jeudi 26 octobre 2017

Venom Inc : "Avé"


Vous le savez bien : comme au Scrabble, certains groupes comptent double. C'est ainsi que, pendant un temps, il y a eu deux Queensrÿche (sortant d'ailleurs chacun un album, pratiquement à la même date). Et quelle époque merveilleuse, car vous profitez aussi de deux Great White ("Great White" et "Jack Russell's Great White") et de deux Rhapsody ("Rhapsody of fire" et "Luca Turilli's Rhapsody"). Des exemples comme ceux-là, on pourrait sans doute en trouver quelques autres, alors pourquoi pas deux Venom ?
Venom : l'un des groupes pionniers du métal extrême, géniteur du black métal et de l'imagerie satanique. Des précurseurs qui s'entendaient fort bien pour inventer les codes de l'une des premières musiques de l'enfer, mais ne s'entendaient pas du tout dans la vie de tous les jours. Une carrière entière faite de séparations, reformations, réincarnations, départs houleux, remplacements... Rien d'étonnant donc qu'en 2017 cohabitent Venom (avec Cronos, bassiste-chanteur et membre fondateur) et Venom Inc (avec Mantas et Abaddon, respectivement guitariste, batteur et eux aussi membres fondateurs). Les deux formations ont donc bien leur légitimité, d'autant plus que le troisième participant à l'aventure Venom Inc n'est autre que Tony Dolan (aka "The Demolition Man"), qui avait remplacé Cronos de 1989 à 1993, le temps de trois albums. 
Voilà pour ce que l'histoire retiendra. L'auditeur, lui, se souviendra surtout qu'il est doublement gagnant. Venom, donc, poursuit sa carrière avec Cronos aux commandes et publie régulièrement de nouveaux opus sans fioriture et assez primitifs, en totale adéquation avec le style originel (sauf les standards de production qui sont bien ceux d'aujourd'hui). Aucune surprise à l'horizon, mais les récents "From the very dephts" et "Fallen angels" sont tout à fait de nature à combler un bon vieux "légionnaire de Venom". Ce qui est amusant avec Venom Inc c'est que les bases sont également bien respectées, mais les compositions et l'interprétation poussent le bouchon plus loin.
D'abord, après une séquence corrompue et très ingénieuse tirée de l'Ave Maria, c'est un nuage de plomb qui nous tombe dessus lorsque la rythmique et la guitare font leur apparition. La production est tout simplement excellente, et le sombre titre d'ouverture ("Ave Satanas") prend toute son ampleur, suivi par le mitraillage en règle de "Forged in hell" (riff très classique, mais quelle efficacité). A ce stade, tous ceux qui critiquaient la faiblesse du jeu de Mantas peuvent aller se rhabiller : le savoir-faire et le niveau d’exécution sont irréprochables, avec chorus et soli à la clé. 
On poursuit le track-listing avec "Metal we bleed", un thrash efficace et bien percussif, qui n'a pas à rougir face à la concurrence actuelle et ne dépareillerait pas sur un album de Sodom. 
S'ensuit l'écoute de "Dein fleish" et c'est là que l'on reconnaîtra à Venom Inc un côté évolutif que ne possède pas l'alter ego Venom. Avec son titre en allemand et son tempo martial, il est clair que quelqu'un dans Venom Inc a écouté Rammstein... Alors, c'est sûr que cette chanson dépareille un peu, mais en même temps on se souviendra qu'à l'époque de l'album "The waste lands", Abaddon n'avait de cesse de caser des bribes de métal industriel dont il a toujours été friand. Et puis, ce très mid-tempo et accrocheur "Dein fleish" a aussi le mérite d'ouvrir la porte à "Blood stained", titre rampant et macabre (pour qui sonne ce glas ?) au refrain vraiment excellent, servi sur de glaciales arpèges.
Le speed "Time to die" évoque Slayer période "Show no mercy" (on pense à "Black magic"), tandis que "The evil dead" s'embourbe dans les marécages du thrash par manque d'originalité. Peu importe, puisque "Preacher man" relève le niveau de plusieurs crans d'un coup. Groovy, accrocheur, parfois fort inquiétant, ce titre s'impose comme l'une des grandes réussites de ce disque. Doté d'harmonies étranges et d'un tempo indentique, "I kneel to no god" lui ressemble d'ailleurs beaucoup, mais en un peu moins inspiré. 
Enfin, Venom Inc ne s'inscrirait pas dans la lignée du Venom originel sans des titres tels que "War" ou "Black n' roll". Le premier est tellement rapide et barbare que son refrain n'est que grognements. Quant à "Black n' roll", c'est un petit bolide marchant sur les traces d'un "Bomber" ou d'un "Ace of spades" (c'est peut-être aussi la basse speedée du début qui nous y fait penser). Néanmoins, pleurant toujours la lourde perte de Motörhead, c'est chaleureusement que nous saluerons Venom Inc pour une telle conclusion.
Vingt-quatre ans après avoir jeté l'éponge faute de reconnaissance, ce line-up un peu maudit réussit un coup de maître.



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