samedi 24 août 2019

Joe Strummer : "001"

Comme pas mal d'entre nous, je vais faire mon mea culpa : je n'ai pas vraiment suivi la carrière de Joe Strummer après la séparation des Clash... 
Au vu de la cargaison de titres que comporte ce "001", on peut se dire qu'elle a été vraiment conséquente. 
A l'écoute, on réalisera aussi à quel point elle a été variée : tour à tour rock typé Clash ("Love kills" qui sonne comme "Clampdown", "Burning lights" nostalgique tel un "Straight to hell", "Trash city"...), rockabilly ("Letsagetabitarockin"), pop anglaise ("Keys to your heart"), blues déjanté ("Crying on 23rd"), latino ("15th brigade"), reggae ("Ride your donkey", "Czecoslovak song"), country / folk  ("Tennessee rain", "2 bullets", "Silver & gold"), afro / créole ("X-ray style", "Afro-cuban be-bop"), electro ("Yalla yalla"), cyberpunk ("Over the border", "London is burning"), jazzy ("The cool impossible") et j'en passe... 
Nous sommes conviés à un grand rassemblement musical, une approche mondialiste déjà bien entrevue et entretenue du temps de The Clash, et marquée par l'émergence de nouveaux hymnes (le sublime "Generations", "Yalla yalla",  "Afro-cuban be-bop", "Love kills"...). 
La voix de Joe survole bien sûr tout cela : indéfinissable, approximative parfois, mais faisant mouche à tous les coups. A travers ce timbre, c'est un petit morceau de notre adolescence que nous retrouvons. 
Même les pires spécialistes ou collectionneurs ont dû frémir à l'écoute du disque entier d'inédits qui constitue une moitié du package (et qui démarre, en 1975, par un émouvant enregistrement spartiate (guitare acoustique / voix) de "Letsagetabitarockin") . 
Quant aux autres, ils ont rattrapé un regrettable retard...





vendredi 16 août 2019

Rotting Christ : "Their greatest spells"

Extrait du message de Sakis, fondateur du groupe, écrit au dos du livret très bien documenté accompagnant cet exceptionnel best of : "... le sale boulot consistant à choisir les morceaux qui ont le mieux caractérisé notre carrière a vraiment été un cauchemar." Et de rappeler qu'à l'époque de la conception de "Their greatest spells", Rotting Christ, légende du métal extrême grec,  totalisait 30 ans de carrière, et environ 150 chansons réparties sur 13 albums...
Voilà pour l'intention, celle-là même qui a conduit à "cette liste de 34 chansons essentielles" (personnellement, j'en compte 33...), soit deux CD remplis à ras bord (donc plus de 2 heures et demi de musique).
Bref, Sakis, parlant au nom du groupe, en a bien bavé, rapportant notamment que "l'horreur de mettre de côté des pièces qu'il a toujours considéré comme étant importantes pour l'histoire du groupe rapportées à celles qui ont finalement été choisies est difficile à décrire".
Il rappelle aussi que le groupe, au gré de toutes ces années, a traversé des "incarnations" et des "phases" différentes. En gros, on peut considérer que la période comprise entre les débuts et l'album "Triarchy of the lost lovers" correspond à la période black / dark métal, celle qui démarre avec "A dead poem" jusqu'à  "Genesis" à la période gothique métal, celle qui s'étend entre "Sanctus diavolos" et "Kata ton daimona eaytoy" à la période ethnique (incorporation d'éléments tirés des musiques folkloriques grecques et slaves dans le cadre métal du groupe) ; jusqu'à la période actuelle, inaugurée par l'album "Rituals" et que l'on pourrait qualifier de "mystique".
Tous ces éléments mis bout à bout alourdissent le cahier des charges...
Mais bon, effectivement, de "Passage to Arcturo" jusqu'à "Rituals", chaque album est bel et bien représenté, certes à proportions inégales (de une seule chanson pour "Khronos", le plus délaissé, jusqu'à quatre respectivement pour "Triarchy of the lost lovers" et "Kata ton daimona eaytoy", les mieux lotis). 
Autre point, qui a certainement été déterminant dans le choix des morceaux : malgré ces "phases", "incarnations", périodes ou albums différents, "Their greatest spells", lorsqu'on l'écoute en totalité, donne une incroyable impression d'unité. Là encore, il faut relativiser, et surtout faire abstraction des différences en terme de production, le son des deux chansons extraites de "Passage to Arcturo" étant, par exemple, assez rudimentaire, tranchant ainsi drastiquement avec les autres. 
Doté d'un titre inédit ("I will not serve", probablement issu des sessions de "Rituals" à en juger par l'atmosphère) et d'un autre que l'on pourrait qualifier de "rare" ("Astral embodiment", superbe bonus de l'album "Genesis"), on peut dire, après avoir examiné tout cela, que cette compilation atteint très bien son objectif : immerger l'auditeur dans le long chemin sinueux emprunté par le groupe au fil du temps, mais toujours au service d'un métal sombre et racé.
Aussi, on comprend que Sakis n'aime pas trop le mot "best", puisque malgré la qualité du travail de réflexion autour de ce "Their greatest spells", il y aura toujours des regrets et des frustrations. Sans doute dans le souci de ne pas rompre cette fameuse unité mentionnée plus haut, certains titres, pourtant salués par la critique, n'ont pas été retenus. Il s'agit curieusement des plus "catchy", ou encore mélodiques : le grandiose "Der perfekte traum" (le "tube" de Rotting Christ) sur "Sleep of the angels", le très beau "Lucifer over London" sur "Khronos", la superbe litanie atmosphérique et quasi symphonique "Sanctus diavolos" sur l'album du même nom. 
On saisit le dénominateur commun qui a présidé à la construction de ce résumé de carrière chroniqué ici, mais c'est quand même dommage d'avoir écarté ces pièces, surtout pour les non initiés.

jeudi 8 août 2019

Nashville Pussy : "Ten years of pussy"

Une fois leurs trois premiers efforts studio achevés ("Let them eat pussy", "High as hell" et "Say something nasty"), les Nashville Pussy, chantres du rock n' roll  transgénique à haut voltage, ont fêté ça en publiant un best of (le "Dirty best of"), assorti d'un dvd bonus live.
Trois albums plus tard, toujours maîtres d'un savant cocktail mélangeant hard rock / boogie / rock sudiste / punk, et soucieux des traditions, ils remettent les petits plats dans les grands. 
"Ten years of pussy" commence donc par regrouper le meilleur de "Get some", "From hell to Texas" et "Up the dosage", le tout accompagné par un livret bien rempli proposant pour l'occasion les croustillantes anecdotes de Blaine Cartwright, le chanteur / guitariste. On y apprend, par exemple, que Lemmy a enregistré par téléphone, au fin fond d'un pub noir de monde, sa partie vocale pour le titre "Lazy Jesus" ! 
Pour ceux qui connaîtraient déjà tous ces titres par cœur, un EP inédit 6 titres ("Live in Nottingham - 2009") devrait achever de les convaincre. Généreux et très énergique, ces six chansons constituent la fin du show donné au Rock City, un club que l'on imagine enfumé et torride. Autant dire que l'on est en présence d'une mayonnaise sonore largement montée ! Sur "Nutbush city limits", joué paraît-il sans répétition préalable, avec Ron Heathman des Supersuckers à la guitare, on assiste même à la présentation des musiciens.
Et puis, bien vu : aucun des titres de l'EP ne fait doublon avec ceux du best of...
Un excellent produit, que chacun pourra utiliser à sa guise, entre ceux qui découvriront le groupe par son entremise, jusqu'aux connaisseurs qui souhaitent profiter d'une compile déjà faite, tout en n'omettant aucune sortie de la part de leur groupe fétiche.


mardi 6 août 2019

Darkthrone : "Old star"

Darkthrone poursuit sa croisière sur les eaux habitées du métal...  "Croisière" plutôt que "croisade" car s'il est toujours fort agréable de retrouver le groupe, il faut bien se rendre à l'évidence : ces gars-là fonctionnent par cycles et le contenu, du coup, est un peu prévisible. Défini depuis "Arctic thunder", ce nouveau volet de la carrière de Darkthrone replace Nocturno Culto comme unique vocaliste, partage la composition entre celui-ci et Fenriz, renoue avec un certain black metal et adopte le doom en guise d'orientation possible de la musique. Côté livret, c'est toujours la disette : les recommandations de Fenriz sont bel et bien passées à la trappe (hélas !) et les superbes photos de ses treks dans la nature norvégienne aussi, ce qui amoindrit la complicité qui s'était installée entre le groupe et son public ; cette impression presque unique de retrouver de vieux potes qui nous faisaient partager bien plus que de la musique. Mais bon, nous sommes aussi capables de comprendre que le groupe ne souhaite pas s'installer dans une trop grande routine, et c'est finalement tout à son honneur.
Commençons par les morceaux de Nocturno. "I muffle your inner choir" et "Duke of gloat" sont autant de ponts vers le black, et pourtant "A blaze in the northern sky" et "Transilvanian hunger" sont bien loin maintenant. Si les premières parties de ces chansons sont rapides et linéaires, ils penchent assez vite vers des riffs lourds et inquiétants à la Burzum, d'ailleurs fort réussis. Sensations black metal certes, mais en dilettante par rapport au mythique passé du groupe. Quant à "Old star", c'est un titre assez lent, bâti sur un rythme de marche, un peu comme un bataillon de fantassins se déplaçant vers le front : très efficace, voire impressionnant (on sent, à certains moments, l'influence de Bathory, période viking metal).
"Le riff est à la guitare ce que le mot d'auteur est à la littérature" : voilà une citation qui convient bien à Fenriz, l'homme qui traque le riff ultime sans répit. Une chasse souvent fructueuse car, disons-le sans détour, son "The hardship of the Scots" est une superbe pièce de métal. Héroïque, parfois habitée par le fantôme de Maiden (période "Piece of mind") ou plongeant dans les abîmes du doom, mais surtout émergeant dans la lumière au bout de 4 minutes 13 secondes, portée par un riff sublime dont Fenriz peut vraiment être très fier. Bravo ! Changement de braquet avec "Alp man", sur lequel le bougre nous convie à une messe noire estampillée "true doom". Lente, guidée par les préceptes monolithiques de Black Sabbath ou encore Reverend Bizarre, cette chanson se mérite, le riff le plus évident (mais aussi le plus sournois) se trouvant judicieusement placé dans la deuxième moitié. Petit frère de "The hardship of the Scots", le final "The key is inside the wall" présente un héroïsme beaucoup plus sombre, très influencé par Candlemass (même faculté à décliner le heavy entre parties lentes et accélérations). Là encore, après un break (un vrai !), la chanson propose un superbe chorus, menaçant et mélancolique à la fois, qui détermine autant la fin du morceau que de l'album.
"Old star", ou comment revenir aux fondamentaux du métal, en un seul disque... Très fort !

jeudi 1 août 2019

Vulture : "Ghastly waves & battered graves"

Dans la lignée de Skull Pit, sauf que l'on a vu venir Vulture d'un peu plus loin : déjà un premier album et un EP à son actif, avant l'arrivée dans les bacs de ce "Ghastly waves...". Mais bon, c'est une bien belle chronique qui s'annonce, au cours de laquelle on croisera des noms prestigieux : Exodus, Exciter, Iron Maiden, Mercyful Fate, Metallica, Judas Priest...
Car ce jeune groupe allemand pratique un speed / thrash particulièrement virtuose, et cette dernière exigence a conduit à l'inclusion d'éléments particuliers, piochés à droite à gauche, sur une base finalement assez classique.
On commencera par cette production à l'ancienne, avec notamment la voix réverbérée à outrance, un peu à la manière de Paul Baloff (Exodus), à qui le chanteur de Vulture emprunte d'ailleurs pas mal de gimmicks (cette façon de moduler en faisant monter la note), mais en allant encore plus loin puisqu'il est capable, lui, de percer dans les aigus comme le ferait King Diamond (Mercyful Fate & carrière solo). 
Pour la pochette, avec la main gantée tenant un couteau, on saluera au passage les vétérans d'Exciter (albums "Heavy metal maniac" et "Violence & force"). Merci à eux !
Place maintenant au contenu musical... Que l'auditeur n'espère surtout pas en faire le tour dès la première écoute : ce ne sera pas possible. Ici, les riffs s'enchevêtrent, et l'on pense bien sûr à Mercyful Fate (au moins dans la manière de faire). Mais c'est sans compter avec le train d'enfer mené, le plus souvent, par le tempo... C'est absolument vertigineux à certains moments, l'effet étant appuyé par d'incroyables chorus de guitares jumelles (méthode brevetée par Iron Maiden, Mercyful Fate, Judas Priest, Thin Lizzy...), pour lesquels on soulignera le niveau technique et l'inventivité.
Cet album unique et hors du temps s'appréhendera donc plutôt comme un tout, un truc que l'on écoute d'une seule traite... Ce qui n'empêchera pas de souligner quelques passages clés : le refrain brillant du morceau-titre, l'introduction pizzicato inquiétante et les chorus ébouriffants de "The garotte", la séquence twin guitars finale de "Tyrantula", ainsi que l'intro Maiden (période Di'Anno) de "Murderous militia", le morceau basculant ensuite dans une speederie intense à la "Fight fire with fire" (Metallica). Mention spéciale à la reprise de "Killer on the loose" (Thin Lizzy), presque méconnaissable tant le riffing et le tempo sont atomiques.
Sacré disque, pour lequel on déplorera uniquement la production particulière, qui masque ou amoindrit de nombreux détails, notamment au niveau du chant (équilibre difficile à trouver entre précision nécessitée par la complexité de la musique et référence à une époque précise de l'histoire du métal).
Les jeunes qui accrocheront à cet album n'ont plus qu'a aller faire leurs courses parmi toutes les références citées ci-dessus ; quant aux plus anciens, déjà formés et aguerris à tout cela, nul doute qu'ils passeront de délicieux moments emprunts de nostalgie à l'écoute de ce "Ghastly waves & battered graves" providentiel.