lundi 29 juin 2020

The Magpie Salute : "High water I"

Après un très bon live en studio, composé à 95% de reprises, voici paru en 2018 le premier vrai album studio de The Magpie Salute, le nouveau projet de Rich Robinson.
Un produit déjà original en soi, puisque conçu à l'origine comme un double album, mais proposé en deux volets séparés, vendus à un an d'intervalle (pour éviter à l'auditeur une certaine "surcharge musicale", chaque disque contenant quand même douze titres). 
Amateurs de la musique des Black Crowes, mais sans toutes les embrouilles qui vont avec, ce "High water 1" est juste fait pour vous : les bonnes influences (Led Zeppelin, les Stones, Bob Dylan, le rock sudiste, la country...), le son vintage, l'interprétation, la voix chaleureuse de John Hogg (quelle découverte !)... 
La cartographie de l'album est assez simple : le groupe déploie en ouverture cinq titres exceptionnels, trois placés sous le signe d'une électricité mesurée ("Mary the gypsy", "Send me an omen", "For the wind") et deux plutôt atmosphériques (le baroque "High water" et le slow dance "Sister moon"). Ensuite, à partir de "Color blind", "High water 1" verse définitivement dans quelque chose de plus intimiste, à la "Led Zeppelin III". Les guitares acoustiques tiennent souvent le haut du pavé, avec des saveurs variées (l'hymne folk "Walk on water", l'ambiance country western de "Hand in hand", le riff lancinant de "Open up", avant que le refrain ne s'envole vers un balancement et des voix inspirés du gospel). Là, un piano bar vient faire sautiller le bottleneck et les Gibson sur le bluesy "Take it all", ou au contraire servir d'écrin pour déployer la lente mélancolie de "Can you see". 
Dans tous les cas, les textures sont vraiment superbes. L'album se déploie sûrement et devient vite un compagnon musical indispensable, dans lequel on a plaisir à se plonger et se replonger.


mercredi 17 juin 2020

Gilby Clarke : "Pawnshop guitars"

Amateur de hard rock dans les années 90 ? Alors, vous possédez certainement, quelque part sur une étagère, le premier album de Gilby Clarke... Et en faisant l'acquisition à sa sortie, en 1994, vous n'avez pas seulement acheté le disque solo de ce guitariste américain : vous vous êtes aussi payé un morceau de légende, une part supplémentaire d'un énorme et savoureux gâteau nommé Guns n' Roses. 
Gilby Clarke : cet inconnu qui a remplacé Izzy Stradlin sur une bonne partie du fameux et colossal  "Use your illusion wolrld tour", celui-là même qui a joué à l'hippodrome de Vincennes le 6 juin 1992 devant 58 000 spectateurs (mémorable premier concert de Guns n' Roses en France). Celui aussi qui, intronisé membre à part entière du groupe, a enregistré avec eux l'album de reprises "The spaghetti incident ?"... 
Les planètes sont alors alignées pour que Gilby réalise l'album solo de ses rêves. Ce sera donc "Pawnshop guitars", et les circonstances exceptionnelles (ainsi que le marketing) en font une sorte de blockbuster : maison de disques prestigieuse (Virgin), interviews dans la presse du monde entier, participation d'Axl Rose, Slash, Matt Sorum, Dizzy Reed, Duff... Impossible de rater ce disque ! On en est même à se dire que les Guns forment finalement une solide confrérie pour filer un tel coup de main à leur nouveau pote... qui sera viré sans la moindre notification quelques mois plus tard (fin des paiements : merci). A ce stade, Gilby se retrouve soudainement face à sa vraie carrière solo, tandis que Guns n' Roses aborde une phase beaucoup moins mythique de son aventure. Quant aux fans, un peu hagards comme après une longue transe, ils se retrouvent nombreux avec "Pawnshop guitars" sur les bras. Certains le revendront (il est d'ailleurs toujours très facile d'en trouver des exemplaires d'occasion, à bas prix), une fois le produit "tendance" consommé (et la tendance émiettée). Dommage, car ce disque, beaucoup trop mis en avant par un effet de mode, est avant tout d'une grande simplicité et basé sur de bons principes.
C'est sûr que les Guns ont eu du flair en embauchant Gilby : il aime les Rolling Stones (la reprise très réussie de "Dead flowers", en duo avec Axl, et le feeling de la plupart des chansons), il sue sur les Gibson, il malmène les Marshall... Dans "Black" et "Let's get lost", l'homme se permet même de tutoyer les Beatles en incluant des petits éléments pop psychédéliques (orgue Hammond, sitar électrique, Mellotron...). Autre clin d’œil aux quatre garçons dans le vent : la douceur des chœurs de "Johanna's chopper", dans un environnement pourtant foncièrement rock. Quant à la cover de "Jail guitars door" (The Clash), c'est une preuve de plus du bon goût et de l'ouverture d'esprit de monsieur Clarke.
Sous employé au sein de Guns n' Roses, Gilby aurait pu leur apporter bien plus que le simple fait de jouer de la guitare rythmique, et ce notamment en terme de composition. "Cure me... or kill me", avec son introduction qui fait monter la pression, ses riffs et ses lignes vocales à effet instantané, piétine les plate bandes de "You could be mine". "Pawnshop guitars" fait sortir de son chapeau une efficacité à la "It's so easy", aux frontières du punk rock. Sur un album studio des Guns, on aurait bien goûté à la saveur piquante de "Tijuana jail" et ses samples hilarants de radio Mexicaine, ou encore à l'originalité sucrée, un peu bancale mais attachante, de "Johanna's chopper" (sans parler des deux balades Stoniennes : "Skin & bones" et "Hunting dogs"). Par contre, le morceau final ("Shut up"), trop passe partout, fait remplissage (sentiment renforcé par les deux reprises, même si elles sont réussies).
Vingt-cinq ans plus tard, (re)donnons donc sa chance à "Pawnshop guitars", un bon album à part entière et non un simple satellite, même s'il est vrai qu'il est fortement ancré dans son époque. Tout du long, Gilby y assure une performance vocale honnête : ce n'est pas un grand chanteur, mais il a une empreinte authentique, simple... comme ce disque. 




vendredi 12 juin 2020

Immolation : "Close to a world below"

On ne change pas une équipe de death métal qui gagne...
Successeur du très réussi "Failures for gods", "Close to a world below" est toujours produit par Paul Orofino & Immolation : le gage d'un son très personnel, particulièrement grave et profond ("sourd", pourrait-on presque dire), même si ce nouvel opus donne l'impression de sonner un peu plus "clair" que son prédécesseur. 
"Didn't you say Jesus was coming" annonce le message écrit à l'intérieur du boîtier (sous le CD) : au cas où l'on n'aurait pas vu la pochette, et que l'on aurait pas encore compris que Immolation perpétue sa tradition de combo profondément anti-chrétien.  
Quant à la musique : riffs recroquevillés, harmoniques sifflantes ("Furthest from the truth", "Lost passion"...), multiples cassures, mesures improbables... Groupe d'habitude, Immolation se fait fort d'accomplir toujours le même exploit : laisser dans la tête de l'auditeur des lignes vocales intelligibles, alors que l'instrumentation est une marmite bouillonnante. Un vrai casse tête, qu'un titre comme "Father you're not a father" accomplit, par exemple, haut la main (là, on peut carrément parler de "refrain").
Nouveau soundtrack dédié à la barbarie des hommes,  "Close to a world below" perpétue cette tradition de riffs et de rythmes pas forcément très rapides, mais évoquant une vision prégnante de légions marchant impitoyablement droit devant (on peut même les entendre ahaner dans "Furthest from the truth"). 
"Lost passion" est un très bon exemple des recettes employées par le groupe : dès le début, superbe marche en avant musicale (le groove est vraiment prenant, les chorus beaux et inquiétants), mais, au moment où l'on se croit installé dans un agréable confort auditif, celui-ci est impitoyablement cassé, au bout de 2 minutes, par une partie très chaotique. Puis, on retrouve le flow du départ, mais avec des variations, qui aboutissent à un riff infini chargé de clore les débats. 
Tout comme "The devil I know" sur "Failures for gods", c'est d'ailleurs le riff infini de "Close to a world below" qui va refermer la porte ouverte sur les enfers par cet album, sur une baisse progressive et savamment dosée du volume. Le morceau est lourd mais il a une impitoyable dynamique, et les parties de guitare sont véritablement hantées (sûrement les meilleurs chorus de tout le disque). 
Amateurs du creuset infernal de "Failures for gods", vous savez ce qu'il vous reste à faire...