dimanche 30 avril 2017

Memoriam : "For the fallen"

Né des cendres froides de Bolt Thrower, ce premier album de Memoriam reprend forcément à son compte une partie de l'ADN de ces grands anciens. "For the fallen" propose donc un death metal instinctif et écrasant, qui ne s'appuie ni de la surenchère technique ni sur des blast beats effrénés, et met particulièrement en avant la thématique de la guerre.
Mais là où Bolt Thrower était souvent monolithique et pouvait parfois lasser un peu sur toute la longueur d'un disque, un souffle d'air vicié mais frais souffle sur les riffs de Memoriam. On saluera tout d'abord leur recherche et leur construction, mais aussi leur agencement faisant qu'une chanson n'est pas forcément bâtie sur un seul bloc, mais se retrouve agrémentée de ramifications et de cassures qui rend l'écoute agréable. 
Le death metal devient, comme il peut l'être lorsqu'il est fait avec talent, vecteur d'émotions diverses : le très solennel et lent "Memoriam" qui ouvre l'album avec son unique refrain (mais quel refrain !), la rage punk / crust de "Corrupted system" (doté de breaks groovy à la Obituary), la tristesse et la mélancolie de "Last words"... Et puis, tout simplement, la puissance et la barbarie qui doit émaner de ce type de musique ("War rages on" et "Reduced to zero", incontestablement les plus réussies dans ce créneau-là : de futurs classiques).
Pour avoir écouté dans la foulée le dernier album en date de Bolt Thrower ("Those once loyal"), il est clair que la voix du hurleur en chef, Karl Willetts, a un peu changé au passage : moins grasse et profonde, plus râpeuse. On aura pu lire très vite des propos insidieux disant que c'était dû à son âge, mais la solution la plus sage serait de déclarer que Karl s'est tout simplement adapté à son nouveau groupe, marquant ainsi une rupture avec son passé et proposant également une alternative plus mélodique. Car c'est aussi là une des grandes forces motrices de ce disque : s'extirper du grognement sourd et proposer un peu de mélodie au niveau des lignes vocales. Pari réussi !
Enfin, un petit mot sur le dessin de la pochette, signé Dan Seagrave : un pur chef d'oeuvre, à ranger à côté d'autres illustrations mythiques du même artistes, telles que "Effigy of the forgotten", "Left hand path", "Clandestine", "The erosion of sanity"... Un petit détour sur le site de M. Seagrave pour admirer la totalité de ses artworks (on peut zoomer sur chacun d'entre eux et lire les commentaires de l'auteur), et ne pas télécharger mais acheter l'album en version CD (et encore mieux en vinyle) afin de profiter de tous les petits détails de ce fabuleux dessin.




mardi 25 avril 2017

Jack Russell's Great White : "He saw it comin"

Dernière rencontre musicale en date entre Great White et moi : 1991, à l'occasion de la sortie de l'album "Hooked". Le groupe pratiquait alors un hard rock voué au succès, fortement teinté de blues, et bien bronzé au soleil de la Californie. 
Vingt-six ans plus tard, après une séparation, une reformation, un drame (l'incendie de la boîte de nuit "The Station" pendant un concert), une longue pause, un retour puis une scission du groupe en deux entités (Great White et Jack Russell's Great White), nous voici devant ce "He saw it comin" fraîchement sorti.
Tout cela pour dire que, poids de l'histoire et du temps oblige, ce groupe n'est plus le même. Du hard rock bluesy et festif des origines, il reste bien sûr des traces : "Sign of the times", "Crazy", "Spy vs. spy" et "Blame it on the night" rappelleront plutôt bien ce glorieux passé, avec un travail honorable sur les refrains. Idem pour la ballade "Love don't live here", très emblématique de l'ADN de ces groupes américains des années 80 flirtant avec le glam, et qui plus est fort réussie. 
Mais dès "She moves me" (placée en deuxième position, après le bon démarrage de "Sign of the times"), on est surpris par l'ambiance latino / funk de cette composition. Ce n'est ni raté ni désagréable, mais ce n'est pas Great White (et, en plus, ce n'est pas d'une originalité renversante). Un peu plus loin, le groupe enfonce le même clou avec "Don't let me go" qui déploie un feeling "tropical" et chaloupé : palmiers, bananiers, noix de coco et originalité aux oubliettes.
On continue dans l'éclectisme avec "He saw it comin". Là, c'est différent puisque c'est plutôt Queen qui serait en ligne de mire. Avec son piano mis en avant, ce titre fait vaguement penser à "Bohemian rhapsody" (sans la dimension grandiloquente, ni les chœurs, ni la complexité) ou encore au "Runaway" de Bon Jovi. Là encore, ça passe (et même plutôt bien, pour être honnête), mais avec l'impression curieuse de s'être trompé de disque... 
Sur "My addiction", le groupe oublie encore une fois son style de prédilection mais se rattrape sur l'inventivité : cette chanson d'obédience moderne et assez sombre, trace la route sur des arpèges bien pensé, qui ne doivent rien à personne.
Par contre, on oubliera vite "Anything for you" (ballade acoustique genre Def Leppard de série C) et surtout "Godspeed" que vous pourrez éventuellement entonner autour du feu à l'occasion de votre prochain camp scout.
Bilan mitigé donc, pour un album qui part trop dans tous les sens et ne respecte pas toujours les fondamentaux. Pour autant, on peut, une fois certaines surprises digérées, tailler la zone en étant heureux avec ce disque dans les écouteurs. Après tout, Jack Russell est toujours bien présent au micro, avec sa voix un peu plus claire et éraillée qu'avant, mais toujours chaleureuse...

dimanche 23 avril 2017

C.W. Stoneking : "Gon' Boogaloo"


Terrible ! Pour ce troisième méfait, C.W. Stoneking s'électrise à sa façon, raccrochant ses instruments bluegrass acoustiques pour une guitare de type Fender Jazzmaster et d'improbables amplis à lampes, choisis parmi les plus vintages possible (après quelques déboires, il finit ainsi par enregistrer 80 % de ses morceaux avec un amplificateur pour projecteur de films 16mm !). Au dos de la pochette, Stoneking raconte donc la genèse de cet improbable album et c'est un peu la magie ou la malédiction du chiffre 2 : deux jours d'enregistrement, avec deux micros reliés à un enregistreur deux pistes à bande... Le mix se fait en positionnant chaque musicien (un batteur, un bassiste / contrebassiste, quatre choristes et l'ampli guitare de notre héros) autour du micro principal à ruban. Pour achever le tout, Stoneking chante dans un micro à lampes soviétique qui, à la base, était apparemment conçu pour des voix parlées de présentateur radio !
Bref, tout cela pour en arriver à cette évidence : mon dieu, quel son ! Malgré ce virage électrique, C.W. Stoneking reste bien l'artiste au rendu le plus rétro de tout le circuit : une production de disque 78 tours sans les craquements, voilà tout. Mais quelle chaleur et quelle ambiance...
Réorientation oblige, l'artiste a laissé totalement tomber la country et le hokum pour se tourner vers des styles typés années cinquante : jungle, swing, doowop, early rockabilly et toujours une bonne dose de très vieux blues ("Mama got the blues"). 
"Get on the floor", "The jungle swing" ou "We gon' boogaloo" nous font danser le rock n' roll dans un vieux club enfumé, cohabitant à merveille avec les rythmes chaloupés de "The zombie" et "The thing I done", ou encore la douce caresse des alizés sur "Goin' back south" et le génial "On a desert isle".
"Gon' boogaloo" : un formidable album de voyages, de rencontres, de sensations essentielles au cœur de la musique.