lundi 23 juillet 2018

'77 (Seventy Seven) : "Bright gloom"

Il se pourrait bien que la jeune nonne qui orne la pochette de ce disque participe quelque peu à la rédemption de nos rockeurs espagnols de Seventy Seven. Ses cheveux s'échappent symboliquement de sa coiffe, de la même manière que, sans doute frappée par la révélation inattendue du rock n' roll, elle semble échapper à un destin inéluctable et impitoyablement balisé. 
Seventy Seven, dont le pêché a été de s'approcher un peu trop près de l'orbite d'AC/DC pendant ses trois premiers albums, a choisi la dualité (et la prise de risques) plutôt que l’enfermement dans une formule musicale monolithique autant que restrictive. 
Cette dualité a donc pour titre "Bright gloom", avec une face "gloom" (les ténèbres) et une face "bright" (lumineuse) ; concept amusant qui rappelle par exemple l'album "Black metal" de Venom, que ses géniteurs avaient doté d'une face "black" et d'une face "metal". On ne remerciera d'ailleurs jamais assez Seventy Seven de faire, via cette histoire de faces, la promotion du vinyle ainsi que du son analogique...
Nous avions découvert les velléités d'émancipation de '77 sur l'album précédent, "Nothing's gonna stop us", via quelques regards appuyés vers Thin Lizzy, Rose Tattoo ou même Kiss. Avec "Bright gloom", d'autres métamorphoses, bien plus inattendues, sont au programme. 
La face "gloom" est bel et bien assez sombre, ouverte par un "Bread & circus" d'obédience hard rock, au riff plaintif et traînant. Sans trahir son ADN, le groupe ne nous avait jamais convié à quelque chose d'aussi poisseux. Il faut dire que le reste de cette face (soit quatre chansons) est une invitation à visiter l'univers de Black Sabbath et de ses suppôts ! Quelques ingrédients clés : les changements de tempo ("Hands up" et "Who's fighting who"), la voix incantatoire ("Be crucified"). Le break de "Hand up" est même tellement caractéristique que l'on pense carrément au riffing de Witchfinder General... Que dire ? Chacun se fera sa propre opinion, si ce n'est que l'on se doit de reconnaître un talent d'écriture certain, de même qu'une manière "bluesy" de faire sonner ces riffs (si Black Sabbath avait interprété les premières mesures de "Who's fighting who", nul doute que le résultat aurait été cent fois plus heavy). Dernier détail : cette face "gloom" s'achève avec "Where have they gone ?" qui lorgne légèrement (très légèrement) du côté de "War pigs", mais a le mérite de jeter un pont entre ce nouvel univers stoner / doom et le hard rock binaire d'où '77 est issu.
Place maintenant à la face lumineuse du disque. Sur le très réussi et contrasté "Last chance", nos rockeurs espagnols nous enchantent avec leurs racines blues judicieusement mises en avant. "It's near", "You better watch out" et "I want my money back" déploient tous les trois un bon groove et des refrains bien taillés : il y a des pincées de "Gone shootin'" et de "Dirty deeds..." en eux. Plus curieux, le bref "Make up your mind" semble avoir le rockabilly dans la peau, tandis que "Fooled by love" propose de mettre la basse et quelques chœurs en avant pour un résultat certes rock n' roll, mais étonnamment dansant et divertissant (petit clin d’œil peut-être aux escapades funky de Led Zeppelin). Finalement, la vraie faute de goût de ce disque (mis à part le fait de déclencher notre interrogation légitime sur le futur musical du groupe) restera la voix stupidement filtrée de "You better watch out", artifice psychédélique inutile et gâchant une partie du potentiel de la chanson.

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