel univers stoner / doom et le hard rock binaire d'où '77 est issu.
Place maintenant à la face lumineuse du disque. Sur le très réussi et contrasté "Last chance", nos rockeurs espagnols nous enchantent avec leurs racines blues judicieusement mises en avant. "It's near", "You better watch out" et "I want my money back" déploient tous les trois un bon groove et des refrains bien taillés : il y a des pincées de "Gone shootin'" et de "Dirty deeds..." en eux. Plus curieux, le bref "Make up your mind" semble avoir le rockabilly dans la peau, tandis que "Fooled by love" propose de mettre la basse et quelques chœurs en avant pour un résultat certes rock n' roll, mais étonnamment dansant et divertissant (petit clin d’œil peut-être aux escapades funky de Led Zeppelin). Finalement, la vraie faute de goût de ce disque (mis à part le fait de déclencher notre interrogation légitime sur le futur musical du groupe) restera la voix stupidement filtrée de "You better watch out", artifice psychédélique inutile et gâchant une partie du potentiel de la chanson.

mardi 17 juillet 2018

Ghost : "Opus eponymous"

Il y a les disques lambda, et puis il y a les classiques. 
Si pour beaucoup d'entre nous ce premier album de Ghost se range dans la deuxième catégorie, c'est pour couronner l'obtention d'un alliage quasiment idéal, qui a fait souffler un air bien frais sur la production musicale depuis 2010.
Après deux ans d'étude et de réflexion, Tobias Forge et ses complices pensent détenir enfin la formule qui fera mouche. Ils publient le single "Elizabeth", puis cet "Opus eponymous" de 35 minutes à peine. Gage de qualité, c'est le label Rise Above qui les héberge : ils s'y connaissent en bizarreries et autres expérimentations...
Il faut préciser que le groupe est grimé (voire masqué) et les membres totalement anonymes (du moins à cette époque, et le temps des deux albums suivants, à peu près) : il y a un pape satanique ("Papa Emeritus"),doté de l'attirail complet du souverain pontife, et des "Nameless ghouls" encapuchonnés, encagoulés et vêtus de longues robes noires. Forcément, cela fait son effet, sans compter que les paroles ne sont que prières adressées à Lucifer, récits de messes noires et sacrifices humains, évocations de personnages fort douteux (Elisabeth Bathory). Détail amusant : tout cela crée une aura malsaine et séduit rapidement la communauté des métalleux avide de sensations glauques, mais les auditeurs ont tout à fait conscience d'avoir à faire à de l'entertainment puissance 10...
Autre source de séduction : la mise en son. Basse bien audible et guitares à riffs sont de la partie, sauf que l'obédience est autant à aller chercher du côté du hard rock que du métal. On pense parfois à Blue Oyster Cult (qui, comme Ghost, utilisent des claviers), mais aussi parfois à de vieux groupes psychédéliques.
Curieux cocktail décidément, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises... 
Passé l'intro instrumentale à l'orgue ("Deus culpa"), on découvre sur "Con clavi con dio" la voix étrangement douce de Papa Emeritus qui, tel un prélat calme et bienveillant, nous débite avec simplicité des horreurs... Il faut l'entendre pour le croire, mais aussi parler des lignes de chant de ce cher Papa Emeritus : eh bien, c'est ni plus ni moins de la pop musique ! Ghost, ou le mariage des Beatles et du métal des années 80...
Tout cela est fort intriguant, mais ne mènerait pas à grand chose (tout au plus à de l'anecdotique) sans un talent de composition hors normes, et ce notamment au niveau des refrains. Si "Con clavi con dio" assure (belle ligne de basse introductive), les quatre chansons suivantes ("Ritual", "Elizabeth", "Stand by him" et "Satan prayer") sont tout simplement imparables. Une fois leurs refrains écoutés, on ne s'en débarrasse pas comme ça... Bon, ensuite cela s'essouffle un peu avec "Death knell" et "Prime mover" : c'est bon, mais plus obscure et convenu que les morceaux déjà cités.  
Par contre, il faut dire un mot sur "Genesis", l'instrumental de conclusion de cette première messe noire. Un synthé genre Yamaha DX7 (le son des eighties) se charge d'une partie du boulot, et on a l'impression - dans un premier réflexe - d'écouter le générique de fin d'un film (il y a un petit côté "Blade runner"). A surtout réécouter pour mieux appréhender l'aspect héroïque et sombre de cette composition !

dimanche 15 juillet 2018

Buddy Guy : "The blues is alive and well"

Buddy Guy est né en 1936 à Lettsworth, en Louisiane. Il est l'une des dernières légendes vivantes du blues.
Sur la pochette de cet album providentiel (l'homme a quand même près de 82 ans), Buddy pose devant la gare de sa petite ville natale, semblant attendre sereinement le train aléatoire du dernier souffle ("End of the line"). 
Serein, Buddy Guy peut l'être : il a à son actif un parcours exceptionnel, couronné par ce "Blues is alive and well" tout simplement très bon. Sa voix, non altérée par le poids des années, est chaleureuse, soutenue par l’électricité palpable d'une guitare dont le son idéalement overdrivé est déjà une oeuvre d'art en soi. 
Des musiciens comme s'il en pleuvait : le groupe qui accompagne Buddy est à géométrie variable, avec des invités prestigieux (Jeff Beck, Keith Richards, James Bay, Mick Jagger) et l'ajout de choristes, d'une section de cuivres, d'un harmonica, d'un piano ou d'un orgue Hammond lorsqu'il le faut. A part les quelques secondes finales et solitaires de "Milking muther for ya", nous sommes donc bien loin de "Sweet tea", album sur lequel Buddy Guy explorait un blues rural hypnotique et minimaliste.
Autre particularité de ce disque : peu de reprises ("Nine below zero" et quelques mesures de "Mother fuyer" sur "Milking muther for ya") ; les autres chansons étant toutes signées ou cosignées par Tom Hambridge, producteur et batteur (la mention "Buddy Guy" apparaissant assez peu dans les crédits).
Dans cette pleine assiettée de blues, des moments forts : le morceau-titre feutré dans lequel Buddy s'adresse au blues en personne, l'arrogante section de cuivres de "Old fashioned", le funk et les chœurs de "Whiskey for sale", l'ambiance trottoir mouillé de "Somebody up there", le boogie de "Ooh daddy" ainsi que le punch de "Guilty as charged" et "Bad day" (l'un des sommets guitaristiques du disque en terme de son gras).
Superbe cargaison. 

jeudi 12 juillet 2018

Little Bob Story : High times 76 - 88

Comme le dit la voix cryptique de Lemmy en introduction : "Ecoutez bien, fils de putes, Little Bob va vous raconter une histoire". Une histoire ? Oui, le parcours incroyable de Roberto Piazza, depuis l'immigration et l'arrivée au Havre, en passant par l'amour de la musique et cet attachement fervent à sa ville d'adoption. 
Le perfecto rouge de la pochette ne laisse aucun doute sur les intentions de Bob : c'est le rock n' roll brûlant qui l'anime, et nous mène jusqu'à cette compilation indispensable et bienvenue. Car Bob, a plus de 70 ans, est devenu une légende qui donne même des concerts dans la cour des ministères, mais dont le catalogue n'est même pas réédité à ce jour (ou si peu). En fait, la France est juste en train de s'apercevoir qu'elle abrite un rockeur phénoménal en son sein, un type à la voix d'or légèrement éraillée, qui n'a jamais fait la moindre compromission et s'est contenté d'un succès d'estime toute sa vie. L'intégrité quoi, la vraie...
Deux cd et un dvd composent ce "High times 76 - 88". Chaque amateur de rock y trouvera son compte : séance massive de rattrapage, moyen de réécouter enfin les morceaux perdus sur des vieux vinyles gondolés voire égarés, chasse aux inédits (la reprise de "Sex machine", la démo de "You've lost that loving feeling", les morceaux live à la Cigale) ou même aux anecdotes (le rockumentaire "Rocking class hero", dans lequel Bob se livre avec humilité).
21 titres s'étalent sur le premier CD, consacré au travail en studio. Le gap est vraiment intéressant entre "High time", pub rock nerveux à la Dr. Feelgood, et un "Ringolevio" aux tonalités plus modernes, plus sombres, plus heavy. Entre les deux, il y a le menaçant "Riot in Toulouse", mais aussi une face bluesy et sentimentale avec "Light of my town", dont l'harmonica nous invite à arpenter les quais brumeux du Havre la nuit. Un petit détour aussi par "Too young to love me", l'une des chansons de Little Bob les plus diffusées à l'époque.
 On retrouvera "High time", "Riot in Toulouse" et "Light of my town" sur le deuxième CD, qui compile le meilleur du groupe sur scène, son véritable terrain de jeu. C'est forcément un disque torride que l'on a dans les mains : même "Moving slowly in the dark", très "crooner" dans l'âme, ne déroge pas à cette règle. Beaucoup de reprises : "Lucille", "Dancing in the street", "Bring it on home to me", "Kick out the jams", "I fought the law", qui en disent long sur l'ADN du groupe. Avec celle de "Seaside bar song", on réalise que Bob est un peu notre Bruce Springsteen à nous, chantant la vie quotidienne des gens, l'amour, l'espoir, les galères...
Longue vie à toi Bob, et merci pour cet inestimable héritage musical.