samedi 28 décembre 2019

Enforcer : "Zenith"

Enforcer est un groupe de heavy métal suédois, faisant partie de la NWOTHM (New Wave Of Traditional Heavy Metal). Après quatre albums studio purs et assez virulents (les premiers flirtant même franchement avec le speed sans concession des années 80), Enforcer publie ce "Zenith" en 2019 et propose une variante de style assez prononcée. La cause heavy n'est pas reniée, et des passerelles permettent toujours au groupe de retrouver son passé musical assez cru, mais il est clair que ce disque "cul entre deux chaises" lorgne fortement vers les pans les plus mélodiques du hard et du métal... 
Dès l'introductif "Die for the devil", c'est très clair : Enforcer a dans sa ligne de mire le Scorpions de "Rock you like a hurricane". Mais bon, passé l'effet de surprise, il faut bien admettre que le titre fonctionne et, malgré son côté caricatural, n'est pas ridicule. 
Sur "Zenith of the black sun", on pense à la veine la plus commerciale de Judas Priest (période "Turbo" / "Ram it down"), avec une petite touche "Flight of Icarus" (la rythmique en cavalcade lente)... Étonnement mesuré, là encore, mais chanson intéressante et bien balancée.
Troisième titre : "Searching for you". Ici, on retrouve assez bien l'ADN habituel d'Enforcer (en beaucoup plus chromé). On avance encore : "The end of the universe", très réussie, fonctionne de la même manière, mais avec un profil héroïque assumé, tandis que "Thunder and hell" propose la dose de heavy speed linéaire et nécessaire.
Assez décousu tout cela, mais attendez, ce n'est pas fini.
Entre temps, les arpèges au piano de "Regrets" ont envahi l'espace. Le thème musical est beau, ingénieux, et la chanson évolue judicieusement en power ballade, mais sans jamais effleurer la puissance d'un "Still loving you" (ni même la puissance tout court). Malgré des qualités au départ, les planètes ne s'alignent pas vraiment, et, au final, on frôle l'indigestion.
Quelques encablures supplémentaires, et voici "Sail on" qui vient ratisser dans le jardin de Dio. Le rythme saccadé est atypique, intéressant, les chorus de guitare sont convaincants et il se dégage de cette chanson, coincée entre hard rock et heavy, un feeling détendu, positif, presque fun. On se surprend vite à fredonner le refrain, ce qui fait de "Sail on" une bonne réussite, même si l'on se doute bien que ce titre, assez léger et un peu "pirate metal" sur les bords, va diviser les fans.
En parlant de susceptibilité à ne pas trop titiller, une envie folle nous dicte de condamner d'emblée "One thousand years of darkness", dont les riffs sont maladroitement soulignés par des traits de claviers joufflus, typés AOR pire jus. Attendez donc le solo néo classique (guitare, puis synthé) : déboulant de nulle part, et plutôt virtuose, il pousse le morceau dans une autre dimension, et renvoie aux disques d'Yngwie Malmsteen parus dans les années 80, ce qui fait définitivement mieux passer la pilule... avant la sortie de route...
Un cocktail pop / rock occulte / glam mal dosé, et "Forever we worship the dark" ne parvient qu'à proposer une mauvaise parodie de Ghost, avant de s'enliser définitivement dans la crème au beurre. Énième changement de style (décidément Enforcer a vraiment eu des problèmes de boussole sur ce disque) : "Ode to death", titre aux prétentions grandioses, ascenseur vers un Manowar boursouflé (pas celui de "Black wind fire and steel", malheureusement), mais dont la cabine reste coincée entre deux étages, vers le bas de la cage, faute d'inspiration. 
Une fin d'album assez malheureuse donc ; et ce qui est d'autant plus dommage, c'est que le bonus track ("To another world") s'en tire, lui, assez bien, sorte de mix entre de bons riffs à la Priest et un refrain inspiré façon "Monstrance clock" (Ghost, mais on pardonne). 
Souhaitons à Enforcer de tirer les leçons positives (il y en a, beaucoup même) ou négatives de son millésime 2019, et de poursuivre sereinement, avec lucidité, l'évolution qu'il a entamée.


mardi 24 décembre 2019

Workshed

Mark Wharton (batterie) et Adam Lehan (guitare), deux anciens d'Acid Reign et des débuts de Cathedral, se retrouvent pour jammer en 2014, après un très long break. Des morceaux naissent, sont enregistrés sans but précis, et il n'en faut pas plus pour que leur vieil ami Lee Dorrian, immédiatement séduit, les accueille sur son label Rise Above et programme une sortie officielle en septembre 2019. L'acte de naissance de Workshed aux yeux du monde, qui, de simple projet, devient groupe et album éponyme. 
D'emblée, dès la première écoute, nous sommes tout de suite saisis par le rendu très gras des guitares, mais aussi par le groove implacable qui émane de la plupart des morceaux. 
La musique de Workshed est étiquetée "sludge / doom", et c'est vrai que le son est plutôt raccord avec ces qualificatifs. Après, en ce qui concerne le sludge pur jus, ce sont surtout les deux derniers morceaux ("Safety behaviours" et "It doesn't have to be that way"), d'ailleurs enchaînés l'un à l'autre, qui pourraient prétendre à ce qualificatif. Quant au doom, bien que la plupart des compositions comportent des petits breaks bien lourds, on ne rangera vraiment sous sa bannière que l'étouffant "A spirit in exile", et le plus versatile "Anthropophobic" (pour ses mesures qui défient les lois du bpm).
Mais alors, qu'en est-il du reste de l'album ? Eh bien, avant tout, le sentiment que l'on a affaire à du métal, au sens très large du terme. Par exemple, le phrasé, qui renvoie souvent à Celtic Frost, ou encore "Nowhere to go" (prix Nobel du groove) et "On sticks of wood" qui, en plus de faire un malheur, adressent des clins d’œil à Slayer, lorsque celui-ci s’essayait à tempérer / moderniser son propos en ralentissant le tempo (certains titres de "Seasons in the abyss" ou encore "Diabolus in musica"). 
Mais le plus remarquable sur ce disque, c'est l'affiliation sous-jacente et quasi permanente avec le mouvement hardcore et l'esprit crust (la pochette anarchiste et dérangeante, en noir et blanc, ne pourra en aucun cas dire le contraire). Dès l'entame ("The windowpanes at the Lexington"), on se prend dans la tronche cette ouverture vers le punk forniquant avec le métal, sans parler des premiers jalons de "If this is how it is" qui font penser aux riffs de Biohazard. Un peu plus loin, les passages tout à fond de "This city has fallen" achèvent d'enfoncer le clou et de faire vibrer les crêtes. 
Une fois de plus, Lee Dorrian a eu du flair... L'une des grosses bonnes surprises de l'année.



mercredi 18 décembre 2019

Blood Ceremony

Première carte de visite pour ce groupe Canadien signé chez Rise Above Records, indice fort qu'il y a certainement quelque chose à creuser ici bas...
Accueillis assez longuement par un orgue aigrelet, qui débouche ensuite sur une instrumentation vintage portée par une production remarquable de naturel, nous pénétrons, via le très réussi "Master of confusion", dans le proto-doom psychédélique, progressif et occulte de Blood Ceremony.
La chanteuse, Alia O'Brien, a une voix envoûtante et sensuelle (nous sommes quelques années avant l'apparition de Blues Pills). Elle se charge, en outre, des parties d'orgue électrique, mais aussi de l'arme "secrète" du groupe, dévoilée dès le deuxième titre ("I'm coming with you") : la flûte traversière, dont on peut d'ailleurs carrément dire, après l'écoute complète de l'album, qu'Alia est virtuose ! Nul doute que Lee Dorian, patron du label Rise Above Records, a dû flasher sur ce détail, lui qui a su, en son temps, envelopper deux compositions du mythique "Forest of equilibrium" (Cathedral) d'inoubliables chorus de flûte traversière.
Mais revenons à Blood Ceremony... Tout cet assemblage musical, pas agressif pour un sou (ne cherchez pas ici de heavy doom) mais fort agréable à écouter, nous ramène à la fin des années 60, ainsi qu'au tout début des années 70. 
Black Sabbath est une influence assez évidente à pas mal de moments. On l'entend parfois à l'occasion de breaks pouvant déboucher sur de petites accélérations (le final de "Master of confusion", la transition centrale de "Return to forever" qui utilise quelques mesures bien connues de "Electric funeral") ou de nets ralentissements ("Return to forever", "Hop toad" juste après le crapaud qui coasse, "I'm coming with you", "Hymn to Pan"...). L'ensemble du morceau "Into the coven", par exemple, est lui aussi très typé Black Sabbath, et ce dès l'introduction. Même topo pour la majeure partie de "Children of the future".
L'ombre de Black Sabbath, donc, mais pas seulement... Egalement, des couleurs psychédéliques chatoyantes (la flûte qui virevolte autour du pourtant doomy "I'm coming with you", la relative bonne humeur de "Hop toad", le break entraînant de "Children of the future", le remarquable solo de flûte de "Hymn to Pan"...) et des touches de délicate musique médiévale (l'instrumental "A wine of wizardry", "The rare lord", quelques chorus à droite à gauche au fil des chansons...).
On terminera par l'aspect progressif de cette musique : clairement, plusieurs influences se rencontrent ici. A l'intérieur d'un même morceau, les breaks (qui peuvent conduire à l'arrêt total de la musique qui repart alors sous une autre forme, comme pour "Children of the future", par exemple) servent à faire cohabiter tout ce beau monde sous le même toit.


dimanche 8 décembre 2019

Doom or be doomed : a french tribute to Cathedral

Une gestation longue durée (plus de 3 ans) pour un produit franchement exceptionnel. 
Doomsters convaincus, ou simples amateurs de heavy, on a presque tous dans le cœur un morceau, un album, un visuel de Cathedral... Sans compter cette piqûre d'épine mal cicatrisée qui a découlé de l'arrêt des activités du groupe...
Cathedral : le groupe qui a ouvert le doom vers d'autres horizons, beaucoup plus mortifères et torturés que ce que proposaient les classiques Black Sabbath, Saint Vitus, Candlemass...
Une influence tellement forte qu'en 2019, douze groupes français reprennent douze titres du maître, pour un hommage en forme de messe noire inespérée. 
Certes, la répartition est un peu bancale (*), mais elle vient des tripes : "Forest of equilibrium" se taille logiquement la part du lion (le disque parfait, l'inoubliable baffe), "The ethereal mirror" le suit (d'assez loin), et certains albums ne sont pas représentés du tout (il paraît que Lee Dorrian, consulté sur le projet, a légèrement tiqué en constatant qu'aucune chanson du légendaire "The carnival bizarre" n'avait été choisie). 
Mais ne crachons dans la soupe, d'autant que celle-ci est vraiment fameuse. D'ailleurs, c'est bien simple : aucune des reprises ici présentes n'est ratée !
On peut, par contre, les catégoriser, histoire d'y voir plus clair dans les méandres de ce double album.
Il y a celles que l'on qualifiera de "respectueuses de l'original" : au hasard, "Mourning of a new day" (reprise par Pillars, en configuration live dans le studio), "Ebony tears" (par Goat River), "Equilibrium" (par Presumption : pas de modification mais une interprétation impériale), "Voodoo fire" (par Northwinds, qui a bien gardé l'esprit vaudou du morceau, modifiant juste le sample de film d'horreur servant de transition centrale), "Congregation of sorcerers" (par Father Merrin, à qui cette compo bien lourde va comme un gant).
On entre ensuite dans le registre des modifications. 
Misanthrope a traduit le texte de "Soul sacrifice" en français ("Le sacrifice de l'âme") et a achevé de s'approprier la chanson, l'emmenant, pourtant sans mutation structurelle, se balader à la frontière des territoires thrash, grâce à leur son typique et très heavy. 
Autre remarquable traduction dans la langue de Molière, celle de Barabbas, pour qui "Ride" est devenu "La cathédrale de la sainte rédemption". Non contents de la faire entrer dans leur univers, ils ont aussi revu son organisation, notamment en ce qui concerne les premières mesures. Chez Dionysiaque, c'est la fin de "This body, thy tomb" qui a été retravaillée, en format beaucoup plus court et speed que l'originale (au passage, excellente idée de se replonger dans le "testament" de Cathedral, puisque tout dernier titre de son tout dernier album). Après l' accélération, place au ralentissement : Conviction reprend le haut en couleurs "Stained glass horizon" en diminuant drastiquement le BPM, et la chanson pénètre dans une autre dimension, gagnant au passage une majesté insoupçonnée.
On passe maintenant aux arrangements. Ceux de Lux Incerta, dont les claviers, parfois discrets, parfois héroïques, apportent une valeur ajoutée au toujours très doom "Serpent eve". Encore plus loin, les doomsters modernes de Monolithe propulsent "Enter the worms" dans l'espace ("Enter the worm(hole)s"), à coups de nappes synthétiques somptueuses et en lui conférant un groove et une dynamique absolument imparables.
On garde bien sûr le meilleur pour la fin... C'est le travail d'Ataraxie, qui s'est attaqué au monumental "Reaching happiness, touching pain" en remplaçant la flûte traversière originelle par un saxophone free jazz, pour un résultat respectueux et époustouflant à la fois...
Bravo !


* La liste des morceaux de la compile, classés par EP et albums d'origine :
- In Memorium EP : "Mourning of a new day", "Ebony tears"
- Forest of equilibrium : "Ebony tears", Serpent eve", "Soul sacrifice", "Equilibrium", "Reaching happiness, touching pain"
- The ethereal mirror : "Ride", "Enter the worms"
- Statik majik EP / Cosmic requiem EP
- The carnival bizarre
- Supernatural birth machine : "Stained glass horizon"
- Caravan beyond redemption : "Voodoo fire"
- Endtyme
- The VIIth coming : "Congregation of sorcerers"
- The garden of unearthly delights
- The guessing game
- The last spire : "This body, thy tomb"

jeudi 5 décembre 2019

Black Star Riders : "All hell breaks loose"

A l'origine, c'était assez simple : ce groupe, formé autour du vétéran Scott Gorham (Thin Lizzy), avec Ricky Warwick (The Almighty) au chant et une poignée de mercenaires, devait permettre à un phénix de renaître de ses cendres et s'appeler... Thin Lizzy. Mais Scott Gorham, peu avant de rentrer en studio, finit par prendre une décision raisonnable : ne pas toucher à la légende (au risque de l'altérer), rebaptiser le projet ("Black Star Riders") et, même, tenter de s'éloigner le plus possible de l'ombre musicale de Thin Lizzy.
Concernant ce dernier vœu, il est tout de suite possible d'affirmer qu'il ne s'est pas vraiment réalisé (ou alors pas totalement, loin de là). De tous les groupes en activité aujourd'hui, Black Star Riders est bel et bien le meilleur et le plus évident dépositaire de l'héritage Thin Lizzy, à quasi égalité avec les suédois de Dead Lord. 
Bien sûr, si l'on écoute uniquement "Blues ain't so bad", ce cousin éloigné du "Motorcity is burning" de MC5, on peut franchement oublier la bande à Phil Lynott. Constat similaire mais un peu plus nuancé avec "Kingdom of the lost" : pourtant très "celtique", le morceau rappelle davantage les efforts récents de Black Country Communion. On est trop dans le cliché.
Avec "All hell breaks loose" et "Bloodshot", c'est assez neutre (en somme, une personnalité propre qui commencerait à émerger), mais chaque chorus de guitare(s) ramène impitoyablement au groupe mythique qui a composé "Jailbreak". Même constat pour "Before the war" qui, en plus, est trahi par son côté héroïque. 
Et lorsque l'on aborde "Bound for glory", "Hey Judas" ou encore le très enjoué "Someday salvation" (et ses "Sha na na na..."), c'est pour nager dans un océan de guitares jumelles et de riffs saccadés qui enveloppent les mélodies de manière si caractéristique... Là, c'est du Thin Lizzy pur jus. Faites abstraction de tout cela et écoutez le menaçant "Hoodoo voodoo" : au-delà de tous ces détails harmoniques (qui sont d'ailleurs bien présents), ce sont aussi les lignes de chant qui nous ramènent au rivage (le pont juste avant le solo : incroyable de mimétisme avec les tics favoris du grand Phil).
Qu'on ne se méprenne pas sur cette démonstration : tous les titres cités ici (ou non) valent le détour. Du bon hard rock mélodique, expert et très bien interprété. Le léger problème de Black Star Riders, c'est son placement, et seule la suite de sa carrière pourra indiquer si le groupe ne fait qu'employer brillamment une bonne vieille recette, ou peut carrément se l'approprier...

samedi 30 novembre 2019

Destruction : "The antichrist"

1999 : le redéploiement de Destruction avec un album solide ("All hell breaks loose"), le retour de Schmier et à une formule power trio appropriée.
2001 : la confirmation du bien fondé de tout cela. Elle a pour nom "The antichrist". Un paléontologue de la musique, si ce métier existait, trouverait que tous les signes sont déjà réunis sur la pochette : le crâne qui explose emprunté à "Infernal overkill" (premier album studio), le boucher fou qui pose en chair et en os avec les membres du groupe. 
Enveloppant élégamment la première édition de "The antichrist", on mentionnera aussi l'étui cartonné marron et fluorescent, autant pour l’esthétique que pour la confiance du label Nuclear Blast dans le haut potentiel de cette nouvelle phase dans la carrière de Destruction... Et, comme si le groupe avait carte blanche pour maximiser l'impact de son nouvel album, le CD lui-même contient un gimmick amusant : 66 pistes, soit les 11 pistes audio des 11 nouvelles compositions, suivies de 54 pistes vides de quelques secondes chacune, débouchant sur la soixante-sixième (un "ghost track", comme on dit, et qui n'est autre que le réenregistrement de "Curse the gods", titre phare de l'album "Eternal devastation" de 1986, et "Thrash anthem" avant l'heure). 
La suite est encore plus anecdotique, et rend décidément ce pressage CD tout à fait collector (à se demander si le groupe ne l'aurait pas fait exprès...). Toujours est-il que l'ordre des morceaux qui nous est fourni ici (aussi bien sur l'étui cartonné qu'au dos du boitier cristal) est partiellement faux : après l'introduction instrumentale "Days of confusion" (dont les quelques notes en arpèges son clair donnent l'impression de franchir le seuil d'un cirque dégénéré), c'est "Dictators of cruelty" qui ouvre le bal, suivi de "Thrash 'til death" (au riff d'ouverture rappelant un peu le "Suffer the children" de Napalm Death), puis le blasphématoire "Nailed to the cross" (ensuite, les autres titres sont correctement listés). Amusant, mais surtout de peu d'importance puisque "Dictators of cruelty", "Thrash 'til death" et "Nailed to the cross" sont chacun des blockbusters potentiels...
Après cet accueil tonitruant et fort réussi, on saluera également "Bullets for hell" pour sa nette accélération speed linéaire sur le refrain, renvoyant un peu au proto thrash à l'ancienne (genre Exciter). 
Un peu plus loin, "Creations of the underworld" rappelle les bonnes impressions générées par le trio de tête (vous savez, les fameux morceaux qui semblent avoir une vie propre et se jouent du track listing). Puis, "Meet your destiny" (riff assez orientalisant) et "Let your mind rot" se chargent de marquer le pas, et de marquer des points dans le lourd, lourd, lourd (rassurez-vous, ils ne sont pas dénués d'accélérations,  aussi bien l'un que l'autre). Les harmonies de "Let your mind rot" (cette manière de laisser respirer certains accords) sont belles, presque atmosphériques : bravo Monsieur Mike Sifringer, dont les riffs complètement "crooked" atteignent des sommets sur le rapide et final "The heretic". 
Entre temps, on aura aussi traversé le feeling très sombre (on pense un peu à Slayer) et moderne (voix parfois trafiquées, inquiétantes) du fort efficace "Godfathers of slander".
Belle pièce du boucher, cet album. Destruction, vraiment très en forme, déploie tous ses artifices sur une production d'ailleurs mieux maîtrisée et plus naturelle que sur "All hell breaks loose" : guitares intelligibles (moins surchargées), basse audible et batterie non triggée (mais attention, du coup, au son creux de certains éléments, qui peut devenir légèrement agaçant au fil de l'écoute).

Etui cartonné marron et fluorescent (première édition CD de "The antichrist").






dimanche 24 novembre 2019

Megadeth : "United abominations"

Après l'épisode "Risk" (méritant, mais trop éloigné des standards du groupe), le recentrage un peu désespéré de "The world needs a hero", la séparation pure et dure, le retour avec un "The system has failed" musicalement prometteur mais basé par ailleurs sur trop de malentendus (line up, maison de disques, projet solo ou pas...), "United abominations" est perçu, dès sa sortie, comme l'album mettant fin à une période très tourmentée, pendant laquelle le groupe a plusieurs fois joué son destin. 
Seul maître à bord et dernier membre original après cette décennie de tempête, Dave Mustaine truffe ce onzième album de pépites thrash, et ce dès l'ouverture. "Sleepwalker", "Washington is next", "Never walk alone...", "United abominations" abattent un boulot phénoménal, renvoyant les écarts de "Risk" loin, très loin... Le son lui-même est sec et mordant : une vraie fontaine de jouvence. 
A l'instar des Vic Rattlehead new look ornant les différents visuels de l'album (dessinés par des fans, et sélectionnés après un concours organisé sur DeviantArt), Glen Drover, guitariste pour lequel ce sera malheureusement l'unique participation studio à l'aventure Megadeth, parvient à pousser Dave Mustaine dans ses retranchements et à se transfigurer. Témoignages de cette saine émulation, les incroyables duels de six-cordes sur "Play for blood" et "Burnt ice", qui n'auraient pas pu voir le jour sans une vraie soif de mordre, et un équipier qui aiguillonne comme il faut... Quant à la chanson "Gears of war", elle intègre le groupe dans la course de son époque en s'invitant dans la bande-son du jeu éponyme, sorti chez Microsoft !
Alors, bien sûr, les auditeurs adhéreront ou non au discours très politisé qui structure la plupart des textes, et émerge carrément dans certains titres ("Washington is next", "United abominations" et son flash spécial en français s'il vous plaît, "Amerikhastan"). On admettra objectivement que ces paroles souvent dures et réalistes accompagnent vraiment bien le propos musical ultra heavy et stylé à la fois de Megadeth (petit clin d’œil, au passage, à "Peace sells...").
Quant à la destinée de cet "album de la renaissance" (formule écrite entre guillemets car, encore une fois, le prédécesseur "The system has failed" mérite lui-aussi sa part du butin), elle n'est pas très heureuse, le groupe semblant avoir renié cet héritage. Quasiment absentes des set lists et des compiles, les chansons de "United abominations" sombrent peu à peu dans l'oubli... La faute au retour de Dave Ellefson (bassiste co-fondateur), mais aussi, peut-être, à la présence assez incongrue de "A tout le monde", une auto-reprise réenregistrée avec un tempo plus soutenu, ainsi que la présence de Cristina Scabbia, chanteuse du groupe de métal gothique italien Lacuna Coil. Musicalement, rien de bien croustillant, à vrai dire, par rapport à l'originale, mais bien suffisant hélas pour éveiller la méfiance de certains fans, prompts à accuser le groupe de remplissage et de racolage... Dommage, sachant que pour Megadave, il s'agissait juste, à travers ce classique revisité, de démontrer qu'il avait bel et bien retrouvé le nord magnétique.


mercredi 6 novembre 2019

Nashville Pussy : "Let them eat pussy"

... de bruit et de fureur...
Pour ce tout premier manifeste, à peine 27 minutes d'un rock sale, énergique, saturé, vite expédié... Les morceaux s'enchaînent sans temps mort : la plupart ne franchissent même pas la barre des deux minutes... A peine le temps de s'habituer, et c'est la chanson suivante qui jaillit, précédée par un torrent de larsens et autres bruits blancs. Les niveaux sont too much, les amplis sur 11 ou 12, largement de quoi lutter avec la voix gouailleuse et mal poncée de Blaine Cartwright, le chanteur / guitariste.
De l'écoute de "Let them eat pussy", il ressort tout d'abord une atmosphère générale, et l'impression diffuse de tenir entre ses mains une sacrée pépite, et en même temps un artefact particulièrement dangereux. Lorsque le grand Lemmy a écouté et vu cet album (cf. la pochette), il ne s'est d'ailleurs pas trompé : ce groupe était plus que prometteur, et le rock n' roll - le vrai - pouvait dormir sur ses deux oreilles quant à sa pérennité et sa réputation sulfureuse.
Headbanging en rythme sur le tempo le plus souvent frénétique des chansons : impossible de résister. Seule "Fried chicken and coffee" marque un peu le pas : vitesse mesurée mais sournoiserie renforcée.
De cet amas vicieux, quelques flèches encore plus empoisonnées que les autres : le bombastique "Go motherfucker go" et le truculent "I'm the man", futurs hymnes indécrottables des set lists du groupe ; "Johnny hotrod", remarquable pour son côté boogie dégénéré, un peu comme si ZZ Top faisait la première partie des Sex Pistols ; la reprise "First I look at the purse" qui n'a forcément plus rien à voir avec le R&B original de ses géniteurs (The Contours), ni même avec le rock assez cool typé 70's de J. Geils Band, qui avait pourtant déjà en son temps amené le morceau vers une autre dimension, à base de guitares et non de cuivres.
Et pour finir sur une note au moins aussi ouvertement sexuelle que ce disque, un desiderata difficile à obtenir mais apte à faire rêver : "Lap dance from Corey !". Comprendra qui pourra...

vendredi 1 novembre 2019

Mortician : "Chainsaw dismemberment"

Mortician... La terreur des systèmes de sonorisation, l'enfer des haut parleurs, le génocide des amplis... Un son tellement compressé et gavé d'infra basses que l'on pourrait presque douter de son origine humaine. 
Prenons comme références, dans le petit monde du death, "Tomb of the mutilated" de Cannibal Corpse ou encore "Effigy of the forgotten" de Suffocation : deux exemples de productions tellement compactes et étouffantes que l'on aurait pu se croire bien tranquilles (en gros, impossible d'aller plus loin sous peine de ne plus rien entendre du tout). Pourtant, Mortician l'a fait, s'approchant encore plus près du point de non retour. Chez eux, le bassiste / chanteur growle tellement bas qu'on a parfois l'impression de le perdre dans le mix. Les chants coagulés de Chris Barnes et de Frank Mullen semblent vraiment légers en comparaison. Quant à la basse, justement, elle se réduit, lorsque l'on a la chance de l'entendre, à un gros grésillement. Pour la batterie, c'est encore plus simple : il s'agit d'un logiciel très avancé, avec ses avantages (l'accès à des BPM inhumains, la programmation au cordeau) et ses inconvénients (la rigueur excessive des structures, le côté chimique du son).
Ce décor déjà apocalyptique, qui forcément conduit Mortician à voyager aux confins du death metal vers les frontières du grind (28 morceaux pour 50 minutes de musique : oui, c'est cohérent), ne serait pas complet sans une petite spécialité maison : le recours à des samples tirés de films d'horreur / gore. Cette pratique ne s'applique pas à l'ensemble des chansons ; disons qu'environ un bon tiers bénéficie de ce type d'intro (voire outro dans le cas du dernier titre), ce qui confère à "Chainsaw dismemberment", en sus des abominations évoquées dans les textes et dessinées sur la pochette, une terrifiante atmosphère à couper au couteau. La barbarie de la musique n'en est que sublimée...
Et l'auditeur dans tout ça ? Dans quel état récupère-t-on le pékin qui s'est enfilé d'une traite la totalité de ce monstrueux deuxième album ? Eh bien, s'il est honnête et surtout attentif, il pourra déclarer que le death de Mortician n'est quand même pas un "tout à fond" permanent, ce que l'on pourrait redouter au premier abord. Entre "Fleshripper" (moins d'une minute de blast psychotique avec une vague mosh part), "Decayed" (une grosse touche de groove dans un monde de brute) et la lenteur poisseuse de "Camp blood", il y a diverses passerelles qui sont déployées. Mieux, un même morceau peut proposer plusieurs saveurs, comme ce "Silent night, bloody night" qui se paie le luxe de démarrer de manière très lourde, en se calant astucieusement sur la B.O du sample qui l'introduit, pour ensuite évoluer vers le blast puis des parties mid tempo. Certes, ce serait mentir de dire que les riffs sont aussi mémorisables qu'originaux : dans une telle mixture, c'est presque impossible. Non, ce qui fait surtout l'attrait de "Chainsaw dismemberment" c'est son extrémisme dans l'extrême, et pour cela le groupe fait tout simplement partie des meilleurs.


jeudi 24 octobre 2019

Venin : "La morsure du temps"

Il y a Venom, mais il y a aussi Venin ! Et, quitte à surprendre jusqu'au bout, ce groupe originaire de Marseille (France) est sorti de l'ombre en 1982, soit peu de temps après - voire simultanément - les emblématiques "Welcome to hell" et "Black metal". Mais bon, arrêtez deux minutes de saliver, car musicalement le heavy rock de Venin n'avait - et n'a toujours - rien à voir avec le proto black metal punkisant des diablotins de Newcastle (Venom, donc)...
Et comme de nombreux combos de heavy rock français des années 80, Venin a connu une carrière éphémère : une démo, donc, en 1982, une autre plus conséquente en 1984 et un mini album 4 titres en 1986 (un maxi 45 tours, pour être précis)... Et le groupe se sépare dans la foulée, non sans avoir écumé les scènes locales pendant ses quelques années d'existence.
Mais en 2014, ça recommence à chauffer puisqu'un label spécialisé (Cameleon Records) réédite 400 copies du mini LP de 1984. En 2015, c'est un autre label tout aussi pointu et passionné (Mémoire Neuve) qui presse 500 exemplaires de la démo 7 titres de 1984 ; tandis que, dans la foulée, Cameleon Records en profite pour tout rééditer (la démo + le mini LP) en une seule compilation CD (1 000 exemplaires). Les astres s'alignent, et le groupe, certainement bien émoustillé par le petit buzz qui se crée autour de son nom, se reforme autour de trois membres historiques (seul le batteur est remplacé).
Une belle histoire, et surtout, en 2018, un aboutissement : le premier album dont le groupe a toujours rêvé, le voici enfin... 
"La morsure du temps" (c'est son titre) est très affûté, sans temps mort, cohérent. La plupart des titres semblent même reliés par un thème commun : le temps qui passe, la nostalgie, les souvenirs... Ce doit être des chansons récentes, car nous savons que Venin a aussi "recyclé" des compositions d'époque restées inédites ("Trafiquant de rock", par exemple). Les textes dans la langue de Molière participent au charme du produit. Comme chez pas mal d'autres groupes de heavy originaires de ce beau pays, ils sont assez "premier degré", mais plutôt dans la moyenne haute (cf. le jeu de mots "La raison du plus fou"), évitant ainsi de plonger dans le cliché, voire la niaiserie. Et puis, le chant vindicatif et sûr de Jean-Marc Battini se charge d'emballer le tout : dénué d'inutiles montées dans les aigus, son timbre clair, puissant et virile enfonce les clous, trace la route, gomme les aspérités.
Il faut dire que l'une des grandes forces de ce disque, ce sont les refrains, aucun n'étant dispensable. Un gros travail sur les chœurs est également à signaler : c'est dire à quel point les lignes vocales sont choyées chez Venin.
Quelques riffs mémorables se chargent d'asseoir le tout : "La morsure du temps", "La faute aux souvenirs" (qui bascule d'ailleurs sans complexe vers un heavy metal à la Priest, avec un duel de guitares très convaincant), "La raison du plus fou"... pour ne citer que les meilleurs ! Quelques chorus mélodiques sont aussi de la partie : les introductions de "Guet-apens" et de "L'instant", les courtes transitions dans "Les tourments", le final de "Souviens-toi de moi" (power ballade démarrant assez mollement, mais avec une montée en puissance cohérente, débouchant sur des chœurs de stadium puissants et inattendus).  
On finira avec un tout petit mot sur la production : impeccable !
Superbe album, inespéré,  pour tous les passionnés du genre, et qui saura vous faire de l'usage...


dimanche 20 octobre 2019

Vulcain : "Compilaction"

En ces temps de réédition du catalogue - devenu difficilement trouvable - de Vulcain (cf. le coffret "Studio albums 1984 - 2013" paru il y a quelques jours chez Season of Mist), penchons-nous un instant sur cette compilation de 1997 (due, à l'époque, au valeureux label XIII Bis Records, prompts eux aussi à rerendre disponible ce qui a disparu des bacs depuis belle lurette).
Sous son emballage un peu tristounet, et son livret réduit comme une peau de chagrin, "Compilaction" abat un boulot phénoménal : le meilleur de Vulcain, inaltérables forgerons français du heavy, de la période speed à la Motörhead des débuts (1984 : l'album "Rock n' roll secours") jusqu'au gros rock assez lisse et sophistiqué de "Big bang" (1992). 
Et pour le coup, chaque album est représenté, y compris l'EP "La dame de fer" de 1985 et le disque enregistré en public "Live force" de 1987 (une version culte et enfiévrée de "La digue du cul"). De façon prévisible et logique, "Rock n' roll secours" et son successeur "Desperados" se taillent la part du lion (4 hymnes incontournables pour chacun), suivis de près par "Transition" et "Big bang" (3 titres chacun, de fort bonne facture d'ailleurs). 
Seul le troisième album, "Big brothers", ne fait pas vraiment le plein : ici, il n'y a guère que le tube "Soviet suprême" (à l'inoubliable texte) pour sauver les meubles. Certes, entre rock, speed, balade, chanson paillarde et j'en passe, le disque se voulait assez éclectique et ouvert, mais franchement les très efficaces "Kadhafi", "Faire du rock", "Grand prix", "Les plaisirs solitaires" ou même "22" auraient pu faire bonne figure, ne rompant aucun cas avec la tradition musicale du groupe... Dommage.
Sans doute trop récent, nous ne trouvons aucun titre de l'album éponyme de 1994 (qui a vu le gang se transformer en power trio et durcir le ton, avec une production sèche et assez compressée) si ce n'est la présence de deux inédits du même millésime ("D.D.H - Les droits de l'homme" et "S.O.S"), chutes de studio ou démos bien avancées probablement issues de ces sessions, mais sur lesquelles aucune information n'est disponible. Le "Atomic live" de 1996 n'est pas représenté non plus.


dimanche 13 octobre 2019

Anathema : "Eternity"

Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'être le plus objectif possible.
The red digipack limited edition
Inside booklet & original cover
ANATHEMA : “Eternity” (1996) Peaceville
Vincent Cavanagh : guit & voc - Daniel Cavanagh : guitars - Duncan Patterson : bass - John
Douglas : drums
1 : 08 : 39

Sentient / Angelica / The beloved : un album qui commence par ces 3 morceaux, différents mais plus ou moins connectés entre eux ou complémentaires, ne peut pas être mauvais. “Sentient”, c’est l’instrumental bouleversant comme la naissance d’un enfant (dont on perçoit un instant le sample de ses pleurs) ; “Angelica”, c’est le tube planant qui permet de se libérer de la pesanteur et dont la mélancolie et la progression dramatique laissent sans voix ; “The beloved”, c’est la chanson énergique qui autorise l’auditeur à redescendre sur terre après tant de rêveries.
Eternity part 1 : derrière ses beaux arpèges, “Eternity pt.1” est un titre assez frénétique, comme s‘il traduisait une révélation tardive et urgente (“Do you think we‘re forever ?”). Les vocaux sont en voix claire (comme sur tout le reste de l’album), mais Vincent Cavanagh y joue les écorchés vifs.
Eternity part 2 : un bel instrumental atmosphérique de 3 : 11, qui se déploie lentement, comme l'éternité...
Hope : avec cette chanson, Anathema donne le coup d’envoi des différentes reprises de Pink Floyd qu’il effectuera par la suite, en concert principalement. Une bonne cover, très cohérente avec le reste du disque.
Suicide veil : avec sa lenteur, sa tristesse et ses nombreuses poses acoustiques ou en arpèges, ce morceau peu enlevé se pose comme une sorte de réminiscence évidente du passé doom mélancolique du groupe.
Radiance : on continue dans la lenteur, avec des arpèges clairs et pas trop de distorsion. La suite de “Suicide veil”, un soupçon d’énergie en plus (surtout vers la fin, lorsque le tempo s’agite et que la guitare intervient en solo).
Far away : un bon titre mélancolique, d’apparence simpliste mais qui entête rapidement. Anathema écrira beaucoup de titres dans la même veine, voire assez ressemblants (on pense par exemple à “Don’t look so far” sur l’album Judgement).
Eternity part 3 : ce titre est un doom atmosphérique dont la particularité, par rapport à l’ensemble du disque, est de recourir majoritairement à la grosse distorsion. Le chant est très vindicatif.
Cries on the wind : les couplets utilisent un accompagnement minimaliste, quasi inaudible, sur lequel Vincent Cavanagh vient poser une voix circonspecte. La grosse armada du groupe intervient entre les deux et crée un contraste saisissant. Le morceau se termine en monologue d’un désespoir absolu.
Ascension : on dirait un peu une variation purement instrumentale de “Angelica” ou un petit cousin de “Sentient”. Très agréable à écouter, ce morceau se termine sur une partie de piano cristalline : même son que celle qui ouvrira l’album suivant.

La version digipack rouge (édition limitée) de “Eternity” contient en bonus des versions acoustiques de bonne facture de “Far away” et de “Eternity part 3”.






mercredi 9 octobre 2019

Destruction : "All hell breaks loose"

L'album de la renaissance, et du retour de Schmier, bassiste / chanteur / co-fondateur du groupe. Après une décennie de tourmente et d'errances, l'institution thrash allemande est enfin remise sur de bons rails avec ce méfait paru en 2000, optant judicieusement, comme à ses débuts, pour le format power trio. Aux côtés de Schmier, on trouve l'indéboulonnable guitariste Mike Sifringer, scientifique et stakhanoviste du riff, et un nouveau batteur, Marc Reign. Ajoutons à cela une pochette d'une laideur sans pareil, et l'on peut dire que tous les éléments constitutifs d'un bon disque de Destruction sont sur la rampe...
Souvent présent sur les samplers des magazines spécialisés de l'époque, "The butcher strikes back" se charge d'annoncer la couleur. Musicalement, la chanson a l'étoffe d'un futur classique et porte, en plus, un message fort : le boucher fou, mascotte des premières heures du groupe, fait partie de ce nouveau voyage... Et comme un autre clin d’œil à  "Mad butcher", morceau présent sur "Sentence of death" (le premier EP paru en 1984), cette nouvelle galette propose un ré-enregistrement du très primitif "Total desaster" (rebaptisé "Total desaster 2000"), lui aussi figure légendaire de l'EP mentionné ci-dessus. Décidément, la soif de convaincre du groupe paraît sans limite, organisée tel un plan de bataille minutieux...
Autre source de conviction, l'écoute intégrale de "All hell breaks loose". Nous savons à quel point un album de thrash moyen peut être lassant et rébarbatif, mais ici il n'en est rien. Un grand merci aux titres "coups de poing immédiats" qui parsèment le track listing : "The final curtain", "Tears of blood", "The butcher strikes back" (déjà mentionné), ou encore le très rampant "X-treme measures". Pour tous ces "hymnes", souvent bâtis sur des rythmes différents, ne cherchez pas : l'assimilation est quasi instantanée. Sur d'autres chansons, il faudra décortiquer un peu plus, et accepter d'intégrer les riffs improbables mais passionnants de Mike, le guitariste : structures montantes et descendantes ("Devastation of your soul"), séquences musicales sur le fil du rasoir ("All hell breaks loose"), groove venu d'une autre galaxie ("Visual prostitution"). 
Seule la production peut faire l'objet de quelques remarques, notamment le son un peu trop saturé et gonflé des guitares, qui tendrait presque à lisser les petits détails, pourtant très importants et croustillants dans la musique de Destruction. Même schéma en ce qui concerne les lignes vocales : souvent doublées, triplées voire quadruplées, elles sont omniprésentes et peuvent parfois étouffer le propos, là où plus de discernement dans les interventions aurait certainement fait gagner encore plus de puissance.

samedi 5 octobre 2019

RAM : "Subversum"

Quatrième album pour cette formation suédoise de "vrai heavy métal", et probablement le plus impressionnant, et aussi le plus abouti. 
Fils avéré de Judas Priest, RAM atteint ici l'acmé de ce qui constitue son originalité propre : ce côté sombre et tyrannique, comme si une junte militaire dangereuse, sans pitié, mais sensible à la beauté froide et puissante de la musique leur avait commandé la bande-son de ses cérémonies, dans des stadiums que l'on imagine immenses et pavoisés. Ecoutez ne serait-ce que l'instrumental "Temples of void" pour saisir toute l'essence et l'incroyable pouvoir évocateur des harmonies déployées par le groupe.
Disque fort, "Subversum" est pensé pour être le plus efficace possible et n'autoriser aucun décrochage, alternant avec intelligence les chansons courtes ("Eyes of the night") et celles, plus progressives, qui se déploient dans le temps ("Forbidden zone"), les tempos différents, les titres chantés et les instrumentaux ("Terminus", "Temples of void"), les effets (les chœurs inquiétants de "Subversum" et ceux vindicatifs de "Temples of void", entre autres bruitages faits pour déstabiliser et faire frissonner la moelle épinière). 
Une musique qui fonctionne sur les riffs, bien sûr, mais plus encore sur la construction de lignes vocales marquantes et de chorus brillants servis par des guitares jumelles endiablées et lyriques, le tout enrobé dans un son chromé de premier choix.
Le vocaliste, Oscar Carlquist, est bien sûr à la fête : dans un écrin pareil, ses lignes de chant sont une véritable promenade sur la corde raide. A l'instar de son présumé maître, Rob Halford, il peut monter haut, mais il est doté d'un timbre beaucoup plus bestial, ce qui sied d'ailleurs très bien à ce heavy métal insurrectionnel et occulte. 
La face opaque de l'humanité a donc trouvé un nouveau vecteur ; et tandis que cette dictature musicale soumet vos haut-parleurs, jetez un œil au décorum déployé par RAM et déchiffrez les hiéroglyphes futuristes de la pochette : de belles soirées pour l'esprit. 



samedi 28 septembre 2019

Ahab : "The call of the wretched sea"

Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'être le plus objectif possible.
AHAB : “The call of the wretched sea” (2006) Napalm Records
Daniel Droste : voices, guit, synths - Christian Hector : guit - Stephan Adolph : bass, background voices - Corny Althammer : session & live drums
1 : 07 : 32

Below the sun : un long prologue instrumental assez glauque sort des enceintes. Puis, un véritable mur de guitares, façon chape de plomb, fond soudain sur l’auditeur. Le son est digne des très grands espaces embrumés, la voix death coagule à fond et plonge vers des gouffres vertigineux. C’est parti pour plus d’une heure de “Nautik funeral doom”, appellation d’origine donnée par le groupe lui-même. Alors, de quoi s’agit-il ? Surtout d’un concept unique entièrement consacré au “Moby Dick” d’Herman Melville. Tout s’y rattache : le nom du groupe, les textes reliés entre eux, l’iconographie, la tragédie véhiculée par la musique. Car l’un des exploits de ce funeral doom monolithique est de transmettre de magnifiques émotions, sans jamais endormir l’auditeur. Pour cela, ce “Below the sun” à la structure élaborée est traversé par des chorus mélodiques de guitare particulièrement lumineux, ce qui est un comble dans un ensemble aussi lent et aussi sombre. Le résultat est passionnant. 11 : 45
The pacific : la batterie démarre en solo et chaque rare coup, répercuté par une reverb
monumentale, est un défi au métronome. Ensuite, une distorsion énorme envahit l’espace et des lignes mélodiques à la guitare aident le morceau à ramper tant bien que mal jusqu’à une belle transition en arpèges. Pendant ce temps, le vocaliste “gruike” à s’en décrocher la gorge, sauf à l’occasion du break atmosphérique final sur lequel une voix spectrale prend le relais. Toute une palette d’émotions. 10 : 07
Old thunder : l’introduction en arpèges clairs porte un thème mélancolique de toute beauté et donne naissance à un riff martelé étonnant. Du coup, le tempo décolle un peu. Les guitares décochent des flèches dans tous les sens (riffs, chorus, ostinato) et le chant n’est pas en reste (voix death caverneuse, choeurs sombres sur le refrain). “Old thunder” déploie ses ailes dans la violence et la musicalité la plus pure. Une vraie baffe. 9 : 54
Of the monstruous pictures of whales : on sort les synthés pour une petite pièce instrumentale très atmosphérique, mais aussi très sombre. 1 : 46
The sermon : le tempo presque medium étonne un peu. Comme toujours, Ahab habille ses riffs avec des thèmes mélodiques impressionnants. On progresse ainsi de manière assez monolithique jusqu’à une longue pause dans le style “Rime of the ancient mariner”, avec arpèges et samples de voix, de vent, de vagues... A la reprise de la distorsion, la guitare semble tester une grande variété de motifs rythmiques. Puis le tempo ralentit d’un cran ; place aux synthés spectraux et aux chœurs grégoriens (enfin, presque...) pour finir. 12 : 35
The hunt : on démarre sur un bel ostinato à la guitare claire. Les riffs saturés font leur apparition et se déploient par-dessus, sur fond de choeurs écorchés et solennels. Le morceau prend une sorte d’envol au bout de 4 minutes, avec cri orgasmique et voix death en putréfaction, avant de s’échouer sur l’un des écueils les plus lents du disque (style “un coup sur la caisse claire toutes les 6 secondes”). Un piano fantomatique repêche l’ostinato du début et aide le tempo à retrouver un semblant d’humanité jusqu’au bout. 11 : 13
Ahab’s oath : c’est un clavier aérien qui, en ouverture, dévoile le thème mélodique et assurera un peu plus tard le break de transition ainsi que le chorus final. Le tempo est ultra lent, presque usant pour les nerfs. Le chanteur propose une ascension vertigineuse vers les fréquences graves. Un plan à la double grosse caisse permet, en conclusion, de s’extirper de ce cauchemar. 10 : 11