vendredi 29 décembre 2017

With The Dead : "Love from With the Dead"

Noir.
Opaque.
Et de cette obscurité, ne jaillit qu'une momie pour qui, forcément, toute lueur d'espoir a disparu depuis fort longtemps. Si malaise il y a déjà, il ne pourra que s'accroître en observant les croquis de psychopathe qui illustrent le livret. 
C'est sous ces bannières qu'est donc proposé le deuxième méfait de "With The Dead", un groupe à la composition modifiée, puisqu'il compte désormais dans ses rangs une moitié des ex-membres de Cathedral (Lee Dorrian, toujours, et Leo Smee, récemment arrivé). 
Mais qui à part ces gens (on citera aussi le nom de Tim Bagshaw, ex Electric Wizard et Ramesses) peut aussi bien honorer le métal lent en 2017 ? Oui, on parle bien de ce doom métal pur et tranchant, sans ballade, ni intermède instrumental au synthé, ni hommage soudain à la NWOBHM (on nous a déjà assez fait le coup). Ici, il va falloir réserver plus d'une heure de son temps pour déguster sept pièces poisseuses et toutes crépitantes de fuzz, sans l'ombre d'une accélération. Le monde va de plus en plus vite, sauf sur ce disque.
Accueilli sur "Isolation", l'auditeur est invité à déguster la pièce de l'album à l'accès le plus immédiat. Sur cinq notes funestes, le refrain est bouclé et le moral en berne.
"Egyptian tomb" relève très légèrement la tête et le tempo. C'est la chanson la plus "Cathedral" du lot, et quel plaisir d'ailleurs de retrouver la voix gouailleuse et inquiétante de Lee Dorrian.
Sur "Reincarnation of yesterday", "Cocaine phantoms" et, plus loin, "Anemia",  Tim Bagshaw (guitare) tisse des riffs qui peuvent ressembler à une sorte de symphonie occulte ; une mélopée qui s'articule sur un ralenti oppressant. "Cocaine phantoms" voit d'ailleurs son pauvre rythme décroître inexorablement sur la fin, et s'achève par un coup de boutoir aussi puissant que majestueux.
Parvenu à ce point précis du disque, place à "Watching the ward go by", une expérience musicale dont nous, auditeurs, sommes les cobayes. "Watching the ward go by", c'est un peu comme la chasse volante que décrivaient les anciens : une rumeur sourde venant de très loin, porteuse de voix inintelligibles, qui enfle pour soudainement exploser au-dessus de nos têtes, puis finir par s'enfuir à l'horizon, laissant un paysage dévasté ainsi qu'une grande angoisse... Et Léo Smee de clore le propos par une courte escarmouche de basse, presque ironique, mais ce n'est pas cela qui nous fera sourire après une telle descente aux enfers. Si "Watching the ward go by" est une relecture de "Black sabbath" (la chanson), alors c'est la plus géniale qui ait été produite à ce jour.
Profitez-en pour prendre une lampée d'air frais car ce n'est pas fini. Il vous reste à affronter les presque 18 minutes de "CV1", l'hommage (ou pamphlet ?) de Lee à sa bonne ville de Coventry. Là encore, beaucoup de souffrance, et un tempo qui chute dangereusement. La première partie est chantée dans la douleur, la deuxième est instrumentale (guettez le génial chorus mis en place par Tim Bagshaw) et la troisième est une destruction progressive du signal sonore. 
 "Love from With the Dead" s'achève donc sur un reste de grésillement. 
C'est fini. Il n'y a plus rien.



jeudi 28 décembre 2017

Black Country Communion : "BCCIV"

Une rapide colère de chat pour commencer : "Mais bon dieu, comme cette appellation de "super groupe" est conne !" Il n'y a sans doute aucune statistique qui pourrait en témoigner, mais le nombre d'auditeurs qui s'est fait refroidir par ce bon mot de marchands du temple doit être assez inimaginable... 
Votre serviteur en fait partie, lui qui a attendu le quatrième album de Black Country Communion pour faire abstraction des stratégies marketing et découvrir le message musical de ce combo béni des dieux.
Black Country Communion ou le retour de la formule chimique Led Zeppelin (et bonne chance, au passage, à Robert Plant pour son nouvel album solo... ).
C'est vrai qu'il y a du "Black dog" dans "Collide", du "Kashmir" dans "Sway"... Avec "The last song for my resting place", ce sont les penchants celtiques du dirigeable qui sont mis à l'honneur, parsemés de sévères relances rock dont ces vétérans avaient le secret. Tout à fait entre nous, ce "The last song for my resting place", très bien habillé, déçoit pourtant par sa longueur inutile et le côté totalement convenu de sa composition (pour les lignes de violon à l'Irlandaise, plus cliché que ça tu meurs). C'est bien le seul titre qui aura droit à un constat non positif. 
Passons et stoppons là les comparaisons avec Led Zep, faute de combustible (bon, il y aurait bien encore les riffs des couplets de "Love remains", mais le génial refrain de cette chanson, lui, ne doit rien à personne, mis à part au génie de ses compositeurs). A l'écoute de "Over my head", c'est plus au "Missionary man" de Eurythmics auquel on penserait, alors tout est déjà démontré. Pas question de réduire Black Country Communion à une sorte de rejeton de LZ : "BCCIV" est un opus de hard rock exceptionnel, avec de forts ancrages seventies et un peu de blues brûlant comme on le faisait à l'époque ("The cove"). Point. Et merci à "Awake" et son drôle de riff venu de nulle part de clore les débats...
Durant l'heure d'écoute, la prestation des musiciens est vraiment au top (c'est presque faiblard de le dire comme ça).  La production se présente comme un tapis de velours sur lequel ils n'ont plus qu'à s'asseoir et jouer. Tout cela fonctionne à merveille, mais le sommet du disque reste la voix exceptionnelle de Glenn Hugues, sans qui plein de choses ne seraient pas possibles. Il va encore tellement loin avec ses capacités vocales, que j'oserais presque dire qu'il en fait un peu trop sur certains passages ("The crow", arrachage en règle de gosier, aurait mérité plus d'apaisement).
Voilà : "BCCIV", probablement LE disque de l'année 2017.
Maintenant, excusez-moi : je pars de ce pas acheter les autres opus du groupe.



mercredi 27 décembre 2017

Immolation : "Failures for gods"

Non content de pouvoir figurer dans le Top 50 des plus belles pochettes du métal, ce troisième effort d'Immolation, sorti en 1999, propose un death metal autant porté sur la technique que sur l’atmosphère.
Ce qui frappe d'ailleurs, après seulement quelques secondes d'écoute, c'est cette production sourde qui, mise bout à bout avec les riffs chaotiques et la voix caverneuse du bassiste-chanteur, contribue fortement à créer une ambiance de barbarie presque étouffante. La bande son d'un moyen âge obscurantiste, sale et dangereux, ni plus ni moins. Quarante minutes de trip donc, dont le grand gagnant est l'auditeur avide de sensations dark ; le parent pauvre étant ce son de batterie sec et mal défini, aussi misérable que lorsque votre petit frère tape sur des barils de lessive en carton...
Les deux premiers morceaux ("Once ordained" et "No Jesus, no beast") sont un cas d'école. On aurait pu s'attendre à un magma sonore informe et il n'en est rien : ce sont bien des chansons à part entière avec des couplets, des ponts, des cassures et un refrain, comme celui, addictif, de "Once ordained" : "You will all be fooled, You will all be fooled, When he reveals himself, When he reveals himself, You will all be fooled, You will all be fooled, He sees within your hearts, He sees within your souls". Deux titres : deux merveilles.
Sur la partition suivante, "Failures for gods", Immolation se fait plus complexe. Voici une pièce longue, sinueuse et riche en émotions. Après une intro brillante, véritable symphonie mystique faite de guitares saturées, le riff qui soutient les premières lignes de chant est si saccadé que l'on pourrait craindre une rupture imminente (qui n'a bien sûr pas lieu). Après quatre minutes de parcours sans décrochage, un solo de basse se charge de sonner le glas et d'annoncer le refrain. Grandiose !
On poursuit avec "Unsaved", sorte de Carmina Burana électrique, particulièrement sombre et menaçant. Là encore, le format "chanson" est respecté, même si le refrain pourra sembler plus difficile à déceler que sur un "No Jesus no beast".
"God made filth" et "Stench of high heaven" ont un propos musical moins évident. Ils perpétuent bien sûr cette formidable ambiance de peste noire qui perdure depuis le départ, mais on n'en retient pas grand chose, mis à part quelques gimmicks.
Rien à voir avec le riff visionnaire qui ouvre "Your angel died". Il conditionne le reste du morceau qui, jusqu'aux guitares flangées de la fin, réclamera quand même une certaine attention du fait de ses nombreuses variations et cassures. Au passage, mention spéciale pour l'inventivité hors pair du guitariste Robert Vigna, d'ailleurs toujours fidèle au poste presque vingt ans plus tard.
Enfin, place à "The devil I know". Démarrage lent et pompeux, puis les riffs s'emballent et débouchent, on ne sait comment, à un final instrumental chargé de clore les débats, nous donnant l'impression de survoler une dernière fois, sur le dos de quelques créatures mystérieuses et majestueuses, le paysage désolé qui s'est imposé à nos yeux depuis que la touche "play" a été effleurée.
"Failures for gods" : un album de death à ranger aux côtés des plus grandes références du genre.

mardi 26 décembre 2017

Night Demon : "Darkness remains"

La pochette se charge de résumer une partie de la situation : une statue d'Eddie par une nuit d'orage, devant un hôtel de ville (digne de "Retour vers le futur") en proie aux flammes, aux animaux sauvages et, bientôt, aux morts-vivants. Le ciel est d'un noir d'encre, comme celui de l’illustration mythique de "Killers"... Bel ouvrage.
Album dans l'esprit Maiden, "Darkness remains" l'est sans aucun doute, et ce ne sont pas les guitares harmonisées - très présentes - qui diront le contraire. Plus qu'une déclaration, les paroles de "Maiden hell" se présentent sous la forme d'un ingénieux collage des paroles des chansons de la Vierge de Fer, du premier album jusqu'à "The book of souls". Et puis, il y a cet instrumental ("Flight of the manticore") dont certains passages sont vraiment bien proches de "Losfer words" (sur l'album "Powerslave"). Quelques petits détails encore : l'intro très "Fear of the dark" de "Black widow", celle à la manière de "2 minutes to midnight" pour "Life on the run" ; la rythmique cavalcade de "Dawn rider". Mais tout le reste n'est qu'impressions fugitives, bain de langage. Par exemple, "Welcome to the night" aurait pu trouver sa place sur l'album "The number of the number" : il rappelle un peu tous les titres, mais aucun en particulier... "Hallowed ground" est une sorte de "Wrathchild" sans la moindre note commune ; tandis que la power ballade "Stranger in the night" bénéficie d'une enveloppe charnelle à la "Children of the damned", mais la comparaison s'arrêtera là.
C'est d'ailleurs en écoutant ce titre que le petit jeu des influences s'est corsé, le spectre du "Don't talk to strangers" de Dio n'étant finalement pas bien loin (mais, là encore, influence uniquement, pas du tout plagiat). Fort de cet éclairage, on reconnaîtra que "Maiden hell" n'a de Maiden que les paroles : la musique, rapide et compacte, étant plus proche d'un "Stand up and shout" teigneux que d'un "Sanctuary". 
Sur "On your own" (hum, pas la meilleure chanson du lot), c'est plus Accept qui serait en ligne de mire.
"Darkness remains", la ballade finale, fait de l'œil à Black Sabbath, ne serait-ce que par l'entremise de cette voix trafiquée, la même que celle d'Ozzy sur "Planet Caravan".
Tout cela pour remettre un peu les pendules à l'heure : Maiden plane bel et bien au-dessus du berceau de ce jeune groupe qui en veut, mais pas exclusivement, et de manière assez diffuse. On appréciera d'ailleurs que ce ne soit pas uniquement la période Di Anno qui soit honorée, mais plutôt l'ensemble d'un extraordinaire "savoir riffer" dont on saluera l'idée géniale d'en perpétuer la recette.

lundi 25 décembre 2017

Dead Lord : "Heads held high"

Entre les albums de Black Star Riders, et certaines chansons récentes disséminées par ci par là (Audrey Horne : "Out of the city" ; 77 : "Nothing's gonna stop us"), l'héritage Thin Lizzy revient en force dans nos contrées.
Nouveau témoignage de cette évidence que ce sont dans les vieux pots que l'on fabrique les meilleures confitures : Dead Lord. Ainsi donc, ce jeune combo suédois, reprend également à son compte, et à 200% depuis 2012, cette façon unique d'aborder le hard rock. 
Sur "Heads held high" (leur deuxième album), l'excellente recette d'origine irlandaise marche à plein régime, guitares jumelles en avant ! 
Mais quelques notes saturées à la tierce ne suffirait pas à étancher notre soif. Pour faire en sorte que nous sortions "Heads held high" de sa pochette, plutôt que "Jailbreak" ou encore "Chinatown", il faut faire un gros effort de composition, et en cela nous pouvons dire tout de suite que les Dead Lord sont loin d'être manchots.
Pratiquant ce disque depuis sa sortie en 2015, votre serviteur ne peut que rendre hommage à la qualité des refrains et des riffs. "Farewell", "Ruins", "Cold hearted madness", "Strained fools", "When history repeats itself" et "Don't give a damn" figurent parmi les plus évidents, soit 60% de l'album, et en se disant bien que le restant est loin d'être à jeter (comme par exemple ce "The bold move" qui démarre dans une nonchalance presque tropicale pour progressivement se radicaliser). Sur "Ruins", les parties de twin guitars sont tellement endiablées sur la fin, que l'on sort de l'univers Lizzy pour rejoindre celui de Maiden (période "Killers"). 
La voix assez grave du guitariste-chanteur Hakim Krim (toujours armé d'une Gibson SG de très bon goût) peut sembler curieuse, voire incertaine, mais il faut admettre qu'elle est tout à fait "en contexte". Le bonhomme a, de plus, la stature et la "gueule" d'un frontman : charismatique et immédiatement inoubliable.
L'interprétation est bonne, et la production vintage à souhait. Rien à redire : ce disque est de bonne facture, limite intemporel, mais beaucoup n'y verront qu'un plagiat dénué de scrupules.
Pour les autres, un futur classique ?