mercredi 18 août 2021

Paul Gilbert : "Werewolves of Portland"

Ce n'est pas toujours facile d'aborder un album de guitare instrumentale... A l'occasion de ce 17ème album solo, Paul Gilbert l'a sans doute compris puisque son disque est fourni avec des paroles, que sa guitare se charge de "chanter" ("bien mieux que lui", précise-t-il), avec la participation de l'auditeur, s'il le souhaite ! Cette étonnante méthode de composition, à base originellement de véritables chansons, pourra peut-être débloquer certains réfractaires, bousculés par les pratiques de Vai, Satriani, Friedman, Becker... et consorts. Bon, encore faut-il bien connaître les morceaux de "Werewolves of Portland", afin de différencier les parties purement instrumentales (très virtuoses, bien sûr) des parties "chantées" (plus mélodiques). Mais ça marche plutôt bien, et après s'être bien immergé dans les textes, on se surprend à fredonner "Pie Ah-ah-ah-ah, Ah-ah-ah-ah, Ah-ah" en écoutant "Arguments about pie" (très bon exemple de partage entre pirouettes néo-classiques à la Malmsteen et parties évoquant des couplets et un refrain). 
De plus, cet exercice proposé par Paul permet de mieux s'immerger dans les structures assez complexes de certains morceaux (la première partie de l'album, principalement). Ainsi en est-il de "Hello North Dakota !", dont l'intéressant labyrinthe musical est encadré par une introduction et une conclusion très "hymne national" (peut-être celui du Dakota du Nord ?) ; ou encore le prog "Werewolves of Portland", avec ses riffs saccadés et sa guitare qui hurle à la lune (forcément...) avant de proposer quelques mesures soudaines de bon blues ! Sur "Professorship at the Leningrad Conservatory" (quel titre !), on ne se lasse pas du contraste entre le motif disco hyper dansant qui nous accueille et le corps du morceau, plutôt calme et posé.
A partir de "Meaningful" (la balade), les choses se simplifient un peu : du blues technique pour "I wanna cry...", un pan d'univers Hendrixien à la "Foxy lady" à l'occasion de "Problem-solving people", une sorte de boogie à la ZZ Top sur "(You would not be able to handle) what I handle every day". L'album est donc varié, tandis que l'interprétation de Paul Gilbert, à la batterie, à la basse et bien sûr à la guitare, est juste sans faille et impressionnante. Quelle imagination déployée par ce guitar hero qui possède un son organique, presque fuzzy, très agréable à écouter, n'hésitant pas à employer des effets chaleureux quand il le faut : haut parleur tournant à la fin de "Arguments about pie", wah wah sur "Problem-solving people". 
Une incroyable mine de notes, de trouvailles, dans un univers rock et baroque à la fois.


 

lundi 2 août 2021

Raven : "Metal city"

De la carrière de Raven, le fan de métal connaît souvent quelques jalons. Toujours un peu les mêmes... Leurs glorieux débuts dans la NWOBHM, avec 3 albums studio de référence ("Rock until you drop", "Wiped out", "All for one") et un live enragé ("Live at the Inferno"). Puis, la période passée chez Atlantic Records, la maison de disques ayant fortement poussé le groupe à expérimenter, ce qui a donné "Stay hard", et surtout le mal aimé "The pack is back" ; deux albums qui ont bien failli avoir la peau de Raven, tout simplement... Sur "Life's a bitch", leur dernière cuvée chez Atlantic, les anglais ont opéré un retour rassurant au heavy et au speed qui les avaient rendu populaires : l'énergie était là, mais un peu moins l'inspiration. Ensuite, et c'est généralement là que ça devient nébuleux pour beaucoup, Raven a poursuivi sa carrière, sans plus jamais quitter les rivages du métal : des albums publiés avec régularité, en mode assez confidentiel, jusqu'à l'accident grave du guitariste Mark Gallagher en 2001. Plusieurs années de pause imprévue, puis le retour avec "Walk through fire" en 2009, "ExtermiNation" en 2015 et ce "Metal city" en 2020. Une persévérance qui a du bon, puisque ce génial album à la pochette cartoon délirante et originale est le premier à réunir tous les ingrédients pour faire date ; et ça, ce n'est pas arrivé depuis... longtemps !
Forts d'un très bon nouveau batteur (Mike Heller), qui fait cliquer sa double pédale tout du long, les frères de Newcastle alignent, sur le tapis rouge d'une production idéale, les nombreux tips qui ont fait leur renommée. Par exemple, une large moitié d'album occupée par des titres vraiment frénétiques (les 3 premiers, puis "Cybertron", sans oublier ce "Motorheadin" de folie qui démarre par un terrible roulement à la "Overkill" - normal, il s'agit d'un hommage à Motörhead). Pour varier les plaisirs, on rencontre aussi du heavy (l'hymne "Metal city" et le lent "When worlds collide), de l'épique ("Battlescarred",
qui se pique même de reprendre en paroles la célèbre formule "All for one, one for all"), du typé Maiden ("Not so easy" ressemblant fort à "Tailgunner"). Et puis, nous sommes en 2021, aussi Raven se permet-il d'adresser quelques oeillades au thrash métal (le refrain dépravé de "Break" et les quelques blasts de "Human race"). Référentiels, institutionnels : les cris d'orfraie du bassiste/chanteur John Gallagher sont bien de la partie, de même que les solis fiévreux de son frère Mark, ainsi que les célèbres breaks mélodiques composés aux petits oignons qui ont toujours jalonné les morceaux du groupe (ici, le plus remarquable étant celui de "Human race"). 
Vous perdiez du temps à vous lamenter sur la santé de Raven ? Passez à autre chose !