jeudi 8 avril 2021

Baston : "Primates"

Dès le contenant, spartiate, on décèle une intention. Pochette (première de couverture) épurée, identités des musiciens non précisée, titres souvent brefs... Vous souvenez-vous de "Closer", de "Unknown pleasures", de "Still" ? 
De maigres indices : "Enregistré à Saint-Benoît-du-Sault (36), mixé à Brest (29)" : origine France. "Toutes les chansons ont été écrites, composées et enregistrées par Baston" : c'est donc probablement un groupe... (Renseignements pris sur internet, Baston est bien une formation bretonne, originaire du Finistère mais basée à Rennes, et composée de 4 membres. Avant "Primates", un premier album et un EP ont déjà vu le jour).
La musique (quelques caractéristiques) : de nombreux effets sur la guitare ; la voix est grave, un peu lointaine et fortement réverbérée ; la batterie sonne assez linéaire et plutôt basique ; les claviers sont relativement discrets, et se déroulent parfois en nappes, parfois en interventions ponctuelles façon bruits électroniques, ou alors, plus souvent, fonctionnent en mode arpégiateur.
Dans cette plongée inattendue vers la new wave, cold wave, post punk des années 80, on notera d'abord ce delay rythmique qui anime les lignes de six cordes et qui, immanquablement, évoquera les méthodes développées par U2. Par contre, nous sommes ici en son clair, avec chorus et compresseur pour lisser le tout ; ce qui fait que, passé un premier titre ("Drang nach osten") assez lourd faisant penser à Killing Joke, on rentre ensuite dans un univers très orienté The Cure (les albums "Seventeen seconds" et "Faith"), passant, par toutes les variantes rythmiques, de chansons rapides à la "Primary" (la très réussie "Primates") à des univers lents et poisseux ("Transept"). Comme chez Robert Smith, les harmonies sont belles, mais toujours teintées de mélancolie, de froid et d'inquiétude, tel ce "Domovoï" qui évolue dans le sillage glacial de "Other voices" ("Faith"). 
En fait, le groupe a adopté le terme "krautpop" pour décrire sa musique, ce qui est bien  trouvé vu l'effet hypnotique que l'on peut ressentir en l'écoutant (en particulier, les longues introductions volontairement répétitives de "Drang nach osten" et de "K2").
Ce qui est amusant, et judicieux, c'est que dans cette longue ligne droite musicale, Baston a placé deux décrochages, deux diversions : l'étonnant "Viande" qui, sur un riff un peu oriental, ne présente pas de lignes de chant mais un collage de voix parlées décrivant la crème des faits divers meurtriers ("Enquêtes criminelles" bonsoir), et le très calme final "Achille" qui rappelle les balades de Depeche Mode chantées par Martin Gore ("Somebody", par exemple).
Créneau original de nos jours, album attachant : groupe et label ("Howlin' Banana Records") à soutenir !