lundi 31 décembre 2018

Rose Tattoo : "Scarred for life"

Finalement, la pochette est quasiment identique à celle de l'album précédent ("Assault & battery"). Sauf qu'elle est en couleurs, et pas seulement les tatouages des boys cette fois...
Cet aspect "polychrome" de l'illustration est amusant à souligner car il reflète assez bien la substance musicale de "Scarred for life". Succédant donc à un "Assault & battery" particulièrement incisif, cru et assez linéaire, ce troisième album, sans aucun reniement de style, offre des compositions plus contrastées. 
D'ailleurs, le son lui-même a gagné en amplitude, perdant au passage la production sèche mais finalement très attachante de ce bon vieil "Assault"... Mais on se doute bien que l'épreuve du live unira l'ensemble du répertoire sous la même bannière : celle d'un hard rock australien abrasif et sentant la sueur.
Pour cela, "Scarred for life" pourra fournir une belle collection d'hymnes. En guise d'ouverture, le morceau-titre, insidieux mais très ouvert à la mélodie (même sur les couplets), et le fédérateur "We can't be beaten" (qui n'y est pas allé de sa plus belle voix de hooligan sur le refrain ?) sont là pour rappeler que les thèmes chers à Rose Tattoo sont toujours de mise : difficultés à s'insérer, marginalité, délinquance, gangs... Un peu plus loin, "Branded" ( pamphlet sur l'absence d'ascenseur social), "It's gonna work itself out" et sa slide guitar à la fête, ainsi que l'énergique "Dead set" (qui aurait tout à fait eu sa place sur "Assault") se chargeront d'alimenter plusieurs décennies de set lists endiablées. "Revenge", quant à lui, se pose en digne successeur de "The butcher and fast Eddie", à savoir un blues lent et lourd de menaces, et qui d'ailleurs explose littéralement à la fin (ce cri d'Angry Anderson...).
Au milieu de tout ça, le groupe propose quelques petites variations, en tête desquelles on placera "Sydney girls", titre semblant gorgé de soleil et qui voit les guitares se surprendre à singer une rythmique reggae. Plus traditionnel, "Who's got the cash" déploie quand même un sacré groove et peut-être un certain sens de l'humour, tandis que "Texas", avec son faux départ et son riff scandé presque caricatural, arrive à ses fins par des biais inhabituels mais très efficaces. 
"Scarred for life" : album de la maturité ? Oui, ça en a tout l'air...

vendredi 28 décembre 2018

Deicide : "Deicide"

Entre l'ouverture et la fermeture d'une porte monumentale (celle des Enfers sans aucun doute), à peine plus de 33 minutes de musique sont jetées en pâture à l'auditeur pour découvrir le death metal concis, chaotique et intense de Deicide.
Ce premier album enregistré en mars 1990 aux studios Morrisound Recordings, avec le producteur Scott Burns, porte en ses sillons la marque indélébile du son hyper compressé de l'époque : guitares étouffantes des frères Hoffman, basse peu audible de Glen Benton, batterie triggée à mort de Steve Asheim, qui clique en permanence. Steve étant le principal compositeur du groupe, son instrument est assez proéminent dans le mix, d'autant que Deicide se pose en défricheur d'un courant radical : le death brutal.
La plupart des titres de l'album ont pour thème le satanisme et le blasphème, mis à part "Lunatic of god's creation" et "Carnage in the temple of the damned", qui parlent respectivement des gourous maudits Charles Manson et Jim Jones. Ce qui nous conduit à évoquer le bassiste / chanteur du groupe, Glen Benton, personnage haut en couleurs, sataniste radical autoproclamé, dont le chant, bien aidé à l'époque par quelques effets, donne déjà l'impression que "c'est le diable lui-même qui est derrière le micro" !
L'ambiance est là, le décor maléfique est planté, mais c'est surtout la musique, poussé dans ses retranchements, qui va faire de ce disque une référence.
Jugez plutôt : des titres courts (2 à 4 minutes), des riffs qui tournent sans cesse et s'enchevêtrent, des blast beats parfois ininterrompus (ou presque) sur toute la longueur d'une composition ("Blasphererion", "Day of darkness"), des breaks vertigineux (en tête de tous, celui qui mène au refrain mythique et barbare de "Dead by dawn"). Dans ce magma, quelques petites variations : "Oblivious to evil", plus lent et rampant que ses confrères, et "Deicide", démarrant sur un riff macabre à la Slayer et possédant une structure plus élaborée (presque "progressive").
Des classiques comme s'il en pleuvait : les intouchables "Lunatic of god's creation" et "Dead by dawn" (piliers du death metal dans son ensemble), le très méchant "Blasphererion" (qui contient tout l'ADN de Deicide lancé à fond la caisse), "Sacrificial suicide" (virulent, fondateur, un peu plus lourd et contrasté que "Blasphererion" mais toujours présent dans les set lists), "Oblivious to evil", "Deicide"...
Le format court de cet album, son degré d'inventivité, sa virulence inédite à l'époque et jamais démentie en font ni plus ni moins le "Reign in blood" du death metal.


samedi 17 novembre 2018

samedi 3 novembre 2018

Lucifer : "Lucifer 2"

Un deuxième album pour Lucifer ? C'est Johanna Sadonis qui a dû pousser un gros soupir de soulagement en voyant pour de vrai cet opus dans les bacs. Après le départ de Linnéa Olsson qui avait causé la fin prématurée de The Oath, le souhait soudain du guitariste Garry Jennings de quitter Lucifer, dans la foulée d'un premier album pourtant fort réussi, a dû donner de bien vilaines sueurs froides à la chanteuse. Il faut rappeler que Jennings avait sérieusement mis la main à la pâte lors du processus de composition de "Lucifer 1" : autant dire qu'il partait en emportant une bonne partie des meubles et des clés... 
Pas de souci : Nicke Andersson, embauché comme batteur, possède plus d'un tour dans son sac. Cet ex-Entombed et The Hellacopters est également guitariste et producteur ; alors, équipé de toutes ces casquettes (c'est le cas de le dire), il redéfinit le cadre musical de Lucifer. Exit le doom occulte de "Lucifer 1"  (on n'en retrouvera  quelques traces sur "Faux pharaoh" ou encore "Eyes in the sky") ; place à un hard rock psychédélique et fortement vintage. A certains moments, on frôle le stoner ("California son", les riffs introductifs de "Phoenix", "Reaper on your heels", "Before the sun", "Aton") mais c'est globalement une impression "soul" qui prédomine, notamment au niveau des refrains de la plupart des chansons. Sur "Dancing with Mr. D" (reprise des Rolling Stones) et "Before the sun" c'est carrément évident : Lucifer se rapproche de groupes tels que Purson ou Blues Pills. "Dreamer", élégante et légèrement malsaine à la fois, constituerait bien une sorte de pont idéal entre l'univers de "Lucifer 1" et celui des combos mentionnés ci-dessus...
Pas grand chose à dire ni sur le fond ni sur la forme : "Lucifer 2" est un disque réussi et la voix de Johanna caresse à merveille ces influences supplémentaires. Il n'y a pas vraiment de cassure nette ou illogique entre les deux albums, juste un enclenchement d'aiguillage possible mais un peu inattendu, qui pourra peut-être désarçonner certains fans, tout en poussant les autres à saluer la démarche du groupe, car elle est de qualité.



vendredi 2 novembre 2018

Conan : "Existential void guardian"

Le dernier album en date, "Revengeance", était âpre, tortueux ; un ovni musical massif et qui se méritait... 
Alors, ce qui étonne avec ce "Existential void guardian" tout neuf, c'est que l'on y pénètre et que l'on y trace sa route sans trop de réflexion ni de difficulté. Difficile d'affirmer que Conan a vraiment simplifié ses riffs : chez ces chantres du doom guerrier, ils n'ont jamais été d'une très grande complexité, notamment du fait de l'accordage exceptionnellement bas de la guitare (peut-être même aussi de la basse) ainsi que de l'épaisse couche de fuzz qui les recouvre. Ce nouvel opus ne sera pas non plus l'album des pires excès de lenteur : "Revengeance" est déjà passé par là, avec ces véritables marécages musicaux qu'étaient certains passages de "Thunderhoof", "Wrath gauntlet" ou encore "Every man is an enemy". Non, finalement ce qui constitue l'attrait de "Existential void guardian", c'est une certaine concision dans le propos, un "je-ne-sais-quoi" rendant l'ascension plus directe du monolithe appelé Conan. Bon, l'easy listening est encore très loin, les néophytes continueront à gémir et les programmateurs à ignorer le phénomène, mais il est clair que le groupe a décidé d'aérer un peu. 
Mention spéciale pour le track listing, particulièrement bien étudié et permettant de varier les plaisirs d'un morceau à l'autre... Il faut dire que la pente est vertigineuse, de la lourdeur traditionnelle de "Prosper in the path" jusqu'aux quarante-cinq secondes furieusement grind de "Paincantation" (le "You suffer" de Conan). Entre temps, "Volt thrower" réussit son placement de titre court, enlevé et facile à lire (radiophonique à sa manière), tandis que sur certains passages de "Eye to eye to eye" le groupe convoque l'énergie du hardcore. On notera aussi quelques moments calmes sur "Eternal silent legend" : démarrage plutôt discret pour mieux t'aplatir mon enfant... Quant à "Vexxagon", c'est vrai - en y réfléchissant bien - qu'il est bâti sur des riffs plutôt simplistes (l'un d'entre eux, vers la fin, est même une relecture lente de celui de "Volt thrower"), mais il faut bien tout écouter : les patterns de batterie, les lignes de chant sont là pour maintenir l'attention des plus endurcis.
Petite mise en perspective finale : 4 titres live captés en 2018 à Manchester feront le lien sans à-coups entre hier et maintenant.

mardi 30 octobre 2018

Nitrogods

On ne le dira jamais assez : le rock est entré dans une phase "classique". Les grands groupes, encore présents ou déjà disparus, ont défini des styles, des standards, des classiques, des sons, des savoirs-faire que les plus jeunes ont envie de reprendre à leur compte, célébrer, revisiter, développer...
Le power trio allemand Nitrogods (composé de 2 ex-membres de Primal Fear et du bassiste-chanteur Oimel) aime le rock authentique, ont aligné un certain nombre de cibles et, devinez quoi, ont notamment fait un carton dans celle de Motörhead ! 
"Black car driving man" démarre et c'est en quelques secondes un ticket d'entrée vers la vitesse et la concision d'un "Bomber" ou d'un "Iron fist" (même constat pour "Demolition Inc.", et surtout pour "Wasted in Berlin" qui accueille dans sa frénésie le regretté Fast Eddie Clarke). La voix bourbon et cigarettes d'Oimel, de même que le son saturé de sa basse, complètent le tableau, et il faut bien reconnaître que les Nitrogods ont un sacré savoir faire, allant même jusqu'à varier le tempo, comme le faisait le grand Motörhead. C'est ainsi que "The devil dealt the deck" rampe insidieusement à la manière d'un "Sweet revenge", tandis que "Licence to play loud" utilise le groove et le balancement traditionnel du rock n' roll, tel que Lemmy et sa bande le pratiquaient sur des titres comme "Going to Brazil".
Motörhead est bel et bien au centre des préoccupations de ces énergiques allemands, mais pas seulement... Chez les Nitrogods, tous les moyens sont bons pour atteindre l'orgasme rock.
"At least I'm drunk" et "Zombietrain" dévoilent ainsi une facette beaucoup plus rockabilly, et l'on saluera au passage le jeu de guitare efficace et diversifié d'Henny Wolter. Harmonica et ambiance country blues crade sont au programme de "Whiskey wonderland", dans l'esprit de ce que peut proposer un groupe comme Nashville Pussy. "Lipsynch stars" et "Rifle down", bien chargés en guitares slide, s'en vont, quant à eux, chasser sur les terres australiennes de Rose Tattoo.
Avec ce premier album, Nitrogods, dont la promotion en France est quasiment au niveau zéro, signe un disque festif et uniquement composé de bons ingrédients pour bons amateurs de rock n' roll. Qu'on se le dise !


lundi 29 octobre 2018

Black Aces : "Anywhere but here"

Pas facile de creuser son trou dans le monde sans pitié des combos se réclamant de l'héritage d'AC/DC... Les australiens de Black Aces en ont fait l'expérience à l'occasion de cette troisième sortie : "Anywhere but here" est juste paru dans une indifférence quasi générale (cela a du moins été le cas en France). Aussi peu de promotion, c'en est quasiment troublant...
Toujours est-il que l'album se trouve bel et bien entre nos mains (merci l'import et la vente en ligne !) et que les écoutes sont allées bon train.
Premier constat : les Black Aces aiment toujours le rock n' roll et savent le jouer (réflexions basiques mais fondées sur le fait que l'absence de logo sur la pochette aurait pu faire penser à un virage musical drastique : il n'en est rien). En même temps, ce nouvel album se charge de nous informer que le groupe n'est pas (ou plus) un pur clone d'AC/DC. La production est trop propre et éclatante (moderne, en somme), le chanteur perce toujours aussi bien dans les aigus (rien à voir décidément ni avec Bon ni avec Brian), et la plupart des riffs ne sont pas des pompages mais plus des mises en situation, "dans l'esprit de" telle ou telle chanson de la bande à Angus. "Show me how to rock n' roll" en appelle à des titres introductifs puissants comme "For those about to rock" ou "Thunderstruck", "Where you love from" est la bonne balade façon "Rock n' roll ain't noise pollution", tandis que "Cut me loose" se présente comme le petit bolide façon 'Beating around the bush" (forte ressemblance quand même avec le riff de "This means war").
"Anywhere but here" (qui aurait bien pu s'appeler aussi "Oval motel") défile et les bonnes impressions s'accumulent. Refrains réussis ("Anywhere but here", "Where you love from", "We came for rock n' roll"), titres rampants et vicieux à souhait ("Down", "We came for rock n' roll"), incursions sur les vastes terres du rock et du blues (le boogie ZZ Topien de "Short changed"). Petit retour sur "We came for rock n' roll" qui ferme le bal, et dont le riff simplissime et les chœurs virils (on pense un peu à Anthrax sur ce point-là) frôlent le génie, ou du moins un excellent savoir faire !
Ce troisième Black Aces n'est pas l'album du siècle (la faute, notamment, à quelques titres plus "passe partout") mais confirme la bonne santé d'un jeune groupe que l'on devrait soutenir et promouvoir davantage.

jeudi 25 octobre 2018

The Magpie Salute

"The Magpie Salute" c'est la nouvelle incarnation musicale de Rich Robinson, le guitariste fondateur et frère ennemi de The Black Crowes... Une perpétuelle histoire d'oiseaux en somme.
Ce disque paru en 2017 constitue la première carte de visite de ce groupe naissant. Curieusement (ou comme un clin d’œil à certains pans de l'histoire du rock), il s'agit d'un album live, mais enregistré en studio (lors des "Woodstock Sessions"). Autre curiosité : le track listing fait la part belle aux reprises, la seule composition originale estampillée "The Magpie Salute" étant "Omission" (l'une des plus électriques et énergiques du lot). 
De cet album, on louera le son vintage et riche à la fois (il y a quand même dix personnes dans le groupe).  "The Magpie Salute" ne donne ni dans le progressif ni dans le symphonique, mais c'est une somme de petits détails qui consolident sa prestation : des chœurs et harmonies vocales à foison, des petites notes d'orgue Hammond et de piano et, bien sûr, de la guitare électrique comme s'il en pleuvait (branchée sur ampli à lampes, s'il vous plaît).
Du la première à la dernière mesure, "The Magpie Salute" se balade sur les rives du bon goût, tour à tour rock seventies plus ou moins teinté de blues (la plupart des morceaux), country ("Ain't no more cane"), jazz ("Goin' down south", "War drums") ; s'offrant même le luxe final d'une relecture, d'ailleurs sublime, du "Time will tell" de Bob Marley.
Un excellent album.

mercredi 8 août 2018

AC / DC : "If you want blood you've got it"

D'abord, un petit détour par le magazine Rock Hard et cette excellente rubrique intitulée "Les 10 commandements de...", dans laquelle un musicien raconte sa dizaine d'albums préférés et les conditions, parfois rocambolesques parfois banales, de la découverte de chacun d'eux. Eh oui, au détour d'un achat non planifié, d'un placard ou même d'une poubelle, il y a parfois une découverte qui va nous marquer à vie...
Dans mes 10 commandements à moi, il y aurait sans aucun doute ce "If you want blood you've got it" d'AC / DC, album live enregistré en 1978, donc (sauf erreur) sur la tournée "Powerage".
J'ai acheté cette cassette audio dans le bac à soldes d'un petit supermarché de Gironde, sur mon lieu de vacances, l'été 1985. Un hasard complet, mais comme le destin fait parfois bien les choses (et le prix des cassettes étant particulièrement dérisoire), j'ai aussi pris le même jour, dans le même bac, le sublime "Nebraska" de Bruce Springsteen... 
Mais revenons à "If you want blood you've got it" : je ne cacherai pas que mes premiers pas avec cet album ont été un peu tendus ! Peu habitué au rock n' roll et au blues, j'ai frôlé l'incompréhension à l'écoute du magma brut qui sortait des enceintes... "Brut", "rêche" sont bien les adjectifs qui me viennent à l'esprit pour qualifier le son du jeune AC / DC sur ce live ; mais j'ajouterais aussi "électrique", en référence notamment au bruit de transformateur haute tension qui démarre le concert !
Mais bon, nos meilleures découvertes musicales naissent souvent d'un choc artistique, et malgré cette production sans fioriture qui me heurtait un peu les oreilles, il faut bien admettre que cette cassette revenait sans cesse dans mon lecteur. Car "If you want blood you've got it", en plus d'être l'un des albums live à avoir réussi la mise sur bandes de l'énergie scénique, est aussi une compilation de titres géniaux, portés par un chanteur inoubliable : Bon Scott.
Les chansons délicieusement allongées et customisées pour la scène, porteuses de solis fiévreux ("High voltage", "Let there be rock"), côtoient les brûlots ("Rocker", "Problem child", "Riff raff"), le blues menaçant et salace ("The jack") ou à la "Mannish boy" survitaminé ("Whole lotta Rosie"), ainsi que quelques compositions plus posées ("Hell ain't a bad place to be", "Rock n' roll damnation", "Bad boy boogie"). Dans tout cet ensemble, la magie des riffs et des refrains opère en permanence.
Par la suite, j'ai souvent rêvé refaire une découverte aussi marquante que "If you want blood you've got it", souhait qui a parfois été réalisé, bien entendu. Au côté de cet album sauvage, je citerais par exemple le "Live at Woodstock" de Jimi Hendrix, le "Live bootleg" d'Aerosmith, ou encore le "Live after death" d'Iron Maiden. Par contre, certains albums mythiques  n'ont pas forcément fait mouche dans mon esprit : c'est le cas du "No sleep 'til Hammersmith" (Motörhead) dont, à mon sens, une partie de l'énergie vitale n'a pas été retranscrite par l'enregistrement.

samedi 4 août 2018

Guns n' Roses : "Appetite for destruction" (deluxe edition - 2cd)

Voici donc l'édition deluxe 2cd, parue à l'occasion de l'anniversaire des trente ans de l'un des plus grands disques du rock n' roll : "Appetite for destruction".
D'emblée, soyons bien clair : il est inutile de revenir sur le contenu providentiel de l'album original qui est proposé sur le premier cd. Pour cela, ne paraphrasons pas et laissons la parole à une chronique parue en 1990 (cf. "Appetite for destruction - D'Head Banger magazine"). En fait, le seul point méritant un commentaire serait plutôt : pourquoi remastériser un album dont le son d'époque était déjà idéal ? Bienvenue dans le premier cercle de l'enfer du music business...
Le cd n°2 s'appelle "B-sides, EPs n' more", mais il plaira moyennement à ceux, nombreux, qui possèdent déjà "Live ?!*@ Like a suicide" et surtout "G N' R Lies" : ils retrouveront tels quels "Reckless life", "Nice boys", "Move to the city", "Mama kin", "Patience" et "Used to love her"... Il n'y a rien à dire sur ces titres, qui sont de vraies merveilles, mais la méthode laisse à désirer, d'autant que vous aurez peut-être déjà noté l'absence de "One in a million" (ce qui signifie que l'achat de "G N' R Lies" n'est pas devenu obsolète, d'autant qu'il contient une version acoustique de "You're crazy" légèrement différente de celle fournie sur cette réédition). Bienvenue dans le deuxième cercle de l'enfer du music business...
Beaucoup plus intéressant, le cd n°2 rassemble aussi des titres disséminés parus sur des faces B de singles ou sur des EP's : pas mal de versions live ("Shadow of your love", "It's so easy", "Knockin' on heaven's door", "Whole lotta rosie") ainsi que la version acoustique de "You're crazy" dont on parlait tout à l'heure.
Enfin, le nirvana tant attendu : les inédits. En tête, balancée en avant-première et en éclaireur de cette campagne de rééditions, la version studio de "Shadow of your love" : enregistrée dans le même lieu que celui qui sera utilisé pour "Appetite for destruction" deux mois plus tard, et avec le même producteur, elle a servi de démo-test pour apprécier en conditions réelles quel son pourrait mettre en valeur le potentiel incroyable du groupe. 
Un tout petit peu plus anciens (quelques mois avant ce "Shadow of your love" test), nous avons droit à 5 titres enregistrés en guise de démos aux Sound City Studios : "Welcome to the jungle", "Nighttrain", "Out ta get me", "Paradise city" et "My Michelle". Le son est brut et l'interprétation urgente, sachant que le groupe a mis en boîte 29 titres en 48 heures (dont les 5 qui nous sont proposés). Honnêtement, avec cette production spartiate, ce sont les titres les plus agressifs qui tirent leur épingle du jeu (comme "Out ta get me" ou "My Michelle"). Pour les autres, plus nuancés et élaborés, il faudra attendre l'habillage du producteur providentiel Mike Clink pour en sucer vraiment la substantifique moelle... Par contre, l'état d'avancement du processus de composition est déjà impressionnant. Beau trésor de guerre, mais pour écouter le reste (ou presque) de ces "Sound City sessions", il faudra acquérir l'édition super deluxe, et débourser près de 150 euros ! Apprécier Guns n' Roses a clairement un coût... Pour se consoler, en attendant de réunir la somme, une version acoustique inédite de "Move to the city" nous attend en fin de parcours.

samedi 28 juillet 2018

Rory Gallagher : "Irish tour '74" (D'Head Banger magazine)

La chronique signée Pierre Watremez, dans D'Head Banger magazine n°1 (mai 1990) - Les 100 meilleurs albums du hard 1968 - 1990.

La page complète sur laquelle se trouve la chronique...



vendredi 27 juillet 2018

Lucifer : "Lucifer 1"

Plaquée par sa complice guitariste et co-auteur Linnéa Olsson, la chanteuse Johanna Sadonis a décidé que le projet "The Oath" serait sans lendemain. De cet épisode, il restera donc un album éponyme de qualité et, pour ceux qui souhaiteraient que Johanna les envoûte encore un peu plus, un nouveau véhicule musical nommé Lucifer est né.
Lorsque l'on apprend que le copilote se nomme Garry Jennings, guitariste de feu Cathedral, forcément ça motive pour découvrir l'après "The Oath"... Et, comme prévu, pas de mauvaise surprise : l'ambiance est vraiment occulte, le son se répand lourdement, comme provenant d'une entité musicale des années 70, et une voix de prêtresse sensuelle (merci Johanna) survole le tout avec majesté. A cet ensemble fort prometteur, Garry Jennings a ajouté la force de composition que l'on était en droit d'attendre d'un tel vétéran. 
"Abracdabra", "Purple pyramid", "Izrael" sont des sans-faute mid-tempo en ouverture d'album, auxquels on ajoutera, un peu plus loin, "White mountain" et "A grave for each one of us" fonctionnant de la même manière. Les clés de cette réussite exemplaire sont à chercher du côté de la qualité des riffs et des lignes vocales employés, mais aussi via des structures changeantes et aérées au sein d'un même morceau : sons clairs, changements de tempo, breaks... La liste de ces astuces pourrait être fastidieuse, aussi se focalisera-t-on sur l'arme secrète déployée par Lucifer sur ce disque : les arpèges... Pratiquement présents dans chaque titre, tour à tour inquiétants, aériens ou misérables, ils sont le sel de "Lucifer 1" (mention spéciale, au passage, pour les harmonies envoûtantes créées par ceux de "White mountain"). Quant aux riffs, ce sont ceux de "Izrael" (ce refrain...) et "Abracadabra" qui, majestueux autant qu'intelligents, dominent l'ensemble.
Sans créer de scission au sein de l'album, les autres titres ("Sabbath", "Morning star", "Total eclipse") en appellent à un doom métal de tradition. "Sabbath" est une assez longue pièce monolithique, lente et incantatoire, tandis que "Morning star" et "Total eclipse" (introduit par des arpèges squelettiques) fonctionnent sur le schéma progressif de "Black sabbath" (la chanson). 
Belle carte de visite...

lundi 23 juillet 2018

'77 (Seventy Seven) : "Bright gloom"

Il se pourrait bien que la jeune nonne qui orne la pochette de ce disque participe quelque peu à la rédemption de nos rockeurs espagnols de Seventy Seven. Ses cheveux s'échappent symboliquement de sa coiffe, de la même manière que, sans doute frappée par la révélation inattendue du rock n' roll, elle semble échapper à un destin inéluctable et impitoyablement balisé. 
Seventy Seven, dont le pêché a été de s'approcher un peu trop près de l'orbite d'AC/DC pendant ses trois premiers albums, a choisi la dualité (et la prise de risques) plutôt que l’enfermement dans une formule musicale monolithique autant que restrictive. 
Cette dualité a donc pour titre "Bright gloom", avec une face "gloom" (les ténèbres) et une face "bright" (lumineuse) ; concept amusant qui rappelle par exemple l'album "Black metal" de Venom, que ses géniteurs avaient doté d'une face "black" et d'une face "metal". On ne remerciera d'ailleurs jamais assez Seventy Seven de faire, via cette histoire de faces, la promotion du vinyle ainsi que du son analogique...
Nous avions découvert les velléités d'émancipation de '77 sur l'album précédent, "Nothing's gonna stop us", via quelques regards appuyés vers Thin Lizzy, Rose Tattoo ou même Kiss. Avec "Bright gloom", d'autres métamorphoses, bien plus inattendues, sont au programme. 
La face "gloom" est bel et bien assez sombre, ouverte par un "Bread & circus" d'obédience hard rock, au riff plaintif et traînant. Sans trahir son ADN, le groupe ne nous avait jamais convié à quelque chose d'aussi poisseux. Il faut dire que le reste de cette face (soit quatre chansons) est une invitation à visiter l'univers de Black Sabbath et de ses suppôts ! Quelques ingrédients clés : les changements de tempo ("Hands up" et "Who's fighting who"), la voix incantatoire ("Be crucified"). Le break de "Hand up" est même tellement caractéristique que l'on pense carrément au riffing de Witchfinder General... Que dire ? Chacun se fera sa propre opinion, si ce n'est que l'on se doit de reconnaître un talent d'écriture certain, de même qu'une manière "bluesy" de faire sonner ces riffs (si Black Sabbath avait interprété les premières mesures de "Who's fighting who", nul doute que le résultat aurait été cent fois plus heavy). Dernier détail : cette face "gloom" s'achève avec "Where have they gone ?" qui lorgne légèrement (très légèrement) du côté de "War pigs", mais a le mérite de jeter un pont entre ce nouvel univers stoner / doom et le hard rock binaire d'où '77 est issu.
Place maintenant à la face lumineuse du disque. Sur le très réussi et contrasté "Last chance", nos rockeurs espagnols nous enchantent avec leurs racines blues judicieusement mises en avant. "It's near", "You better watch out" et "I want my money back" déploient tous les trois un bon groove et des refrains bien taillés : il y a des pincées de "Gone shootin'" et de "Dirty deeds..." en eux. Plus curieux, le bref "Make up your mind" semble avoir le rockabilly dans la peau, tandis que "Fooled by love" propose de mettre la basse et quelques chœurs en avant pour un résultat certes rock n' roll, mais étonnamment dansant et divertissant (petit clin d’œil peut-être aux escapades funky de Led Zeppelin). Finalement, la vraie faute de goût de ce disque (mis à part le fait de déclencher notre interrogation légitime sur le futur musical du groupe) restera la voix stupidement filtrée de "You better watch out", artifice psychédélique inutile et gâchant une partie du potentiel de la chanson.

mardi 17 juillet 2018

Ghost : "Opus eponymous"

Il y a les disques lambda, et puis il y a les classiques. 
Si pour beaucoup d'entre nous ce premier album de Ghost se range dans la deuxième catégorie, c'est pour couronner l'obtention d'un alliage quasiment idéal, qui a fait souffler un air bien frais sur la production musicale depuis 2010.
Après deux ans d'étude et de réflexion, Tobias Forge et ses complices pensent détenir enfin la formule qui fera mouche. Ils publient le single "Elizabeth", puis cet "Opus eponymous" de 35 minutes à peine. Gage de qualité, c'est le label Rise Above qui les héberge : ils s'y connaissent en bizarreries et autres expérimentations...
Il faut préciser que le groupe est grimé (voire masqué) et les membres totalement anonymes (du moins à cette époque, et le temps des deux albums suivants, à peu près) : il y a un pape satanique ("Papa Emeritus"),doté de l'attirail complet du souverain pontife, et des "Nameless ghouls" encapuchonnés, encagoulés et vêtus de longues robes noires. Forcément, cela fait son effet, sans compter que les paroles ne sont que prières adressées à Lucifer, récits de messes noires et sacrifices humains, évocations de personnages fort douteux (Elisabeth Bathory). Détail amusant : tout cela crée une aura malsaine et séduit rapidement la communauté des métalleux avide de sensations glauques, mais les auditeurs ont tout à fait conscience d'avoir à faire à de l'entertainment puissance 10...
Autre source de séduction : la mise en son. Basse bien audible et guitares à riffs sont de la partie, sauf que l'obédience est autant à aller chercher du côté du hard rock que du métal. On pense parfois à Blue Oyster Cult (qui, comme Ghost, utilisent des claviers), mais aussi parfois à de vieux groupes psychédéliques.
Curieux cocktail décidément, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises... 
Passé l'intro instrumentale à l'orgue ("Deus culpa"), on découvre sur "Con clavi con dio" la voix étrangement douce de Papa Emeritus qui, tel un prélat calme et bienveillant, nous débite avec simplicité des horreurs... Il faut l'entendre pour le croire, mais aussi parler des lignes de chant de ce cher Papa Emeritus : eh bien, c'est ni plus ni moins de la pop musique ! Ghost, ou le mariage des Beatles et du métal des années 80...
Tout cela est fort intriguant, mais ne mènerait pas à grand chose (tout au plus à de l'anecdotique) sans un talent de composition hors normes, et ce notamment au niveau des refrains. Si "Con clavi con dio" assure (belle ligne de basse introductive), les quatre chansons suivantes ("Ritual", "Elizabeth", "Stand by him" et "Satan prayer") sont tout simplement imparables. Une fois leurs refrains écoutés, on ne s'en débarrasse pas comme ça... Bon, ensuite cela s'essouffle un peu avec "Death knell" et "Prime mover" : c'est bon, mais plus obscure et convenu que les morceaux déjà cités.  
Par contre, il faut dire un mot sur "Genesis", l'instrumental de conclusion de cette première messe noire. Un synthé genre Yamaha DX7 (le son des eighties) se charge d'une partie du boulot, et on a l'impression - dans un premier réflexe - d'écouter le générique de fin d'un film (il y a un petit côté "Blade runner"). A surtout réécouter pour mieux appréhender l'aspect héroïque et sombre de cette composition !

dimanche 15 juillet 2018

Buddy Guy : "The blues is alive and well"

Buddy Guy est né en 1936 à Lettsworth, en Louisiane. Il est l'une des dernières légendes vivantes du blues.
Sur la pochette de cet album providentiel (l'homme a quand même près de 82 ans), Buddy pose devant la gare de sa petite ville natale, semblant attendre sereinement le train aléatoire du dernier souffle ("End of the line"). 
Serein, Buddy Guy peut l'être : il a à son actif un parcours exceptionnel, couronné par ce "Blues is alive and well" tout simplement très bon. Sa voix, non altérée par le poids des années, est chaleureuse, soutenue par l’électricité palpable d'une guitare dont le son idéalement overdrivé est déjà une oeuvre d'art en soi. 
Des musiciens comme s'il en pleuvait : le groupe qui accompagne Buddy est à géométrie variable, avec des invités prestigieux (Jeff Beck, Keith Richards, James Bay, Mick Jagger) et l'ajout de choristes, d'une section de cuivres, d'un harmonica, d'un piano ou d'un orgue Hammond lorsqu'il le faut. A part les quelques secondes finales et solitaires de "Milking muther for ya", nous sommes donc bien loin de "Sweet tea", album sur lequel Buddy Guy explorait un blues rural hypnotique et minimaliste.
Autre particularité de ce disque : peu de reprises ("Nine below zero" et quelques mesures de "Mother fuyer" sur "Milking muther for ya") ; les autres chansons étant toutes signées ou cosignées par Tom Hambridge, producteur et batteur (la mention "Buddy Guy" apparaissant assez peu dans les crédits).
Dans cette pleine assiettée de blues, des moments forts : le morceau-titre feutré dans lequel Buddy s'adresse au blues en personne, l'arrogante section de cuivres de "Old fashioned", le funk et les chœurs de "Whiskey for sale", l'ambiance trottoir mouillé de "Somebody up there", le boogie de "Ooh daddy" ainsi que le punch de "Guilty as charged" et "Bad day" (l'un des sommets guitaristiques du disque en terme de son gras).
Superbe cargaison. 

jeudi 12 juillet 2018

Little Bob Story : High times 76 - 88

Comme le dit la voix cryptique de Lemmy en introduction : "Ecoutez bien, fils de putes, Little Bob va vous raconter une histoire". Une histoire ? Oui, le parcours incroyable de Roberto Piazza, depuis l'immigration et l'arrivée au Havre, en passant par l'amour de la musique et cet attachement fervent à sa ville d'adoption. 
Le perfecto rouge de la pochette ne laisse aucun doute sur les intentions de Bob : c'est le rock n' roll brûlant qui l'anime, et nous mène jusqu'à cette compilation indispensable et bienvenue. Car Bob, a plus de 70 ans, est devenu une légende qui donne même des concerts dans la cour des ministères, mais dont le catalogue n'est même pas réédité à ce jour (ou si peu). En fait, la France est juste en train de s'apercevoir qu'elle abrite un rockeur phénoménal en son sein, un type à la voix d'or légèrement éraillée, qui n'a jamais fait la moindre compromission et s'est contenté d'un succès d'estime toute sa vie. L'intégrité quoi, la vraie...
Deux cd et un dvd composent ce "High times 76 - 88". Chaque amateur de rock y trouvera son compte : séance massive de rattrapage, moyen de réécouter enfin les morceaux perdus sur des vieux vinyles gondolés voire égarés, chasse aux inédits (la reprise de "Sex machine", la démo de "You've lost that loving feeling", les morceaux live à la Cigale) ou même aux anecdotes (le rockumentaire "Rocking class hero", dans lequel Bob se livre avec humilité).
21 titres s'étalent sur le premier CD, consacré au travail en studio. Le gap est vraiment intéressant entre "High time", pub rock nerveux à la Dr. Feelgood, et un "Ringolevio" aux tonalités plus modernes, plus sombres, plus heavy. Entre les deux, il y a le menaçant "Riot in Toulouse", mais aussi une face bluesy et sentimentale avec "Light of my town", dont l'harmonica nous invite à arpenter les quais brumeux du Havre la nuit. Un petit détour aussi par "Too young to love me", l'une des chansons de Little Bob les plus diffusées à l'époque.
 On retrouvera "High time", "Riot in Toulouse" et "Light of my town" sur le deuxième CD, qui compile le meilleur du groupe sur scène, son véritable terrain de jeu. C'est forcément un disque torride que l'on a dans les mains : même "Moving slowly in the dark", très "crooner" dans l'âme, ne déroge pas à cette règle. Beaucoup de reprises : "Lucille", "Dancing in the street", "Bring it on home to me", "Kick out the jams", "I fought the law", qui en disent long sur l'ADN du groupe. Avec celle de "Seaside bar song", on réalise que Bob est un peu notre Bruce Springsteen à nous, chantant la vie quotidienne des gens, l'amour, l'espoir, les galères...
Longue vie à toi Bob, et merci pour cet inestimable héritage musical.


samedi 23 juin 2018

Acid King : "Busse woods"

Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'être le plus objectif possible.
ACID KING : “Busse woods” (2004) Small Stone records
Lori S : guit & voc - Joey Osbourne : drums - Brian Hill : bass
56 : 44

Electric machine : il s’agit sans doute d’une ode à l’électricité haute tension que propose cette chanson, typique du stoner / doom délivré par quelques power trios célèbres. Acid King en fait aussi partie et le grain un peu incertain de la guitare, comme si plusieurs overdrives étaient branchés à la suite, et la voix irréelle, mixée un poil en retrait, renvoient un peu à l’univers d’Electric Wizard. 6 : 25
Silent circle : voici un titre au tempo medium assez syncopé et groovy, dans lequel le groupe
exprime toute sa fibre stoner rock, même si la voix blanche sous mixée de la chanteuse (tiens, voilà qui n’est pas courant dans ce style...) y instaure un climat inquiétant un peu décalé. Qu’importe puisque cette chanson fonctionne à merveille et constitue l’un des points forts de “Busse woods”.L’essence d’Acid King. 7 : 31
Drive fast. Take chances : bienvenue au royaume du monolithisme fumé, à la Sleep ou - encore - Electric Wizard. “Drive fast. Take chances” ou, en d’autres termes, 8 : 32 d’un riff quasiment unique, lent, long et hypnotique.
39 lashes : cette reprise tirée de “Jesus Christ Superstar” (!) gagne la palme du morceau le plus inquiétant de ce disque, qui l’est déjà pas mal en soi... Après une intro pendant laquelle la guitare délivre quelques notes cristallines semblant se perdre dans un paysage désertique caniculaire, le sabbat démarre sur un tempo très lourd. Ici, pas vraiment de chant puisque la vocaliste se contente de compter lentement jusqu’à 39 tandis que l’on entend un fouet claquer. Mais ce morceau basé sur un gimmick simple est une tuerie, et au bout de ses 6 : 24, on est en sueur !
Carve the 5 : aussi monolithique que “Drive fast. Take chances”, mais encore plus lent et encore plus long ( 9 : 27 ). La basse, au son pas très propre, est plutôt mise en avant sur cette composition, au point que les autres instruments s’effacent à la fin pour lui laisser le soin de conclure cette sombre parade.
Busse woods : un instrumental de stoner / doom, ça ne se refuse pas. Après plusieurs minutes de riffs alternés, dont l’un est interprété au début à la basse sursaturée, la guitare solo vient interpréter le thème blafard de ce morceau. L’ensemble est aussi lourd et visqueux qu’une marée noire.
Motorhead : présentée comme un bonus track, cette reprise honore davantage la version poisseuse et hypnotique enregistrée par Hawkwind que celle figurant sur l’opus “Motörhead” (du groupe du même nom, bien sûr...). 4 : 42
Not fragile : un peu psychédélique, ce morceau (le deuxième bonus track) est encore une reprise. Assez lourd, mais surtout bizarroïde du fait de la voix haut perchée, anti-rocailleuse et noyée de reverb de Lori S, laquelle déclame autant qu’elle chante. L'atmosphère y est vraiment spatiale et étrange, comme un mauvais rêve fiévreux. 6 : 04

samedi 19 mai 2018

Abdullah : "s/t"

Note : cette chronique est extraite de l'ébauche d'un recueil consacré au doom métal, que j'avais commencé à écrire en 2006. Chaque album était disséqué sous la forme d'un "track by track", afin d'être le plus objectif possible.
ABDULLAH : s / t (2000) (Météor City)
Jeff Shirilla : drums, voc - Alan Seibert : guitars - 2 bassistes de session se partagent les titres
1 : 07 : 48

Abdullah est un conglomérat de contrastes. Contraste, dans le livret, entre les photographies shintoïstes/zen  qui apaisent et les gravures ésotériques de vieux grimoires, superbes mais inquiétantes. Contraste musical entre le son rugueux du stoner doom et les harmonies vocales de Jeff Shirilla, le batteur/chanteur. Et beaucoup d’autres détails encore, comme l’extrême richesse ou variété des compositions.
) The path of enlightenment, comme son titre le suggère, tourne le disque vers la lumière, via la voix claire, brillante, de Jeff Shirilla, que des effets de « twin voices » viennent souvent sublimer (magie du studio ou chœurs organiques ?). Dès les premières secondes, le voyage commence. L’ouverture est majestueuse, lente à souhait ; les couplets et le refrain font montre d’une grande évidence. Mais très vite le propos se radicalise : variations, arpèges en son clair, accords de puissance, soli… Les méandres sont nombreux et il faut carrément s’accrocher pour ne pas perdre le fil. Un cap musical dont le franchissement se mérite. 7 : 30
) Conundrum : adorable « petite » chanson (2 : 34 au compteur) qui, entre autres faits d’armes, a le privilège de figurer sur la compilation « Where the bad boys rock » éditée par « I used to fuck people like you in prison – records » en 2001. Une réalisation de grande qualité qui permettait de savourer, d’une simple pression sur le bouton « play », 25 groupes différents oeuvrant dans la sphère grouillante du stoner rock. Inutile de préciser qu’Abdullah y représentait alors le versant le plus esthétique, au milieu de graisseux incorrigibles tels que Red Aim ou encore Nebula. « Conundrum », à la fois immédiat et ciselé, se paye le luxe de faire tenir dans un mouchoir de poche la structure d’une chanson qui pourrait durer le double de son timing. Essence ou noyau dur d’Abdullah, « Conundrum » est un passeport heavy idéal.
) Earth’s answer : avec ses quatre accords de puissance syncopés, sur l’intro et les couplets, ce morceau aurait pu être surnommé « AC/DC’s answer » ! Un univers musical pas prise de tête pour un sou, très aéré même (on pense à ce passage rythmique en son clair qui soutient un solo harmonisé du feu de dieu). À la fin, comme si ça ne suffisait pas, le tempo prend un sérieux coup dans l’aile et c’est parti pour quelques mesures de true doom dantesque (superbe triolet sabbathien en hammer, exécuté par une guitare véritablement en feu : la réponse d’abdullah à ce groupe pionnier originellement appelé « Earth » ?). 5 : 50
) Visions of the daughters of time : ce classique (si, si !) s’appuie sur un pilier souvent utilisé dans le monde du heavy et plus particulièrement du doom : la montée en puissance. Ici, le coup de headbanging se fera à chaque liaison entre les couplets en son clair (voire carrément « guitarless ») et le refrain saturé. Les lignes vocales, inoubliables, sont parées d’une résonance spectrale qui leur confère un aspect religieux. Et pour l’anecdote, on mentionnera ce petit pont rythmique à la guitare sèche (très sèche même : on dirait presque un dobro ou un banjo), propice lui aussi à un bon coup de tête lorsque le groupe, électrifié et au complet, reprend soudain sa place imposante dans le mix.  6 : 59
) Now is the winter : schématiquement assez proche du morceau précèdent, parce que les parcelles en distorsion sont délimitées par un petit thème rachitique interprété par une guitare psyché gavée de tremolo et de wah wah. Le chant, constant dans son lyrisme, s’efface dans le dernier tiers. Le doomster intégriste sera heureux d’entendre le tempo se réduire. Un solo, quelques mesures et tout s’arrête brutalement. Mais bon, l’essentiel est dit. 3 : 46
) Lucifer in starlight est une ballade lente à souhait, menée par une guitare au son clair particulièrement compressé (un effet de chorus intervient probablement aussi). Les parties instrumentales exécutées par cet instrument sont très expressives et servent le plus souvent de guide vocal. En somme, Jeff Shirilla le chanteur suit de très près Alan Seibert le guitariste.
Belle osmose et surtout belle ballade, triste et technique à la fois. 4 : 44
) The black ones : la Finlande est un pays normal puisque des formations telles que Reverend Bizarre parviennent à faire passer en radio des singles longs et pas évidents (« Teutonic witch » par exemple). Lorsque la France mettra fin à sa politique de radiodiffusion ségrégationniste, peut-être pourra-t-on songer à balancer la pépite « The black ones » sur les ondes. Du vrai rock au tempo serein et au refrain proprement libératoire, que nous devrions tous porter en pendentif tant il est ouvragé. « The black ones », single potentiel d’un groupe qui, à ma connaissance, n’en a jamais sorti.
) Awakening the colossus : lorsque les death metalleux Américains de Nile ont sorti « In their darkened shrines », j’ai halluciné en découvrant que le morceau « Unas slayer of the gods » reposait en grande partie sur un riff de transition emprunté à Candlemass (« Dark are the veils of death », environ vers le milieu de la chanson). Avec « Awakening the colossus », le death metal rend à son voisin le doom intérêts et capital. Cette fois-ci, l’emprunteur se nomme Abdullah et le créancier Carcass. Le célèbre « Corporal jigsore quandary » fournit un peu de combustible à cette pièce de 9 : 46, construite dans la durée et pour durer.
) Proverbs of hell : une lente réflexion sur la religion et l’humanité, à méditer musicalement sans que la moindre aspérité vienne perturber l’écoute de l’auditeur, méritant ainsi la palme du titre le plus monolithique de cette liste. On avance comme sur un tapis roulant, la seule station étant un interlude en arpèges clairs sur lesquels repose, comme si on l’avait toujours connu, un chorus mélodique d’une rare finesse. Citons enfin les quatre phrases du refrain, entre lesquelles la guitare quitte ses lourds accords pour tisser systématiquement un filet de quelques notes savoureuses.
) Journey to the orange island : pour rallier cette “île orange”, il faudra traverser un océan de riffs seventies, composé principalement de chorus qui montent et qui descendent (peu d’accords en somme). Pas de panique car ce voyage s’effectue à un rythme paisible. A la moitié du parcours (musical), la terre promise psychédélique doit être atteinte car le chant n’a plus lieu d’être, remplacé par une jam session tranquille où des soli variablement saturés s’entortillent comme du lierre.

) Lotus eaters : c’est le « Redemption song » du doom ! Une guitare acoustique et la voix mélancolique de Jeff Shirilla, sur un texte résigné décrivant la fin d’une ère (vie ? monde ? amour ?). 

vendredi 20 avril 2018

Running Wild : "Gates to purgatory"

Puisqu'il est intéressant de se plonger dans la réédition des albums de Running Wild, autant commencer par ce tout premier opus, et remonter le temps vers un certain 26 décembre 1984, sa date officielle de sortie.
Running Wild fait déjà vibrer les murs de sa vieille ville de Hambourg depuis plusieurs années, au son d'un heavy metal qui se cherche encore, mais dont les racines sont  une évidence : "Running wild" est, à la base,  le nom d'une chanson de Judas Priest, parue sur l'album "Killing machine" (1978). A la même époque, sortent du bois d'autres formations composées de jeunes Allemands prêts à en découdre (Grave Digger, Rage, Helloween, S.A.D.O,...), assoiffés par ce métal déjà établi, ainsi qu'un courant très prometteur qui est en train de naître : le speed. Des labels spécialisés se créent et mettent rapidement sur les rails des compilations destinées à faire connaître le meilleur de cette nouvelle vague. Running Wild a l'opportunité de placer deux titres sur la compile de 1983 "Rock from hell - German metal attack" (ce sont "Chains & leather" et "Adrian"), puis deux autres l'année suivante sur "Death metal" ("Iron heads" et "Bones to ashes"). Les retours sont bons : un premier album suivra donc dans la foulée.
Nous savons tous que Running Wild a construit une bonne partie de sa réputation sur son utilisation du thème de la piraterie. Mais en 1984, les trois mâts et les îles au trésor sont encore loin : le groupe parle surtout de satanisme et se cache sous du cuir noir hérissé de clous. Quelques thématiques sociales ("Victim of states power") ou historiques ("Gengis Kahn") surnagent, mais globalement Running Wild suit scrupuleusement, en ces temps reculés, l’archétype des formations métal, ni plus ni moins. La pochette de ce "Gates to purgatory" en est d'ailleurs l'illustration parfaite, ce bras ganté et armé rappelant la pochette déjà culte du "Heavy metal maniac" d'Exciter (1983). 
"Gates to purgatory" ne contient que 8 titres (nous sommes au temps du vinyle : 4 chansons par face pour garder une bonne qualité sonore) et le démarrage se fait sur les chapeaux de roues avec une speederie : "Victim of states power". Il y en aura une autre un peu plus loin ("Adrian S.O.S"), mais le reste de l'album est surtout heavy et assez contrasté, allant même jusqu'à s'aventurer sur les terres du doom ("Preacher", pas une grande réussite) ou même de Mercyful Fate (les vocaux aigus de "Diabolic force"). Les titres les plus mémorables sont "Victim of states power", "Gengis Kahn" et "Prisoners of our time" : ils ont hanté les compilations et les set lists du groupe jusqu'à aujourd'hui, grâce à la grande qualité d'écriture des riffs et des refrains. Concernant les autres chansons, "Adrian S.O.S" fonctionne principalement sur un jusqu'au boutisme presque punk (qui rappelle Venom), tandis que "Black demon" et "Soldiers of hell" utilisent des schéma priestiens et constituent des compositions tout à fait intéressantes. 
Un petit mot sur la production : les vocaux dans la moyenne de Rolf Kasparek sont dilués dans une reverb datée (un principe que le groupe utilisera - malheureusement - sur bon nombre d'albums suivants). Il faudra s'y faire...
Enfin, sachez que nous tenons là l'une des rééditions les plus intéressantes de toute la série, au vu de la qualité des bonus proposés : les titres d'époque parus sur les compilations "Rock from hell - German metal attack" ("Chains & leather", "Adrian") et "Death metal" ("Iron heads", titre speed brut de décoffrage, et "Bones to ashes", conçu dans la veine priestienne de "Tyrant"), les chansons placées en face B du maxi "Victim of states power" (le convenu "Satan" et le très bon "Walpurgis night") ; enfin, deux morceaux réenregistrés en 1991 ("Soldiers of hell" et "Prisoners of our time", pour lesquels on constatera que les voix des couplets ne sont plus autant réverbérées, au profit de l'apparition d'un écho inutile sur les refrains !).