mardi 24 mars 2020

Running Wild : "Branded and exiled"

On poursuit avec les rééditions 2017 du catalogue de Running Wild, légende allemande du heavy metal, et un deuxième album riche d'enseignements concernant certains choix qu’effectuera le groupe pour le futur.
Frère quasi jumeau de son prédécesseur ("Gates to purgatory"), jusque dans le feu et le métal en fusion de la pochette, "Branded and exiled" va marquer la fin de la première période de Running Wild, que l'on pourrait qualifier de "cuir et clous". Une période très respectueuse des enseignements du maître Judas Priest, mais sans grande personnalité. De l'aveu même de Rolf, le guitariste / chanteur / fondateur, le groupe se cherche. Faux satanistes, uniquement pour exprimer une certaine rébellion, nos jeunes allemands diversifient pas mal le propos sur "Branded and exiled", abordant aussi des thèmes sociaux (le rejet des fans de métal sur "Branded and exiled"), de la pure fiction (l'univers créé par Tolkien : "Mordor"), ou encore évoquant la guerre et la course à l'armement ("Gods of iron", "Marching to die")... Pas mal, mais pas totalement suffisant pour se démarquer...
Musicalement, la santé est bonne, le groupe parvenant toujours à enquiller des titres qui deviendront des classiques : "Branded and exiled", "Mordor", le très speed "Fight the oppression", "Chains and leather"... soit la moitié du disque ! Concernant l'autre moitié, on retiendra surtout la bonne vitesse de "Gods of iron", le côté sombre et heavy de "Marching to die", les riffs en galopade lente façon Maiden du menaçant "Evil spirit".
La voix de Rolf est majoritairement vindicative, avec de très rares et très courtes montées dans les aigus ("Fight the oppression"). Comme il n'a pas une empreinte forte, son chant est à nouveau fourni dans un emballage conséquent de reverb, d'autant que c'est le groupe lui-même qui s'est chargé de la production. Sur les titres lents ("Evil spirit", "Branded and exiled"), ce halo s'entend particulièrement bien, et lorsqu'en plus il y a des chœurs sur le refrain ("Branded and exiled"), c'est quand même un peu indigeste... 
Côté bonus tracks, c'est beaucoup moins foisonnant que sur la réédition de "Gates to purgatory". Ici, que des réenregistrements, aucune chute d'époque, ou face B, ou autre. Les nouvelles versions mises en boîte en 1991 ("Branded and exiled", "Fight the oppression" et "Marching to die") sont, à mon sens, les plus intéressantes. Le chant est toujours largement réverbéré, mais, honnêtement, Rolf a vraiment progressé dans son interprétation, qui est plus riche et plus variée. A cette valeur ajoutée-là, l'instrumentation met aussi son grain de sel : le grain des guitares sonne plus actuel et, surtout, un batteur à la frappe phénoménale embarque les morceaux vers une autre dimension (c'est moi ou la vitesse d'exécution de "Fight the oppression" a augmenté par rapport à l'originale, déjà très rapide ?). Bref, une bonne affaire... En revanche, les versions 2003 de "Branded and exiled" et "Mordor" sont peu convaincantes : certes, les lignes vocales ont quasiment perdu toute trace de reverb, ce qui est intéressant à entendre, et Rolf s'en sort à nouveau très bien au niveau du chant, mais les instruments sonnent mal ; la batterie, notamment, donnant l'impression d'être pré-programmée (cf. les premières mesures de "Mordor").


jeudi 19 mars 2020

Destruction : "Metal discharge"

Je ne sais pas si c'est le titre, avec les mots "metal" et "discharge", ou encore l'arrivée d'un nouveau batteur, mais toujours est-il que cet album paru en 2003 (le troisième depuis la reformation) paraît plus frondeur et radical que ses prédécesseurs... En découdre est le maître-mot, comme si une épice punk avait été légèrement saupoudrée sur les compositions, à tel point que les riffs de Mike sont toujours bien reconnaissables, mais paraissent un peu moins alambiqués que d'habitude (un bref chorus bien crooked dans "Fear of the moment", mais à part ça...).
Sur "Metal discharge" (l'album, mais aussi le morceau-titre, virulent et hymnesque à la fois), on se repose très peu, juste le temps de deux morceaux plus "calmes" (tout est relatif) et groovy : "Rippin' the flesh apart" et "Historical force feed". 
Le reste trace, fonce, défonce, à l'image du très méchant "The ravenous beast" d'ouverture : du speed de speed de speed... Certains ont d'ailleurs reproché à ce disque son côté trop linéaire (parce que trop "jusqu'au boutiste"), ce qui n'est pas tout à fait exact. Bien qu'agressif et rapide, un titre tel que "Fear of the moment" déploie des riffs élaborés et vraiment porteurs, tandis que "Mortal remains" et "Made to be broken" proposent des attaques plus orientées "heavy metal". Étonnamment, "Desecrators of the new age" renvoie une image assez chaotique, alors qu'il est doté de vraies lignes de chant (hurlées, bien sûr). Plus loin, on apprécie de la même façon "Savage symphony of terror" : sous le cuir et les clous, il y a un refrain (soutenu par une guitare équilibriste) et des riffs saccadés bien balancés, que l'on remarque du premier coup. Et si vous êtes toujours là, vous apprécierez sans doute l’atmosphère inquiétante de "Vendetta", un morceau "construit", comme on dit, avec une intro, un développement et une progression dans la violence (jusqu'à la déflagration finale).
Comme d'habitude, le bassiste / chanteur Schmier est sur tous les fronts, avec des vocaux qui s'entrecroisent et semblent parfois ne jamais faire de pause : cette façon de faire, déjà remarquée et évoquée lors des albums précédents, a ses avantages (le renforcement de l'effet "panzer" de cette musique) et ses inconvénients (une certaine lassitude pouvant s'installer chez l'auditeur). A chacun de se faire son opinion...
Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin que ces petites 37 minutes de matériel, Nuclear Blast avait livré l'édition originale avec un CD bonus contenant 3 reprises et 4 démos (cf. la pochette ci-dessous). Parmi les reprises, fidèles aux originaux, celle d'Iron Maiden ("Killers") est la plus intéressante car assez éloignée de l'univers habituel de Destruction : le groupe transcende bien le côté sauvage de cette composition, même si Schmier peine un peu, sur le passage central, à suivre les inflexions originales de Paul Di Anno. En ce qui concerne "USA" (reprise de The Exploited), on apprécie vraiment d'entendre nos thrashers se frotter à un vrai morceau punk (ce qui est assez raccord avec "Metal discharge"). La reprise de "Whiplash" (Metallica) est par contre un peu trop conventionnelle... Un petit point sur les démos : celle de "Nailed to the cross" est de qualité audio moyenne contrairement aux autres, mais toutes apportent leur éclairage sur la construction des morceaux, en les dévoilant dans des versions plus brutes, moins élaborées (à ce sujet, celle de "The butcher strikes back", d'ailleurs fournie à l'époque sur des samplers de magazines, me semble la plus intéressante). 

samedi 14 mars 2020

Nocturnus A.D. : "Paradox"

Nocturnus A.D. est la reformation de Nocturnus, menée par le batteur / chanteur et membre fondateur Mike Browning, accompagné par les membres d'After Death (son groupe post Nocturnus, d'où le A.D.). 
En 2014, le combo a proposé des concerts au cours desquels "The key" (le concept album mythique de 1990) a été interprété dans son intégralité. C'est donc en toute logique que l'on voit revenir Nocturnus en 2019, avec un cadeau inespéré : la suite de "The key" !
Cet exercice particulièrement casse gueule (demandez à Queensrÿche ce qu'ils pensent de leur "Operation mindrime 2"), Nocturnus l'a négocié de main de maître, jusque dans les codes de la pochette originale signée Dan Seagrave (ici réalisée par Timbul Cahyono).
"Paradox", digne fils de "The key", est donc porteur de tout l'ADN de Nocturnus : de la science-fiction, du death métal technique avec des claviers titulaires d'une place à part entière, du chant écorché, une production old school (pas de batterie triggée), d'incroyables et nombreux soli de guitare et de synthé lead... Quel voyage ! Tout cela s'entrecroise, avec des trouvailles, des cassures, des riffs improbables (l'auditeur a du pain sur la planche pour absorber tout ça, même si Nocturnus n'est pas aussi alambiqué qu'un Gorguts, par exemple). Mais il y a surtout, pour définir cette musique, un dénominateur commun qui tient en deux mots : "death" et "cosmique".
Ensuite, sous ces bannières, à chacun de préférer des pièces plutôt atmosphériques, qui coulent vraiment de source ("The bandar sign" et sa sublime intro électronique, "Precession of the equinoxes"), plutôt orchestrales ("Aeon of the ancient ones") ou progressives ("The return of the lost key"), ou de préférer headbanger sur des chansons directes ("Seizing the throne"), voire assez chaotiques ("Paleolithic"). Amateurs de Cacophony (le groupe défunt et virtuose de Marty Friedman et Jason Becker), avec moult tics néo-classiques et soli outranciers, vous vous rabattrez  sur l'instrumental final ("Number 9") et devriez y trouver votre compte !
Finalement, le seul vrai problème de ce disque est qu'il n'a pas bénéficié de la promo qu'il méritait, au point de passer inaperçu sur de nombreux écrans radars... Alors, tout cela étant heureusement rattrapable, qu'on se l'écoute et qu'on se le dise !


mardi 10 mars 2020

Black Sabbath : "Paranoid"

Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était alors disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'essayer d'être le plus objectif possible.
BLACK SABBATH : “Paranoid” (1970) Sanctuary
Ozzy Osbourne : voc - Tony Iommi : guit - Terry “Geezer” Butler : bass - Bill Ward : drums
42 : 07

War pigs : une intro lente, une sirène hurlante, un couplet qui planque sa lourdeur derrière un faux aspect “vieux rock n’roll groovy”, des paroles et des mélodies vocales ciselées, de nombreuses variations (solis, breaks, riffs variés et structurés...), un abonnement perpétuel à la liste des titres les plus repris... Que dire de plus sur un morceau dont l’évidence nous fait croire qu’il a toujours existé ?! 7 : 57
Paranoid : les guitaristes qui débutent peuvent imiter assez facilement les riffs de “Paranoid” ; ce morceau fait partie de la même confrérie que “Smoke on the water”, “Whole lotta
love” ou encore “Highway to hell” : simple mais intemporel, pertinent et surtout incroyablement heavy. 2 : 52
Planet Caravan : voici quand et comment Black Sabbath a ouvert la voie ou rendu hommage à tous les groupes qui, par la suite ou dans le passé, décideront ou ont décidé de mettre leur musique en orbite. Avec quelques ingrédients (des paroles cosmiques, une guitare discrète en son clair, des percussions, un peu d’électronique balbutiante sur la voix et l’accompagnement), “Planet Caravan” est une invitation au voyage. Mais qui se cache derrière le “We sailed through endless skies” introductif ou le “As we travel the universe” final, lorsque la caravane semble s’évanouir à l’horizon, nul ne le sait vraiment. Sur l’album “Far beyond
driven”, Pantera fera une reprise aussi fidèle qu'inattendue de “Planet Caravan”. 4 : 34
Iron man : on continue dans la rubrique “tube”. L’introduction avec sa guitare plongeante et la voix trafiquée d’Ozzy beuglant “Iron man” est déjà un bel appel du pied. Quant au riff qui déboule ensuite et sur lequel pivote la géniale mélodie du couplet, il se passe de commentaire.
5 : 56
Electric funeral : encore un classique du doom et du heavy en général. Comme sur “Iron man”, la guitare et la voix se suivent de près sur les couplets et sur un break central pendant lequel le tempo s’agite un peu avant de retomber. A noter : le groupe Iced Earth a effectué une reprise de ce titre. 4 : 52
Hand of doom : un morceau à tiroirs, moins évident à appréhender que ses prédécesseurs. Mais ne s’agit-il pas du premier titre de l’histoire contenant le mot “doom” ? A vérifier. 7 : 07
Rat salad : cet instrumental sert de prétexte à un bon solo de batterie. 2 : 30
Fearies wear boots : enfin, le génie créateur qui sévissait sur les cinq premiers morceaux est de retour. L’introduction de “Fearies wear boots” est géante et Tony Iommi nous fait suivre un
parcours complexe avant de parvenir à la ligne vocale du couplet. Les mélodies suscitent des coups de foudre musicaux, la structure est passionnante à suivre, et, cerise sur le gâteau, les paroles sont hilarantes. 6 : 14


dimanche 1 mars 2020

Toxic Holocaust : "Primal future : 2019"

C'est vraiment hallucinant de réaliser que Toxic Holocaust n'est pas un groupe mais le projet d'un seul homme (Joel Grind) qui compose, chante et joue de tous les instruments (il s'entoure de musiciens de session uniquement pour les concerts). Parce que, musicalement et conceptuellement parlant, c'est quand même franchement cohérent ! 
Après une pause de six années, Toxic Holocaust est donc de retour avec, toujours au programme, un thrash métal crossover et old school, sachant que celui-ci a un peu muté entre temps : à deux exceptions près ("Deafened by the roar" et "Controlled by fear"), exit les chansons ultra courtes d'avant, place à des formats plus étendus... 
Et forcément, place à davantage de plaisirs variés : ici, sur "Chemical warlords", un phrasé à la Cronos (Venom, période "Black metal"), là un refrain à la Sepultura (le mimétisme entre "Black out the code" et "To the wall" tiré du vieil album "Schizophrenia"), plus loin, du thrash juvénile à la Paul Baloff et Exodus ("New world beyond", "Time's edge").  De temps à autre, le côté speed débridé, hérité du punk, s'empare de la musique : sur "Deafened by the roar" et "Iron cage", on pense à Discharge, que Joel Grind cite d'ailleurs dans ses influences (ce qui n'empêche pas "Iron cage" de s'ancrer profondément dans le thrash en proposant une mosh part de grand malade). 
Mais, là où Toxic Holocaust va plus loin que d'habitude, c'est lorsqu'il ralentit le tempo et laisse se développer les riffs, cédant ainsi aux sirènes du heavy métal : "Primal future" et "Cybernetic war" (ce dernier aurait pu trouver sa place sur le "Blood of the nations" d'Accept). Quant au concept futuriste de l'album, outre les textes qui y font référence, il est habilement illustré par des synthés discrets et sporadiques : l'intro de "Primal future", quelques nappes en soutien de "New world beyond" et "Controlled by fear". 
Un bon album, dont seuls les vocaux produits à l'ancienne (avec beaucoup de reverb) pourront peut-être refroidir certains auditeurs (les non initiés aux années 90)... à moins qu'ils ne deviennent accros...