Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'être le plus objectif possible.
ABDULLAH : s / t (2000) (Météor City)
Jeff Shirilla : drums, voc - Alan Seibert : guitars - 2 bassistes de session se partagent les titres
1 : 07 : 48
) The
path of enlightenment, comme son titre le suggère, tourne le disque
vers la lumière, via la voix claire, brillante, de Jeff Shirilla, que des
effets de « twin voices » viennent souvent sublimer (magie du studio
ou chœurs organiques ?). Dès les premières secondes, le voyage commence.
L’ouverture est majestueuse, lente à souhait ; les couplets et le refrain
font montre d’une grande évidence. Mais très vite le propos se
radicalise : variations, arpèges en son clair, accords de puissance, soli…
Les méandres sont nombreux et il faut carrément s’accrocher pour ne pas perdre
le fil. Un cap musical dont le franchissement se mérite. 7 : 30
) Conundrum :
adorable « petite » chanson (2 : 34 au compteur) qui, entre
autres faits d’armes, a le privilège de figurer sur la compilation « Where
the bad boys rock » éditée par « I used to fuck people like you in
prison – records » en 2001. Une réalisation de grande qualité qui
permettait de savourer, d’une simple pression sur le bouton « play »,
25 groupes différents oeuvrant dans la sphère grouillante du stoner rock.
Inutile de préciser qu’Abdullah y représentait alors le versant le plus
esthétique, au milieu de graisseux incorrigibles tels que Red Aim ou encore
Nebula. « Conundrum », à la fois immédiat et ciselé, se paye le luxe
de faire tenir dans un mouchoir de poche la structure d’une chanson qui pourrait
durer le double de son timing. Essence ou noyau dur d’Abdullah,
« Conundrum » est un passeport heavy idéal.
) Earth’s
answer : avec ses quatre accords de puissance syncopés, sur
l’intro et les couplets, ce morceau aurait pu être surnommé « AC/DC’s
answer » ! Un univers musical pas prise de tête pour un sou, très
aéré même (on pense à ce passage rythmique en son clair qui soutient un solo
harmonisé du feu de dieu). À la fin, comme si ça ne suffisait pas, le tempo
prend un sérieux coup dans l’aile et c’est parti pour quelques mesures de true
doom dantesque (superbe triolet sabbathien en hammer, exécuté par une guitare
véritablement en feu : la réponse d’abdullah à ce groupe pionnier
originellement appelé « Earth » ?). 5 : 50
) Visions of the daughters of
time : ce classique (si, si !) s’appuie sur un pilier souvent
utilisé dans le monde du heavy
et plus particulièrement du doom : la montée en puissance. Ici, le coup de
headbanging se fera à chaque liaison entre les couplets en son clair (voire
carrément « guitarless ») et le refrain saturé. Les lignes vocales,
inoubliables, sont parées d’une résonance spectrale qui leur confère un aspect
religieux. Et pour l’anecdote, on mentionnera ce petit pont rythmique à la
guitare sèche (très sèche même : on dirait presque un dobro ou un banjo),
propice lui aussi à un bon coup de tête lorsque le groupe, électrifié et au
complet, reprend soudain sa place imposante dans le mix. 6 : 59
) Now
is the winter : schématiquement assez proche du morceau précèdent,
parce que les parcelles en distorsion sont délimitées par un petit thème
rachitique interprété par une guitare psyché gavée de tremolo et de wah wah. Le
chant, constant dans son lyrisme, s’efface dans le dernier tiers. Le doomster
intégriste sera heureux d’entendre le tempo se réduire. Un solo, quelques
mesures et tout s’arrête brutalement. Mais bon, l’essentiel est dit. 3 :
46
) Lucifer
in starlight est une ballade lente à souhait, menée par une
guitare au son clair particulièrement compressé (un effet de chorus intervient
probablement aussi). Les parties instrumentales exécutées par cet instrument
sont très expressives et servent le plus souvent de guide vocal. En somme, Jeff
Shirilla le chanteur suit de très près Alan Seibert le guitariste.
Belle osmose et
surtout belle ballade, triste et technique à la fois. 4 : 44
) The
black ones : la
Finlande est un pays normal puisque des formations telles que
Reverend Bizarre parviennent à faire passer en radio des singles longs et pas
évidents (« Teutonic witch » par exemple). Lorsque la France mettra fin à sa
politique de radiodiffusion ségrégationniste, peut-être pourra-t-on songer à
balancer la pépite « The black ones » sur les ondes. Du vrai rock au
tempo serein et au refrain proprement libératoire, que nous devrions tous
porter en pendentif tant il est ouvragé. « The black ones », single
potentiel d’un groupe qui, à ma connaissance, n’en a jamais sorti.
) Awakening
the colossus : lorsque les death metalleux Américains de Nile ont
sorti « In their darkened shrines », j’ai halluciné en découvrant que
le morceau « Unas slayer of the gods » reposait en grande partie sur
un riff de transition emprunté à Candlemass (« Dark are the veils of
death », environ vers le milieu de la chanson). Avec « Awakening the
colossus », le death metal rend à son voisin le doom intérêts et capital.
Cette fois-ci, l’emprunteur se nomme Abdullah et le créancier Carcass. Le
célèbre « Corporal jigsore quandary » fournit un peu de combustible à
cette pièce de 9 : 46, construite dans la durée et pour durer.
) Proverbs
of hell : une lente réflexion sur la religion et l’humanité, à
méditer musicalement sans que la moindre aspérité vienne perturber l’écoute de
l’auditeur, méritant ainsi la palme du titre le plus monolithique de cette
liste. On avance comme sur un tapis roulant, la seule station étant un
interlude en arpèges clairs sur lesquels repose, comme si on l’avait toujours
connu, un chorus mélodique d’une rare finesse. Citons enfin les quatre phrases
du refrain, entre lesquelles la guitare quitte ses lourds accords pour tisser
systématiquement un filet de quelques notes savoureuses.
) Journey
to the orange island : pour rallier cette “île orange”, il faudra
traverser un océan de riffs seventies, composé principalement de chorus qui
montent et qui descendent (peu d’accords en somme). Pas de panique car ce
voyage s’effectue à un rythme paisible. A la moitié du parcours (musical), la
terre promise psychédélique doit être atteinte car le chant n’a plus lieu
d’être, remplacé par une jam session tranquille où des soli variablement
saturés s’entortillent comme du lierre.
) Lotus
eaters : c’est le « Redemption song » du doom ! Une
guitare acoustique et la voix mélancolique de Jeff Shirilla, sur un texte
résigné décrivant la fin d’une ère (vie ? monde ? amour ?).
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