samedi 25 janvier 2020

Overkill : "The wings of war"

Vu son exceptionnelle longévité, le cas d'Overkill se complexifie peu à peu. En effet, si l'on retire les EP, les live, ainsi que "Coverkill" (le disque de reprises, paru en 1999), il semblerait bien que "The wings of war" soit le dix-neuvième album studio du groupe !
Aucun affaiblissement dû au temps, que du savoir-faire. Propulsé par les prouesses de leur nouveau batteur (Jason "Sticks" Bittner, qui brille dès l'introduction assez futuriste / indus de "Last man standing"), ce nouvel effort passe la rampe comme une plume, sans la moindre difficulté ; à se demander si la dernière décennie ne serait tout simplement pas la meilleure période au sein de la carrière fleuve du groupe...
Ici, Overkill a bien réfléchi au format de ses chansons (on évite de dépasser le seuil un peu critique des six minutes) et a placé des jalons judicieux tout au long du track listing : du thrash à refrains imparables ("Last man standing", "Hole in my soul"), du groove ("Believe in the fight", "Batshitcrazy"), de l'efficacité aux relents punk ("Welcome to the garden state", "Out on the road-kill"), de la lourdeur bien malsaine ("Where few dare to walk", fils caché du "The thing that should not be" de Metallica)... En gros, si l'auditeur décroche, c'est entièrement de sa faute !
Comme d'habitude, Bobby "Blitz" gratine chaque titre avec la valeur ajoutée de son incroyable voix thrash. Mieux : il s'éclate carrément en proposant une sorte de scat endiablé, totalement raccord avec tempo, sur "Believe in the fight" et "Batshitcrazy".
"The wings of war" : un très bon album dans son ensemble, mais dont le point d'orgue n'est autre que "Welcome to the garden state"... Immédiat, frondeur, drôle, cet hommage au New Jersey natal (ou terre d'accueil) des membres du groupe, se place d'emblée au panthéon des meilleures chansons d'Overkill, transcendant ses racines punk, tout en adressant à Bruce Springsteen (autre célèbre natif du coin) un sympathique petit clin d’œil (les quelques mesures finales empruntées au riff de "Born to run").


samedi 18 janvier 2020

Presumption

Paru en 2017 et publié "physiquement" sur son propre label (Sleeping Church), voici, après plusieurs EP,  le premier album de Presumption, groupe français de doom métal... Un véritable album : la passion, le pas en avant conséquent et courageux, dans un pays où cette branche très particulière du heavy n'a jamais vraiment essaimé ni fait recette (quelques noms nous viennent quand même à l'esprit, certains hélas disparus ou mis en sommeil : Northwinds, Ataraxie, Rising Dust, Monolithe, Barabbas, Father Merrin...). On le sait : en matière de doom, énumérer des groupes c'est entrer dans autant d'approches différentes du style, certaines plus ou moins lyriques, modernes, traditionnelles, lourdes, expérimentales, mâtinées de death ou même de black... Et j'en oublie !
Chez Presumption, on respecte les grands anciens : Black Sabbath (l’atmosphère cosmique de "Sand witch" et sa progression vers la puissance) , Trouble, St Vitus (les courts instrumentaux "Midnight suffering" et "Nomen est omen"). On respecte le True doom, mais l'on n'oublie pas d'inclure des éléments inattendus (le final totalement black métal de "Deadly barrels", les vocaux hardcore de "Presumption" sur une base pourtant des plus doomy, le côté tribal et chamanique à la Caronte de "Dr Satan").
Autre pan, fondamental : chez Presumption, on voue un culte à Cathedral. Lorsque, après quelques mesures bien funèbres, "Pale blue horses" prend de la vitesse, c'est toute l'ère "Carnival bizarre" ou encore "Supernatural birth machine" qui vous saute à la figure (on pense à "Hopkins", à "Urko's conquest"...). Toujours sur l'autel dédié aux doomsters de Coventry : un petit clin d’œil à "Equilibrium" à la fin de "Presumption", les samples de "Red death" et, surtout, son sublime final mortifère à la "Reaching happiness, touching pain" (ici, c'est un violon aigre qui n'en finit plus de survoler les marécages).  
Mention spéciale à la production (impeccable) et à la prestation du bassiste / chanteur à la robe de bure, Moot : sorte de Julien Truchan du doom, il maîtrise au moins quatre types de voix différents, de la plus mélodique à la plus extrême (tour de force démontrant d'ailleurs la variété des ambiances proposées).
Un excellent album, l'un des meilleurs parus sous la bannière très confidentielle du french doom métal.
A soutenir absolument !


samedi 11 janvier 2020

Phil Campbell : "Old lions still roar"


- 2004 : interview promo pour l'album "Inferno" (Motörhead). 
Phil Campbell : "Je commence à bosser sur un album solo. Je devrais l'avoir terminé dans le courant de l'année prochaine. Cela n'aura rien à voir avec du Motörhead. C'est tout ce que je peux en dire pour l'instant... Je vais travailler avec des amis, mais surtout seul".    
Est-ce toi qui te charges de l'écriture des paroles ? "Certaines d'entre elles. Mais je pense que j'aurai besoin d'aide sur certaines chansons. D'autres titres seront uniquement instrumentaux."
- 2015 : interview promo pour l'album "Bad magic" (Motörhead).    
Où en es-tu de ce disque solo ? Phil Campbell : "Un certain nombre d'invités y apparaîtront. Rob Halford de Judas Priest y chantera un titre, et d'autres aussi, mais c'est encore au stade embryonnaire. J'ai une démo de trois titres qui est bien avancée..."
- Octobre 2019 : nous tenons enfin le fameux album solo de Phil entre nos mains. En 15 ans de gestation, les écrits restent (merci Rock Hard - Hors série spécial Motörhead) mais les choses ont bien le temps d'évoluer... ou pas. Le titre chanté par Rob Halford est là ("Straight up"), il y a une pléthore d'invités (album hétérogène : un chanteur différent par chanson), un instrumental (l'outro planante "Tears from a glass eye"), et c'est vrai que le disque n'a pas grand chose à voir avec Motörhead... Enfin, relativisons : le méchant "Swing it" (chanté par Alice Cooper) n'aurait pas dépareillé sur un album du bombardier, tout comme l'excellent "These old boots" (chanté de voix de maître par Dee Snider) qui, passé au crible du timbre granitique de Lemmy, aurait pu faire un très bon "Killed by death - part 2". 
Pour le reste, c'est vrai que Phil Campbell s'est écarté des cadres de son ancien groupe. En témoignent les trois balades qui jalonnent "Old lions still roar", et lui donnent une bonne partie de sa saveur : "Rocking chair", très Def Leppard dans l'âme ("Two steps behind") et génialement placée en ouverture, "Left for dead", chaleureuse avec ses parfums gospel, "Dead roses" dont le piano évoque les Guns période "Use your illusion"... Autre signe de l'émancipation du guitariste gallois : celui-ci n'hésite pas à adapter la musique à son intervenant. Ainsi, et sans s'attarder sur les détails de toutes les chansons, "Straight up" dresse-t-il un pont vers le métal afin de mieux servir la voix chromée de Rob Halford, tandis que "Faith in fire", chantée par Ben Ward (Orange Goblin), donne dans le très pachydermique. Quant à "Walk the talk" (feat. Danko Jones et Nick Oliveri) et "Dancing dogs" (feat. Whitfield Crane), elles ont forcément une forte saveur années 90, ce qui est d'ailleurs l'impression dominante (et assez inattendue) qui découle de l'écoute de cet "Old lions still roar" (nous avons quand même croisé, au passage, les ombres de Def Leppard, Guns n' Roses, Ugly Kid Joe et Queen of the Stone Age, sans compter la production, moderne, qui y est aussi sans doute pour quelque chose). 
Un très bel album, très attachant. 


Indispensable ! Pour remonter dans l'histoire de Motörhead et de ses membres.

vendredi 3 janvier 2020

Airbourne : "Boneshaker"

"Boneshaker" : la cuvée 2019. Cinquième album studio, pour ce groupe australien à l'image / l'approche toujours assez juvénile... 
Juvénile, certes, mais sachant réfléchir. Pour cette livraison, les Airbourne se sont définis deux directions.
La première : l'héritage assumé d'AC/DC. Trop de prétendants dans le monde ; les vrais descendants ce seront eux, et eux seuls. Pour cela, ils ont obtenu de leur producteur, Dave Cobb, la recréation "virtuelle" des mythiques studios Albert, aujourd'hui disparus. En plein cœur de Nashville (USA), travail d'archéologue et, finalement, pari réussi : "Boneshaker" a bel et bien ce son pub rock abrasif et addictif, dans lequel on se baignerait volontiers, si c'était possible. 
Deuxième direction : l'efficacité. Retrouver l'urgence incroyable du premier album. Tel un "Reign in blood" du hard rock, on peut déjà dire que les 30 minutes et quelques secondes de ce cinquième album sont un bon présage. Effectivement, si l'on excepte "Weapon of war" (le titre le plus lent et le plus long), la plupart des chansons ont un format "3 minutes" qui font qu'elles vont forcément droit au but. 
De "Boneshaker" à "Sex to go", c'est un sans faute introductif : formats variés, bons riffs (celui de "Boneshaker" est exceptionnel), énergie à revendre (ce "Burnout the nitro" qui pourrait remplacer un groupe électrogène, tandis que le groupe accélère le tempo et resserre le timing sur "Sex to go"). 
Ensuite, place à toute une série de petits brûlots : "Backseat boogie", "Blood in the water", "Swtchblade angel". Ces titres cimentent l'ADN ultra remuant de cet album, mais ils sont trop identiques. Le travail sur les riffs aurait dû être plus conséquent. Heureusement, le groove de "She gives me hell", placé en plein milieu, permet de maintenir l'attention, jusqu'à "Weapon of war", dont certaines parties en font le "Ride on" du disque. Là, superbe refrain et excellente construction (break et variante vers les deux tiers). 
Enfin, l'hymne : "Rock n' roll for life". Vous en avez marre de chanter "Ready to rock" à la fin des concerts d'Airbourne ? Pas de souci, les australiens vous ont construit un nouveau joujou : lignes de walking bass endiablées (on peut dire "running bass", vu la vitesse), chœurs de hooligans et refrain simplissime à hurler. Téléphoné mais super efficace !
Vous l'aurez compris en lisant ces lignes : Airbourne est taillé pour la route et a les volts dans la peau. Nul doute qu'ils donneront naissance, un jour, à un deuxième "Runnin' wild" : ce "Boneshaker" n'en est vraiment pas loin.


mercredi 1 janvier 2020

Kadavar : "For the dead travel fast"

Le démarrage par "The end" : bruit du vent, un accord rachitique égrainé à rebrousse poil et à intervalles réguliers, sonnant le glas à sa manière... On se croirait à l'entame d'un album de Bathory... Une voix résonne, blanche comme une morte et noyée dans un fort halo de réverbération : elle chante quelques phrases... C'est déjà fini.
Sans transition, "The devil's master" prend l'attache de l'auditeur. Les premières mesures sont aussi emphatiques que tragiques. Puis, un riff au tempo mesuré, menaçant et tortueux, d'abord propulsé par la basse, se charge de lancer le morceau. La préparation enfle, et débouche sur un second riff, linéaire cette fois, celui-là même qui va nous véhiculer. Départ pour de bon. Décidément... Est-ce le château de Transylvanie visible sur la pochette ? On pense à certaines inflexions propres au black métal, toutes proportions gardées. Inutile de détailler le reste de la chanson, fort réussie au demeurant... Bienvenue dans l'album le plus sombre de Kadavar.
On poursuit la face A, toujours sous la même bannière très dark, mais avec des moyens d'action différents : le riff délicieusement Mercyful Fate (genre "Curse of the pharaohs") de "Evil forces", le côté pop / rock vintage de "Chlidren of the night" et "Dancing with the dead". Des vraies pièces d’orfèvrerie ces deux dernières chansons... La superbe introduction de "Chlidren of the night", son bridge et son final doom à souhait, passés la relative légèreté mélancolique des couplets et du refrain. Quant à "Dancing with the dead", la plus pop des deux, on apprécie tout particulièrement la qualité de la composition, aux lignes et aux articulations ingénieuses et progressives ; la voix qui chante parfois à l'unisson avec la guitare, le trémolo discret et l'ambiance lounge des couplets, le refrain théâtral à la conclusion imparable... Inattendue, mais ni plus ni moins l'un des meilleurs morceaux signés Kadavar !
Face B. Retour aux affaires urgentes avec "Poison" : un rappel de la structure ADN du groupe, sur fond de riffs martelés assez énergiques et de gros breaks découpés ; la chanson qui, finalement, aurait pu trouver sa place sans démériter sur n'importe lequel des quatre premiers opus des Berlinois... Mais dans le rugissement de la wah wah de "Demons in my mind", voici que se lève un véritable soleil noir. La voix semble provenir du fin fond d'un caveau, la rythmique est implacable, la sauvagerie réelle et le refrain ciselé. Le joyau le plus dark de "For the dead travel fast"... Dépourvue de section rythmique, déclamée et chantée par le bassiste Simon Bouteloup, "Saturnales" déploie, à travers la tristesse de ses arpèges éthérés, une autre facette de la sombritude, tout en cultivant le côté arty abordé sur l'album précédent. Enfin, pour compléter le panorama, "Long forgotten song" (chute de studio datant du tout premier album, d'où le titre) noie son chagrin dans une sorte de fusion doom / blues, longue et beaucoup plus originale qu'il n'y paraît à la première approche. Encore une fois, Kadavar s'est approprié le truc, avec une impression de facilité assez surprenante.
Quelques écoutes réfléchies seront nécessaires pour s'approprier pleinement cette nouvelle offrande. Elle est, comme d'habitude, très riche, autant que les possibilités d'évolution du groupe...